Cinéma en salles : Freaks Out de Gabriel Mainetti (2022)

avec Claudio Santamaria, Aurora Giovinazzo, Pietro Castellitto, Giancarlo Martini, Franz Rogowski et  Giorgio Tirabassi. 141 mn

Considéré comme moribond depuis les années 80, le cinéma italien convulse encore. Bon an mal an, il continue d’expectorer quelques pépites. Le réjouissant Freaks Out de Gabriele Mainetti (déjà remarqué avec On l’appelle Jeeg Robot en 2017) régénère le cinéma populaire transalpin en piétinant allègrement les plates-bandes des films de super héros hollywoodiens.

Des pépites transalpines

Chaque année une ou deux bobines s’extirpent du caveau dans lequel certains voudraient assigner la création cinématographique transalpine.
Il y eut ces dernières années, Martin Eden la remarquable adaptation de Jack London par Pietro Marcello, Le Traître de Marco Bellocchio, sans oublier (liste non exhaustive), Paolo Sorrentino (La main de Dieu)ou le toujours vaillant Nanni Moretti (Tre piani).

Une nouvelle génération de cinéastes italiens

Visiblement abreuvé de culture pop, Gabriele Mainetti nous avait déjà épaté avec On l’appelle Jeeg Robot, une première tentative de s’extraire tout en innovant de la manne hollywoodienne Marvel et consorts.

Son nouveau film Freaks Out (bêlement traduit en France par Les Freaks sont lâchés (sic)) détonne par son cocktail de références magnifiquement composé, et une faconde fellinienne qui s’offre un hommage au classique fondateur du genre ‘mutant’, Freaks la monstrueuse parade  de Tod Browning tout en déroulant une histoire fantastique proche des attentes du public contemporain friand et abreuvé  de héros issus d’un univers de bandes dessinées.

https://youtu.be/HJ7uPCFg9tE

La vraie réussite réside ici dans le tour de main sans aucune couture visible des auteurs, le réalisateur et son scénariste Nicola Guaglione  dont il faut saluer ici le regard original.

Une variation européenne sur la monstruosité et la différence

L’histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale. Les nazis ont envahi l’Europe et se livrent à leurs nauséeuses exactions. Exécutions sommaires, rafles, déportations et bombardements expéditifs.

Le creuset du cirque autorise le croisement de toutes les différences .

Le ton est donné dès le début de l’histoire, dotée d’une violence qui n’avance pas masquée. Au milieu du grotesque, un petit cirque itinérant a survécu tant bien que mal. Sa destruction au cours d’une attaque aérienne qui n’a rien à envier à une production américaine pousse les membres de cette famille à l’exode. Composé d’un patriarche d’origine juive nommé Israël et de quatre anti-héros, chacun doué d’aptitudes très particulières plus ou moins à leur insu : Censio commande aux insectes, Fulvio affublé d’une pilosité hors norme dispose d’une force herculéenne, Mathilde  aux décharges électriques mortelles ne peut être touchée, enfin Mario, le clown nain, aimante et commande aux objets métalliques.
Jeté sur les routes, la disparition du patriarche les pousse dans un grand cirque de Berlin dirigé par un musicien psychopathe et toxicomane qui voit l’avenir au travers des visions hallucinées. Artiste célébré par le régime nazi Franz est un pianiste virtuose qui dispose de six doigts à chaque main. Il envoûte son public en interprétant des compositions que lui seul sait être tirée du futur. À ce titre son interprétation du morceau Creep de Radiohead est une idée assez maline. Obsédé par la grandeur du Reich, Franz ambitionne d’utiliser les pouvoirs de nos anti-héros pour empêcher la défaite qu’il sait inévitable par ses voyages narcotiques……

Des super héros à la truculence transalpine.

Des anti-héros européens décalés par rapport aux super-héros américains

D’une exubérance latine salutaire, foisonnant de clins d’œil particulièrement bien sentis. Assumant outrances décomplexées et réjouissances visuelles, le tout percute la rétine d’un inconscient collectif cinématographique.
La séquence de l’affrontement final est suffisamment spectaculaire pour classer ce film stimulant comme un blockbuster à l’européenne, pour ne pas dire à l’italienne. Un peu à la façon dont les célèbres studios de la Cinecitta de l’âge d’or du cinéma italien récupéraient les (sous) genres (westerns, péplums, …) hollywoodiens pour les resservir dans un style baroque.
Un bémol serait la longueur du film, plusieurs ruptures de ton auraient sans doute gagné à être écourtées. Cette imperfection qui constitue une preuve (de plus) du refus de tout calibrage ne doit pas vous empêcher de goûter cette variation généreuse et fulgurante de films de super héros à la truculence transalpine.

#Calisto Dobson