Exposition : Emile Othon Friesz [Galerie Larock Granoff]

jusqu’au 20 avril 22, Galerie Larock Granoff, 13 Quai de Conti, 75006 Paris
Mercredi – Vendredi 11h-17h30 ouvert ce Samedi 9 Avril 14h-18h30 et aussi sur RDV (Tél. : 01 46 33 77 90)

C’est une longue histoire qui lie le peintre Emile Othon Friesz (1879-1949) à la Galerie Larock Granoff. Sa fondatrice Katia Granoff fut un soutien actif du peintre de 1927 à sa mort prématurée. La vingtaine de toiles, issues du fonds de la Galerie, présentées jusqu’au 20 avril 22 couvre la quintessence d’une œuvre flamboyante appréhendée dans son ensemble – arts décoratifs compris – qui après un siècle révèle sa beauté véritable.

La continuité d’un engagement auprès du peintre

Emile Otho Friesz, Notre Dame de Grace en hiver, 1906 [Galerie Larock Granoff], Photo Régine Glass

Cette exposition a la particularité de s’appuyer sur le fond historique de la galerie que sa fondatrice  Katia Granoff a constitué dès les années 20-30 par son engagement auprès d’artistes –  en leur achetant leur toile ou en leur procurant des rentes  – afin qu’ils puissent travailler sans se soucier de leur pain quotidien. C’est ainsi qu’en 1927 Katia rencontre Emile Othon Friesz , dans une situation délicate à la mort de son protecteur et collectionneur l’industriel havrais Léon Pédron (1869-1927)

Katia Granoff  prend le relais pour soutenir l’œuvre de Friesz raconte dans ses Souvenirs les soucis financiers de Friesz : « Il était fastueux et naïf, mais, à cette époque, les vrais artistes ne pouvaient encore se permettre un tel train de vie […] Le contrat avec la galerie Granoff, pourtant très substantiel, n’améliora pas cette situation, l’entraînant à plus de dépenses encore. À la fermeture de cette galerie, les huissiers étaient en permanence à sa porte et troublaient la paix familiale et le travail du maître.» La gestion de l’argent ne rentrera jamais dans le mode de vie dispendieux de l’artiste qui tout au long de sa vie vivra au-dessus de ses moyens et l’obligera à produire beaucoup sans trop de discernement.

Emile Otho Friesz, Cassis,1909, Galerie Larock Granoff] Photo Régine Glass

Une vingtaine de tableaux recouvrant toutes les époques de 1906 à 1948.

Né en 1879 au Havre, sa mère est pianiste et son père capitaine dans la Marine. Après le lycée, le jeune Othon rentre aux Beaux Art du Havre aux cotés de Raoul Dufy, havrais comme lui et George Braque. L’enseignement de Charles Marie Huillier peintre et graveur leur fait découvrir les travaux de Chardin, Corot, Géricault et Delacroix. Ce goût du dessin « français » influencera profondément Friesz qui à l’heure des grands choix optera plutôt vers le Cézannisme que le cubisme ardemment défendu par son ami George Braque qui s’est rapproché de Picasso dès 1910.

Fauve dés le début du mouvement

Entrée à l’école des Beaux-Arts de Paris en 1898, il choisit avec Dufy l’atelier de Léon Bonnat (1833 – 1922) alors que ses nouveaux amis Matisse, Rouault, Marquet intègrent l’atelier de Gustave Moreau (1826 – 1898).

