Le meilleur du Jazz 2021 en 8 albums : de Chick Corea à Giovanni Mirabassi

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Que retenir du jazz en 2021 ? Complétant ou reprenant nos chroniques, notre sélection annuelle en 8 albums reste éminemment subjective (les pianistes dominent), avec une multitude de styles et de formations qui toutes révèlent un jazz en constante renaissance : de Lionel Belmondo à Chucho Valdés en passant par Chick Corea, Dimitri Naïditch, Giovanni Mirabassi … and friends.

Bach Mirror – Thomas Enhco et Vassilena Serafimova (Masterworks)

Mélanger le jazz et la musique classique est un art délicat qui peut rapidement donner quelque chose de raté, voir d’inapproprié. Il faut à la fois mettre en valeur le sublime et le gracieux du classique et en même temps insuffler tout le swing et la vitalité du jazz. C’est savoir rester sur une fine ligne de crête.
Thomas Enhco (1988) et Vassilena Serafimova (1985) ont, en ce sens, effectué un travail absolument remarquable. Leur album Bach Mirror est parfaitement dans le thème du mélange entre ces deux mondes. Il est léger par sa fluidité et son rythme et profond par les thèmes magnifiques de Bach qu’il reprend. Les deux jeunes musiciens dansent. Ils s’amusent. C’est incroyable.

Mirror Mirror – Eliane Elias, Chick Corea et Chucho Valdés (Candid Records)

Restons sur le thème du miroir. Là encore, plusieurs mondes discutent et partagent leurs idées pour s’élever mutuellement. Mais cette fois-ci, ces mondes en question ne sont pas des époques, mais bien des personnes, ou plutôt des pianistes. Trois immenses pianistes discutent en duo et en totale complicité : deux géants Chick Corea (1941-2021) qui nous a quittés en février dernier dans une dernière pirouette de grâce dont il a eu toute sa carrière le secret, et Chucho Valdés (1941), le roi de la musique cubaine sont menés dans la danse par Eliane Elias (1960), pianiste et compositrice brésilienne, mais aussi (surtout) chanteuse à la voix profonde et nacrée. Crânement elle défie les deux géants sur leur terrain et leur tient la dragée haute pour notre plus grand plaisir.

Pensieri Isolati – Giovanni Mirabassi (Jazz Eleven)

Giovanni Mirabassi (1970) se retrouve seul devant son piano. Ses doigts, à force de concerts et d’albums, savent où s’orienter. Ils ont pris leurs habitudes. Ils galopent parfois avec lyrisme vers les aigus et les graves. Parfois aussi, ils répètent des patterns pour insuffler une rythmique forte au morceau. Où qu’ils aillent, ils ne sont pas anonymes. Car ce pianiste italien a bien un style marqué et reconnaissable qu’il entretient pour le plus grand bonheur de ses auditeurs. Avant tout, ce qu’il joue est beau. Ses phrases sont mélodieuses, douces et lyriques. Mais surtout, il sait ne pas trop en dire. Il dose formidablement. C’est précisément grâce à ce subtil mélange qu’il parvient à capter l’attention de l’auditeur qui se retrouve suspendu à ses doigts.

In Harmony (Live) – Roy Hargrove & Mulgrew Miller (Resonance Records)

Dans le riche patrimoine jazzistique qui ne cesse de s’enrichir, Singulars inscrit cet album absolument magistral du pianiste Mulgrew Miller (1955-2013) en duo avec le trompettiste Roy Hargrove (1969-2018). Sa réussite respire de la grande complicité musicale permise par tant d’expérience accumulée par ces deux belles personnalités. « Dès la première écoute de ces bandes, j’ai été immédiatement saisi par la pure virtuosité et la capacité de ces deux maîtres à s’accorder », a déclaré Zev Feldman, coprésident de Resonance Records et coproducteur de In Harmony.

Ah ! Vous dirais-je… Mozart – Dimitri Naïditch (Dinaï Records)

Encore un artiste qui n’arrive pas à choisir entre jazz et classique. Avec « amour et respect », Dimitri Naïditch reprend ses thèmes préférés de Mozart en y apportant sa touche personnelle teintée de rythme et d’envolées lyriques improvisées. « Cette notion d’amusement, est souvent présente dans les œuvres de Mozart qui, en grand enfant qu’il est, aime jouer, dans tous les sens du terme ! ». Avec Arthur Alard (batterie) et Gilles Naturel (contrebasse), il insuffle un rythme incroyable en accentuant certaines notes, en jouant sur les contrastes et en accélérant au bon moment. Les deux mondes finissent par se répondre. Ils ne sont pas en concurrence, ils existent l’un pour l’autre.

Brotherhood – Belmondo Quintet (B Flat Recordings)

C’est une histoire qui remonte à 1993. Le saxophoniste Lionel Belmondo (1963) et son frère, le trompettiste Stéphane Belmondo (1967) enregistre cette année leur premier album. En 2021, après quatre collaborations, ils décident de retourner au studio accompagnés d’Éric Legnini (1970) au piano, Sylvain Romano (1980) à la contrebasse et Tony Rabeson (1958) à la batterie. L’album instaure une ambiance tamisée grâce aux sonorités rondes des deux cuivres. Mon titre préféré : une composition hommage à Bill Evans (1929-1980) intitulée Letters to Evans.

Rio – Florian Pellissier Quintet (Hot Casa Records)

Le quintet de Florian Pellissier a 20 ans. Il signe cette année son cinquième album qui, une fois de plus, invite les auditeurs au voyage. C’est dans les contrées brésiliennes que ce pianiste est parti puiser son inspiration. Il retranscrit ce qu’il a senti à l’aide de ses doigts qui se posent délicatement sur les touches du piano, accompagnés d’une trompette, d’un saxophone, d’une contrebasse et d’une batterie. Ces cinq instruments installent un cadre ample, qui remplit l’espace en lui donnant bien souvent un caractère méditatif. C’est sur ce terreau fertile que les musiciens improvisent en laissant planer les notes, en les laissant couler, comme l’eau du fleuve à l’honneur.

Solotude – Abdullah Ibrahim

Comme Giovanni Mirabassi, Abdullah Ibrahim (1934) est seul sur scène. Le jour de ses 86 ans, il enregistre une série de morceaux assez contemplatifs et reposants, à l’image de Mindiff qui ouvre l’album. Son jeu en dit peu. Il dégage, par sa sobriété, une forme de sagesse. Abdullah Ibrahim ne cherche plus à prouver sa virtuosité. Loin des exubérances, il prône ici un jeu simple et non simpliste. C’est grâce à tout cela qu’il parvient à toucher la sensibilité de ses auditeurs.

#EzèchielLeGuay