Littérature : Le Fabuleux voyage du carnet des silences (Pooley) La pendule d’argent (Mitchell)

Chacun de ces deux délicats romans traite sa manière traite de regards décalés, ceux d’inconnus qui créent Le Fabuleux voyage du carnet des silences, de Clare Pooley et les curieux témoins d’un couple de vieux dans La pendule d’argent, d’Anne-Marie Mitchell. Dans les deux cas, les surprises jaillissent au fil des pages. Et font oublier le temps.

Le Fabuleux voyage du carnet des silences, Clare Pooley, Fleuve éditions. 472p. 21,90 €

Comment des confidences écrites sur un carnet peuvent-elles changer la vie de plusieurs personnes ? C’est le point de départ du premier roman de l’auteure britannique Clare Pooley qui a travaillé pendant 20 ans dans la publicité.

Ce Fabuleux voyage du carnet des silences s’appuie sur ce jeu enfantin du cadavre exquis (inventé par les Surréalistes) où la première phrase écrite sur un petit bout de papier devait être complétée sans être lue, sauf qu’ici le texte est visible par les contributeurs suivants.

Le premier a se lancer est Julian Jessop. Cet artiste de 79 ans écrit sur un cahier ses états d’âme de vieux solitaire depuis que sa femme Mary est décédée. Il le laisse sur une table du Monica’s café qu’il fréquente épisodiquement. Monica, la patronne se prend au jeu d’y écrire ses rêves de mariage et de famille pour l’abandonner à son tour pour qu’il continue son voyage. C’est le début d’une chaîne d’amitié qui reliera plusieurs personnes jusqu’en Thaïlande.

Ce roman tout en nuances avec ses moments drôles, et touchants, puise sa force dans des sujets actuels : les réseaux sociaux, la tolérance, l’addiction, etc… Il valorise à travers de multiples portraits les vertus de la déconnexion, de l’écriture, le bonheur et le besoin de fonder des communautés d’amis qui peuvent s’entraider, se soutenir. Il distille aussi la joie d’être ensemble, du contact fraternel qui nous fait tant défaut par ces temps de pandémie. Un roman qui remonte le moral sans être naïf.

La pendule d’argent, Anne-Marie Mitchell, Karbel éditions. 232p. 18€

Marilena et Savinien, tous les deux nés en 1938, vieillissent ensemble. Chacun se souvient sans nostalgie mais avec tendresse du chemin parcouru main dans la main, entouré de leurs chats. Puis c’est autour du chat Puccettino de donner son point de vue, sans oublier la pendule comtoise qui est aussi tient à sa version de la vie du couple !

Même si c’est plutôt cruel, l’auteur revendique de s’être basé sur la chanson Les vieux, de J. Brel. Vous pouvez vous en doutez, les deux témoins des Vieux, plutôt originaux sont les plus drôles et décalés du livre. Anne-Marie Mitchell, déjà auteur de Les chats de la rue Saint-Séverin (Souny Poche) en connait un rayon coté chats !

Mais la chroniqueuse littéraire à La Marseillaise en profite dans un récit parcouru de références littéraires et poétiques de décrocher ça-et-là quelques pics bien senties vers la culture dominante ; de Jeff Koons à Christine Angot. Elle déclare aussi sa passion pour la cause animale et notamment son amour des félins, témoins silencieux et loquaces, toujours présents dans ses romans. Un ton original et tendre.