Emile Otho Friesz, Baigneuses, 1907 [Galerie Larock Granoff] Photo Régine Glass

Le scandale du Salon d’automne de 1905 est crée par les élèves de l’atelier Gustave Moreau, menés par Matisse dont sa Femme au chapeau, aux tons violents et acidulés sans aucun référence à la réalité et aux règles académiques leur vaut le surnom péjoratif de Fauve. Toute une génération de jeunes artistes se reconnait dans cette conquête de la couleur, transcendant l’héritage des Cézanne, Van Gogh, et Gauguin considérés comme des précurseurs. Vlaminck, Van Dongen, Raoult, Marquet, Derain, Braque et Friesz comptent dans un mouvement qui s’en émancipe sous la pression de fortes personnalités dont l’incontournable Pablo Picasso

Othon Friesz sera le peintre qui poussera les feux du fauvisme le plus loin. Surnommé « le fauve baroque ». En 1906, Il produit plus de 30 tableaux à Anvers où la couleur domine. Le voyage initiatique entreprit avec Braque, le conduit en 1907 sous le soleil du Sud de la France à la Ciotat. Deux toiles de cette période sont à la vente, Notre Dame de Grace en hiver (Honfleur 1906) ainsi que Baigneuses (La Ciotat, 1907)

Du succès à la désaffection

Emile Otho Friesz, Nu sur canapé, 1925 [Galerie Larock Granoff] Photo Régine Glass

Friesz va connaitre un succès important tant via des expositions personnelles que collectives. Ses tableaux se vendent dans toutes les grandes galeries qui font foi : de Berlin en 1913, à Londres et Zurich dès 1928, à Chicago en 1930, …   Cette visibilité internationale s’appuie sur des galeristes et des mécènes de grands renoms qui fait qu’un collectionneur des années folles qui ne possède une toile d’Emile Othon Friesz ne le serait pas véritablement…. Sauf que son étoile pâlit alors que le rayonnement de ses camarades de banc et de mouvement le jette dans leur ombre.
Au point que Katia rappelle à son sujet « Ô, vous, foules ballottées par les courants de la mode, vous méconnaissez un géant de la peinture »

Une galeriste engagée

Emile Otho Friesz, Alger, 1928 [Galerie Larock Granoff] Photo Régine Glass

Dés l’ouverture de sa nouvelle galerie, Katia consacre au Maitre Fauve une exposition de très grande ampleur de plus de cent tableaux. Quand les critiques d’art reprochent à l’artiste pour qualifier son art après la Première Guerre Mondiale d’être figé dans une pratique « classique, souvent dépourvu de recherches nouvelles », Katia leur répond que « Friesz atteint son point culminant de son art, avec l’époque de Toulon à Aups en 1925 ». Elle estime que « les différents courants de peinture qu’il a traversés lui ont donné une maitrise et une expérience qui se traduit par un rayonnement fécond dans sa peinture. »
Aujourd’hui, les successeurs de la Galeriste donne raison à la lucidité de cette femme éclairée que s’est toujours refusée à enfermer Friesz dans l’aventure fauve.

Le peintre disparait prématurément en 1949. Katia Granoff poursuit sa mémoire avec nombreuses et importantes rétrospectives :  1979, Émile Othon Friesz. Périodes Fauve et Cézannienne (1906-1920), 1995, Émile Othon Friesz. Année qui correspond au premier catalogue raisonné publié (Odile Aittoures & Robert Martin)…

Fidèle à leur ancêtre, la jeune génération continue ce travail de réhabilitation de cette œuvre dans une scénographie reprenant un décor des années 20 ornant le château du Vicomte Amédée de Flers ; elle constitue pour les décorateurs aguerris un pari bucolique et naturaliste à réinventer dans le lifestyle des années 2022, pari audacieux à relever…#othonfrieszdecoforever

#Régine Glass

Mes coups de cœur :

  • Notre dame de Grace en Hiver, 1906
  • Les Baigneuses, 1906
  • La Ciotat, 1907
  • Alger, 1928
  • Toulon, 1925
  • Nu sur Canapé, 1925
  • Estuaire d’Honfleur, 1948
  • Deux céramiques de l’atelier Marquet

Pour aller plus loin :

  • Othon Friesz : le fauve baroque, David Butcher, éditions Gallimard, 2007
  • Le Fauvisme, Cécile Debray, Citadelles & Mazenod, 2014
  • Le fauvisme ou l’épreuve du feu: Eruption de la modernité en Europe, Paris Musées, 1999
  • sur le scandale du salon d’automne 1905