Théâtre : Un garçon d’Italie de P.Besson & M.Touzé (Théâtre 14)

d’après Philippe Besson, adapté et mise en scène par Mathieu Touzé (1h20)
Avec Yuming Hey, Maud Wyler, Mathieu Touzé.
Jusqu’ au 30 mai 2021, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris.
Résa en ligne  ou Tel. : 01 45 45 49 77. Plein tarif : 25 €

Sur la variation dramatique de ce que l’on sait vraiment des gens qu’on aime, Mathieu Touze à la fois adaptateur du roman éponyme de Philippe Besson, metteur en scène et acteur, détricote une toile humaine qui permet aux acteurs Yuming Hey, Maud Wyler de magnifiques compositions.

Un décès qui crée un doute

Un Garcon d’Italie est porté à l’incandescence par Mathieu Touzé, Maud Wyler et Yuming Hey Photo Christophe Raynaud de Lage

Luca, retrouvé mort sur les rives de l’Arno, sa compagne, Anna, vient reconnaitre le corps et s’occuper des formalités. Pour découvrir peu à peu la double vie de Luca et sa relation avec Léo, un prostitué homosexuel.  Les raisons ou les motifs de cette disparition prématurée trainent aussi en fil rouge le long de la pièce : Assassinat ? Suicide ?

Dans un non-décor, chaque protagoniste raconte sa part d’histoire, et de vérités. Les trois monologues s’enchevêtrent avec leur point de vue, leur vie exposée.

La pièce est adaptée au cordeau du roman du romancier et scénariste Philippe Besson. Jouée au Théâtre ouvert en 2016, à Avignon en 2018 et reprise au Théâtre 14, elle nous plonge dans un trio amoureux. « À la première lecture d’Un garçon d’Italie, j’ai été fasciné par la théâtralité de l’écriture. explique Mathieu Touzé. Le narrateur est omniscient mais le point de vue est partagé par trois personnages. Le lecteur ne se voit donc pas raconter une histoire mais enquête pour la reconstituer à travers les trois témoignages. ». C’est l’occasion de brosser à la pointe sèche trois caractères que tout semble opposer.

La pièce s’interroge aussi sur le tsunami existentiel du deuil et de la gestion de la brutalité de l’absence, sur les non-dits qui s’exfiltrent, sur fond de difficulté de vivre ses sentiments sans blesser ceux qu’on aime.

Une trame existentielle portée à incandescence

Mathieu Touzé, Maud Wyler et Yuming Hey détricotent les vérités de leur personnage Photo Sean Cackoski

Malgré quelques bizarreries de mise en scène (pourquoi mettre à certains moments une musique à fond, forçant les acteurs à s’égosiller ?) l’ensemble, sobre, fait ressortir le propos et surtout le jeu des acteurs. Formidable Maud Wyler dans le rôle de la femme aimante qui de femme forte perd toute contenance miné par le doute et la culpabilité de n’avoir pas perçu la réalité de son compagnon. Remarquable aussi Yuming Hey qui a reçu pour son rôle de l’amant homosexuel, le prix d’interprétation masculine du Festival Rideau Rouge en 2016, lors de sa création de la pièce.

« Et quand on a porté un mystère si longtemps, est-ce qu’on devient léger, si on
s’en déleste ? Ou, au contraire, regrette-t- on d’avoir parlé, d’avoir offert aux autres ce qui n’appartenait qu’à soi ? Se sent-on libéré ou dépouillé ?
» demande Léo.

La question de la transparence de la relation amoureuse, à partir d’un fait anecdotique, devient par la qualité du texte et de son incarnation, universel.