Concert Cyril Huvé transcende les sonates de Beethoven sur piano forte (28 mars, Théâtre Grévin)

Le lundi 28 mars au Théâtre Grévin, Cyril Huvè interprète au pianoforte la Sonate n° 8 op. 13 Pathétique et les Variations Diabelli op. 120. Ce concert prolonge l’édition d’un double cd des sonates les plus emblématiques de BeethovenPathétique n°8 Op. 13, Clair de lune n°14 Op. 27 n°2,  Tempête n°17 Op. 31 n°2 , Waldstein n°21 Op. 53, Appassionata n°23 Op. 57 (Calliope). C’est une occasion pour l’interprète de restituer et faire entendre les couleurs d’une nouvelle esthétique que Beethoven brosse à partir du pianoforte à mécanique viennoise et à cordes parallèles du facteur Graf. L’interprète s’en explique sans jamais sacrifier à l’utopie d’authenticité qui constitue la cohérence de sa magnifique trajectoire artistique.

Cyril Huvé interroge le sens des œuvres au travers des claviers que l’histoire a offerts à l’imaginaire des compositeurs, avril 2019 Photo  © Philippe Le Faure

Pénétrer chaque imaginaire musical par la texture de l’instrument

Victoire de la Musique 2010 pour son enregistrement d’œuvres pour piano de Mendelssohn sur un Broadwood de 1840, ce pionnier d’une approche historiquement informée du mode de jeu et des spécificités des instruments d’époque ne cesse d’élargir son répertoire : les Ballades et Scherzi de Chopin sur Pleyel et Erard 1830, Les Quintettes de Hummel et Schubert sur Erard 1830, l’Intégrale des lieder de Liszt sur Piano Erard 1850, les Mélodrames Romantiques avec Daniel Mesguich sur Steinway 1920. N’y voyez aucun artifice, ou retour en arrière, il s’agit de rentrer dans une autre perception :  « Les différences entre un pianoforte et un piano d’aujourd’hui sont à l’image de celles qui existent entre une automobile des années 1930 et une voiture actuelle : la conduite en est différente et le paysage pourtant identique d’un même voyage sera vécu intérieurement avec une autre perception du temps et de l’espace. »

Après l’intégrale des Sonates pour violon et pianoforte de Beethoven avec Jorja Fleezanis sur un Pianoforte Schanz 1815, Cyril Huvé propose un nouvel enregistrement est consacré à cinq des plus célèbres sonates de Beethoven, avec le pianoforte qui correspond au temps de sa composition : la Sonata Pathétique n°8 Op. 13 composée en 1798-1799 et la Clair de lune n°14 Op. 27 n°2, composée en 1801 sont jouées sur pianoforte Mathias Müller, construit autour de 1810, la Tempête n°17 Op. 31 n°2 composée en 1801-1802 est jouée sur un pianoforte Johannes Schanz, ca 1818, la Waldstein n°21 Op. 53, pianoforte terminée en 1804, l’ Appassionata n°23 Op. 57  composée en 1805-1806 sur pianoforte Conrad Graf, ca 1827 (2 cd Calliope)

Exprimer le caractère oratoire des sonates

Dans le livret de ce double CD paru chez Calliope, le disciple de Claudio Arrau et Gÿorgÿ Cziffra apporte une éclairante et profonde analyse sous le titre « L’orateur et la déclamation » sur la portée esthétique de Beethoven, ce « défricheur de l’inouï » : « Ses Sonates symbolisent la lutte, le doute et l’introspection ; elles parlent un langage qui interpelle l’auditeur pour l’inviter à suivre un discours. Celui-ci n’est jamais vain ou formel : la chair et les os n’y sont pas ménagés ; au bout du parcours, une renaissance spirituelle est attendue. (…) Il y a du pascalien et du racinien en un Beethoven plus janséniste que romantique lorsqu’il publie une Sonate. »

Ce grand collectionneur de pianos historiques qu’il fait vivre au sein de La Grange aux Pianos revient aussi sur l’importance de l’instrument : « Beethoven va se saisir du tout nouveau pianoforte pour permettre à l’expressivité de l’individu de prendre la parole. Dans un pianoforte à mécanique viennoise, le plan de cordes est parallèle – de nos jours les cordes sont croisées – ce qui donne une audition très nette des intervalles dans l’étagement des accords, une lisibilité supérieure des notes graves et un dessin acéré des motifs dans tous les registres, à la manière des instruments d’un orchestre. (…) L’univers du pianoforte est vraiment l’univers de Beethoven, celui qui colle à son tempérament et, dans la vaste courbe de son évolution, il n’a pas connu d’autre instrument pour s’exprimer. »

Les valeurs du discours musical

« Au cours de l’enregistrement de cet album, l’efficacité de l’écriture de Beethoven pour le pianoforte m’a profondément impressionné  : la disposition des notes des accords de main gauche, le choix des registres dans les moindres détails, les indications dynamiques toujours placées exactement – même lorsqu’elles sont absentes – tout démontre une intuition et une science incroyables pour faire sonner le pianoforte de façon à produire l’effet oratoire souhaité. »

L’instrument crée un espace d’expression

« On pourrait dire que Beethoven pensait dans la compagnie quotidienne du pianoforte, grâce à lui ; d’où, à mon sens, l’absurdité d’un avis fréquemment exprimé : Beethoven aurait été insatisfait des instruments de son temps et aurait appelé de ses vœux le piano moderne. (…) Au pianoforte, la pédale crée un brouillard qui permet d’entendre la plainte comme si elle venait de loin, de l’intérieur de l’être humain, comme si l’on devait tendre l’oreille pour la percevoir. C’est avec ces références en tête que Beethoven produit ce moment saisissant  : on a l’impression qu’enfin s’exprime la douleur de qui est d’ordinaire muet et que la musique donne un espace d’expression aux oubliés. »

#OlivierOlgan

Ecouter pour mieux connaitre le parcours artistique de Cyril Huvé la série biographique sur France Musique