Essai : Les écolos nous mentent !, Jean de Kervasdoué (Albin Michel)

Le véritable état des lieux de la planète, Albin Michel, 2021, 204 p. 18,90€

Arrêtez d’avoir peur ! Son accusation sans ambiguïté, et bien argumentée, Les Ecolos nous mentent ! a quelque chose de jubilatoire tant elle est à contre-courant des diktats hygiénistes d’aujourd’hui. Sans rien ignorer des dangers que coure la planète, Jean de Kervasdoué vise à rétablir les faits pour nous engager sur les vraies urgences. Encore faut-il averti ce membre de l’Académie des technologies faire front contre l’anti-science et ses prophéties catastrophistes, et plus grave, ce dénigrement du progrès que porte l’écologisme politique.

Revenir au goût du vrai

« Personne ne souligne la coupure entre ceux qui ont une formation scientifique et les autres, qui se laissent emporter par les vents dominants. » Depuis des décennies, mais plus précisément depuis Les Prêcheurs de l’apocalypse (Plon 2008), puis Ils ont perdu la raison  (Robert Laffont 2014), l’économiste de la santé Jean de Kervasdoué, à l’instar d’Etienne Klein a « le goût du vrai » et ne cesse de jeter ses pavés de raison dans les débats de plus en plus émotionnels autour de la santé et de la nature.

Sortir de la diabolisation de la science

Il faut saluer le courage de son éditeur de publier un essai si provocateur qui sera vu comme un chiffon rouge dans les débats « diabolisés » autour de l’écologie en général, et plus encore autour du projet de loi portant « lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », prolongement de la Convention Citoyenne pour le Climat. L’auteur ne mâche d’ailleurs pas ses critiques contre ce qu’il appelle « une remarquable manipulation des sectes écologiques », pourfendant « les sophistes qui ne s’intéressent qu’à l’opinion, pas à la vérité » et qui tentent d’imposer leur loi.  Avec une arme toujours aussi efficace, la peur.

Un appel à l’exigence scientifique

D’une plume alerte et éclairée, l’ancien titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) aidée par Henri Voron, hydrologue et ingénieur en chef des Ponts et Forêts s’attaque au retour de la « pensée magique » et le triomphe médiatique de l’ « écologisme politique ». Il appelle le lecteur à faire le tri entre réelles préoccupations et les idées fausses imprégnées d’idéologie. » : depuis le « manque d’eau » aux « incendies très politiques », des abeilles à la viande rouge sans oublier le bio, les abeilles, la faune sauvage (où l’on confond souvent effectifs et espèces), .. d’autant le calcul des risques martelés jusqu’à plus soif est difficile à mesuré, quand on ne mélange les données, ou confondent concomitance et causalité.

Ecologie scientifique vs écologie politique

Réaffirmant que l’état des lieux de la planète est hétérogène, Jean de Kervasdoué se refuse à toute généralité à l’exception du climat, sur l’écologie en général. Il regrette les confusions médiatiquement entretenus par l’écologie politique ; entre le local et l’universel, questions météorologiques et les questions climatiques, entre modèles et expériences, entre le risque et le danger, entre débats juridiques et  controverses scientifiques…  il prend des positions à contre-courant sur l’essentiel des sujets, réhabilitant ; l’énergie nucléaire et la culture des plantes génétiquement modifiées, qui contribuent à la baisse des gaz à effet de serre, mais aussi le diesel, des produits phytosanitaires, Toutes frappées d’interdiction entraînent des couts économiques, industrielles et sociales sans pour autant être efficaces.

Par contre, il rappelle les vraies urgences ; le développement des villes qui ne disposent pas d’adduction d’eau, comme d’assainissement, rejetant rejetés en mer les immondices et les sacs en plastique, la surpêche, trop souvent illégale remplacée par une aquaculture nourrie à base de plantes, …

Et pose le défi des générations Thunberg à venir : « La question écologique majeure est donc d’imaginer comment on pourra accueillir, loger et nourrir les deux ou trois milliards d’êtres humains qui viendront enrichir la planète dans les trente prochaines années. »

La nature n’est ni simple, ni manichéisme

A rebours des écologistes politiques, Jean de Kervasdoué étaie ses arguments avec des études scientifiques et des raisonnements logiques. Mais à l’heure des « tribunaux de la science » que veut dire pour la France d’aujourd’hui une « réponse proportionnée » à la menace invoquée par les plaignants contre l’Etat qui selon eux, ne protège pas assez sa population des aléas climatiques ?   à sa surface (0,3% des continents) à sa population (1%)….

Constatant les ravages intellectuels du principe de précaution, l’auteur en appelle au retour à la méthode expérimentale scientifique, avec le test permanent de l’hypothèse. Seule démarche pour sortir des « ruses du mensonge » qui permettent de les imposer.  Les auteurs ne sont jamais aussi percutants quand ils démontent les croyances au nom d’une nature idéalisée. Alors que tout ce qui la compose est le fruit d’un équilibre dynamique.

Un dernier argument pour recommander ce livre stimulant ; les risques que court notre planète ne sont pas seulement écologiques, ils sont aussi cognitifs (citant Gérald Brauner) ; l’accès à tous les savoirs est une condition nécessaire pour que tous puissent se forger une opinion mais elle est loin d’être suffisante. Le défi de la pensée scientifique est devant nous.