Littérature : Un beau désordre, de Marco Caramelli

Ed Robert Laffont, Collection Les passe-murailles, 260 p., 19€

« Un beau désordre » de Marco Caramelli est l’adaptation romanesque de deux chefs d’œuvre de Federico Fellini « 8 et ½ » et « La Dolce vita » alors que  le Festival International du Cinéma Méditerranéen (Cinemed) à Montpellier du 16 au 24 octobre consacre une rétrospective au maître italien.

Il fallait oser et c’est parfois à cette folie qu’on les reconnait !

Comment peut-on restituer en roman l’un des films les plus éclatés et oniriques de l’histoire du cinéma, tout en respectant de surcroît la mise en abîme du réalisateur au cœur des deux chefs d’œuvre felliniens ?

Une gageure réussie

Par une habile mise en scène du narrateur et une nostalgie assumée : « Je me suis mis dans la peau de Fellini ou plutôt, dans celle du double fictionnel de Fellini. reconnaît Marco Caramelli sur France Culture. C’était important pour moi de choisir la première personne. Les problématiques d’un couple qui perd pied, les questionnements existentiels, la création artistique, tout cela existe depuis toujours, et dans trente ans, les mêmes questions se poseront. Comment Fellini travaillait, comment un film se montait, comment un des réalisateurs de génie depuis 70 ans filmait, voilà ce qu’il m’intéressait de montrer.

Un mix narratif autobiographique très fellinien

Autour de ce cinéaste un peu dépressif en manque d’inspiration à la veille d’un tournage qui tente d’y échapper en se réfugiant dans une station thermale, Marco Caramelli ne tente pas ni de suivre le scénario de 8 ½, mêlant fantasmes et réalité, souvenirs passés et présents ni de s’en dégager complètement.

Son adaptation d’un film autobiographique est en même temps fidèle à son réalisateur et en même temps bourrée de trouvailles, de clins d’œil, et de scènes entièrement inventées mais qui pourraient pu être « felliniennes ». Retenons celle, où Claudia nous conduit, souriante et légère, faute de café ouvert, vers le seul point d’eau accessible ; la fontaine de Trevi.. Sans réfléchir, les images d’Anita Ekberg s’impriment en bouffées savoureuses dans nos esprits.

Une nostalgie créative

Le style est limpide, les descriptions de personnages, aussi vraies qu’au cinéma : exemple « Marie Lackman une actrice française, qui avait touché les sommets de la gloire dans les années 40 et qui dévalait désormais, tout juste la quarantaine, la pente douloureuse d’un irréversible déclin/…/ se comportait comme si la morsure de l’oubli ne se fût jamais abattue sur elle… »

Les dialogues travaillés en un feu de répliques cinglantes sont de la même eau, on y nous plonge comme dans un monde familier…  faisant remonter à la surface de grands moments de cinéma fellinien bien sur, mais d’autres, comme Passion de Jean-Luc Godard ou  L’Etat des choses de Wim Wenders où les silences sont aussi évocateurs que les scènes elles- mêmes..  Ce roman audacieux séduira autant les cinéphiles que les néophytes, qui comme pour un bon plat italien passera vite de mains en mains. Buon appetito !

Trois questions à Daniel Pennac qui s’est enthousiasmé pour Un beau désordre.

  • D’où vient votre intérêt pour Fellini ? De mon adolescence. Dès que j’ai vu ses premiers films, j’ai su qu’il était mon cinéaste. Il était le seul grand réalisateur de sa génération à ne pas être didactique. Un des rares à ne faire aucune leçon aux spectateurs. Il était davantage intéressé par la complexité d’être soi-même.
  • Pourquoi et comment son livre des rêves vous a-t-il inspiré ? Parce que je suis moi-même un rêveur impénitent qui mêle sans vergogne la  matière de mes rêves à celle de mes romans.
  • Que partagez-vous avec Fellini ? Le doute. Il est au monde le premier cinéaste du doute. Les convaincus me convainquent rarement.

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Tous les films de Fellino sont disponibles en version restaurées et blu-ray.