Exposition : Vollard et Petiet, et l'estampe de maîtres (Petit Palais)

jusqu’au 29 aout 21 Petit Palais,
Avenue Winston Churchill 75008 Paris. réservations obligatoire
Catalogue Edition limitée, sous la direction de Clara Roca Paris Musées, 160 p. 29€

Avec Vollard, Petiet et l’estampe de maîtres, le Petit Palais en exposant l’œuvre sur papier de Maillol, Picasso, Chagall et Rouault… ouvre une porte sur les mystères de l’eau forte et de la pointe sèche. Paris, capitale de l’estampe, ou la gravure dans tous ses états. Appli, vidéo, démonstration, une superbe expo dans le sillage de deux des plus grands gourous de l’art moderne.

Vollard et Petiet, deux marchands d’art de génie

Ambroise Vollard, par Brassaï en 1934 Paris Musées Petit Palais

Vollard, Ambroise de son prénom, est célèbre pour avoir révélé Cézanne, Van Gogh, Matisse ou Picasso. Parce que l’art a besoin d’un marchand, et les artistes d’un soutien. Mais on connaît moins Henri Petiet, qui prit sa suite en rachetant le fonds d’estampes de Vollard après sa mort. Entre 1890 et 1980, ces deux dealers ne se sont pas bornés pas à vendre des tableaux, et des reproductions en série limitée. Ils initient des projets, suscitent des sculptures, éditent des livres, et font preuve d’une exigence à la démesure des artistes qu’ils représentent.

La passion de l’édition d’art

A tel point que pour Vollard, l’image l’emporte sur le texte, et il accorde plus de prix aux peintres qu’aux illustrateurs. Les livres qu’il publie sont en effet à ses yeux « une succession de tableaux ». Il attache cependant une importance extrême à la mise en page, et aux choix des caractères, Garamond ou Della Robbia, qu’il fait parfois fondre spécialement afin que l’impression soit parfaite.

Femme, nu de profil, par Rouault, pour Les Fleurs du mal, estampe aquatinte, 1936-1938. Collection Particulière ADAGP (Couleurs)

Ses associations entre le mystique Maurice Denis pour dessiner « Sagesse » de Verlaine, qui marque la conversion du poète au catholicisme, ou Emile Bernard, peintre et poète, pour graver sur bois « Les Fleurs du mal » de Baudelaire, sonnent juste. « Vollard est un vampire », hurlent certains. « Chaque commande me gêne, confie Chagall, sauf Vollard qui me donne la liberté la plus absolue ». Les grands portraits de Vollard, par Cézanne et Bonnard, et plus encore le petit format « au fouloir » signé Renoir, témoignent des affinités qui liaient les peintres à leur premier acheteur.

Marier poètes et peintres

Le soir, par Munch, lithographie en deux couleurs 1896 Collection Jacques Doucet

Le dessin à la plume d’Henri Petiet, par Edouard Goerg, dédicacé « au plus Vollard des marchands », atteste lui aussi de cette complicité mutuelle. Petiet marie à son tour les poètes aux peintres, avec « Les Contrerimes » de Toulet et les gravures de Laboureur. Un véritable cénacle, où l’on retrouve Marie Laurencin et Dunoyer de Segonzac, auquel Petiet va donner une audience internationale en Amérique du nord, au moment où le monde de l’art bascule de l’autre côté de l’Atlantique.
Sans lui, les planches de Picasso de la « Suite Vollard », exposées au Petit Palais, n’auraient pas trouvé un tel écho.
Bref, deux passeurs d’émotions qui ont mis le génie à la portée du plus grand nombre grâce à ces tirages d’exception, qu’un superbe catalogue intitulé « Série limitée » prolonge avec passion.

#Thierry Dussard

Le Minotaure aveugle guidé par une petite fille dans la nuit, par Picasso, estampe 1932 Succession Picasso 2021