Exposition : Hip-Hop 360, Gloire à l’art de rue (Philharmonie de Paris)

Jusqu’au 24 juillet, Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris
Catalogue, sous la direction de François Gautret et Vincent Piolet, 192 p. 29€
Festival Days Off (du 3 au 13 juillet 2022) programme deux soirées aux accents hip-hop :

Avec force scénographies immersives, l’exposition Hip-Hop 360, Gloire à l’art de rue de la Philharmonie de Paris jusqu’au 24 juillet réussit un double tour de force : proposer dans toute sa diversité pluridisciplinaire un panorama quasi complet des origines et des ressorts d’une culture de rue venue du Bronx, et mettre d’accord anciennes et nouvelles générations sur l’identité française de cette effervescence musicale.

Comment le rap s’est implanté en France

D’emblée, la frise chronologique facilite l’entrée dans les quarante ans de l’histoire d’un genre : des débuts de la culture Hip-Hop new-yorkaise des années 80 jusqu’au rap français d’aujourd’hui avec les PNL, MHD et Damso. et tente de distinguer les forces et perspectives culturelles :  « Contre-culture dans les années 1980, le hip-hop est aujourd’hui une culture de masse, dont l’emprise est autant esthétique que commerciale. Entre danse, beatbox, rap, mode, attitude et graffiti, ses expressions sont plurielles. » souligne le commissaire François Gautret dont l’ambition salutaire est de nous permettre de ne plus confondre le hip-hop avec le rap, ou avec la danse.

Rien de mieux en effet qu’un retour à la source du rap, avec les morceaux incontournables comme « Rapper’s Delight » de The Sugar Hill Gang de 1979 ou encore « The Message » de Grand Master Flash de 1982. Le casque que reçoit le visiteur lui permet d’écouter les clips mythiques pour saisir le chemin parcouru.

L’ affiche collector de l’évènement New York City Rap tour en 1982, organisé par la Fnac et la radio Europe 1 illustre combien les radios ‘libres’ ont contribué à l’introduction du rap US et l’émergence d’une identité française.
Grâce à son espace circulaire en son spatialisé, l’exposition immerge musicalement et visuellement dans cette acculturation française : avec des vinyles old school, des affiches d’événements et des photographies sur les prémisses du rap français, montrant les deux membres de NTM super jeunes, MC Solaar et plein d’autres encore.

Le tag, une expression visuelle indissociable du Hip Hop Photo Baptiste Le Guay

La ville et ses entrailles deviennent un terrain de jeu

Le décor recrée cet esprit « underground » avec l’intérieur d’un wagon de métro complétement tagué, faisant hommage aux Graffitis, une des disciplines phares de la culture Hip Hop : « Lorsque le graff arrive en France au début des années 1980, une brèche s’ouvre où s’engouffrent nombre de crews mythiques souvent identifiés par des sigles ésotériques : CTK, FBI, BBC, 156, 93MC, NTM, VEP, CMP, TPK, UV… Bombes de peinture Altona ou Marabu, encre Corio Meleine mélangée au bleu de méthylène, Fat cap Décapfour ou marqueurs Posca ou Onyx, le matériel du graffeur a tout de l’arsenal du teinturier. Le graffiti français a développé des codes et des styles particuliers sur plusieurs décennies, dont la rame de métro reste l’ultime trophée pour montrer à tous sa signature. » explique l’un des cartels du parcours.

La légendaire pochette des princes de la ville

L’histoire des musiciens est révélée derrière les pochettes d’album ; par exemple celle des « princes de la ville » du groupe 113,  composée de Mokobé, Rim’k et AP, les trois compères viennent de Vitry Sur Seine dans le Val de Marne. La pochette de leur album est une mosaïque de photos qui représentent chacune un endroit ou un visage de leur ville. Entre paniers de basket, bâtiments HLM, et bouilles de gamins, c’est une véritable palette visuelle de tout ce qui s’assimile à leur quartier.
Même le chiffre 113, composé de points jaunes, reprend la typographie utilisée pour les panneaux de bus. Un clin d’œil au transport en commun qui représente l’univers des parisiens et des banlieusards.

Quiz de rap français

Une tablette immersive propose au visiteur d’écouter des morceaux de rap français et de deviner de quel type de chanson il s’agit. Grâce à la musique et la lecture des paroles, il peut choisir un style entre différentes options comme « story telling, ego trip, dérision, hardcore, having fun ou engagé ». La réponse, bonne ou mauvaise situe dans quelle catégorie musicale le thème se trouve. Un exercice à la fois ludique et fun qui permet de mieux comprendre les genres proposés.

L’importance du code vestimentaire via les mannequins du Street wear. Photo Baptiste Le Guay

Les différents styles vestimentaires Hip-Hop

Toute une section met le doigt sur l’importance des codes vestimentaires dans cette effervescence musicale : une rangée de cinq mannequins, doté chacun d’un écran de télévision à la place de la tête incarne un style. Celui avec une grande chemise à carreaux par exemple brosse un style emprunté aux Crips, célèbre gang habillé en bleu à Los Angeles. Un autre en survêtement Lacoste, affirme une marque iconique de streetwear pour les rappeurs ou les mecs de quartier dans les années 90, jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs. La télé diffuse un clip du groupe Arsenik où les membres sont habillés de la marque de la tête aux pieds.

Un extrait du documentaire Out in the Streets, une histoire du streetwear vient compléter ce sujet en expliquant comment les gamins des ghettos s’habillaient à New-York dans les nineties.

Entre reconnaissance et pédagogie patrimoniale

Il faut saluer la réussite de cette exposition pluridisciplinaire qui évite la pesanteur universitaire (le catalogue est composé d’interviews de musiciens) en s’appuyant sur une immersion réelle dans les archives notamment sur l’évolution du beatmaking entre MPC et ordinateurs, et ses multiples possibilités interactives comme le Quizz ou la platine de DJ que tout apprenti peut manipuler. Pour un défi relevé haut la main capable d’intéresser toutes les générations, donner un légitimité et des clés de compréhension de la diversité d’un mouvement qui reste encore incompris, alors qu’il est partout aujourd’hui. La diffusion de clips récents comme Ninho et des classiques d’IAM, met d’accord ancienne et nouvelle génération.

Un bémol tout de même, les passionnés de rap peuvent rester un poil sur leur faim, avec des envies de battle et de freestyle. Mais heureusement, il y a d’autres lieux qu’un musée pour s’y adonner !

#Baptiste Le Guay