Una Madre d'après Colm Tolbin, de Amahí Saraceni (Théâtre 14)

Jusqu’au 19 mars, Théâtre 14
mardi, mercredi et vendredi, 20h – 19h Jeudi – 16h samedi
Texte d’après Le Testament de Marie de de Marie de Colm Tòibìn, Mise en scène et dramaturgie : Amahì Saraceni, Musique et création du dispositif musical, Alvise Sinivia, Scénographie Franck Jamin, Lumières Eric Wurtz, Costumes Consuelo Zoelly
Avec Vittoria Scognamiglio, Alvise Sinivia et Éloïse Vereecken

Prenant Le Testament de Marie, de Colm Toibin comme fil rouge, Amahì Saraceni gomme la dimension religieuse de la perte d’un fils pour mettre en scène un spectacle hybride au Théâtre 14 jusqu’au 19 mars, bouleversant sur la confrontation de générations passées et à venir, sensible sur la puissance de liens familiaux et imaginatif sur les passerelles entre mythe et modernité. 

Une pièce qui renvoie aux drames intimes de notre époque.

Vittoria Scognamiglio et Éloïse Vereeken jouent Una Madre Photo @ Roberta Verzella

Une femme raconte la mort de son fils, fils de Dieu mort crucifié, mais refuse le portrait que ces anciens compagnons veulent bâtir autour de lui. Inspiré du texte Le Testament de Marie de Marie de Colm Tolbin, (qui avait fait l’objet d’une adaptation à l’Odéon), le spectacle signé d’Amahi Sacaceni a choisi de s’en écarter pour n’en  garder qu’une partie en italien dont la traduction apparait sur un dispositif mural fait de laizes de moquette taupe.
Loin d’être troublé par ce mélange de français et d’italien, le spectateur est capté par les mots et la puissance de l’interprétation de Vittoria Scognamiglio, absolument saisissante : « C’est un choix artistique et musical intime. Il y a des mots, des sentiments qu’on ne peut transporter d’une langue à l’autre. Chaque souvenir resurgit dans la langue qui l’a vu naître » revendique Amahi Saraceni.

Une installation hybride

Alvise Sinivia pianiste compositeur et performeur éclaire Una Madre Photo @ Roberta Verzella

« Le texte est au-delà de toute notion de religion, il nous parle d’immigration, de l’arrivée des « idoles » factices, d’un monde qui s’écroule, de la distance qui parfois sépare les générations. » insiste Amahi Saraceni dans sa note d’intention.
De fait, Uma Madre est une œuvre forte, où les arts se côtoient voir se chevauchent, avec une scénographie originale, entremêlant le théâtre, la musique, la danse, les arts plastiques. « Cette alliance est devenue évidente aujourd’hui, mais elle l’était déjà au temps de la Grèce antique » rappelle Amahi.

Le plateau est traversé de cordes venant de deux pianos démantelés. Les comédiens, deviennent des archers, jouent avec leurs corps en produisant des sons sortis de ces fils de nylon tendus. Ils font résonner au sens propre tout l’espace, mais aussi les sens, et les repères. et tissent selon les vœux de la metteuse en scène « les liens entre une histoire ancestrale et notre modernité« .

Entre mythe et modernité

Le spectacle transporte en effet dans des périodes différentes, entretenant le trouble dans l’esprit du spectateur, dans des endroits différents également : Naples, Jérusalem. Pièce forte aussi car elle adresse le déracinement,  les distances entre générations, et la mémoire des événements, elle brosse une réalité idéalisée, entre intemporalité et modernité.

Trois générations de comédien.es

Vittoria Scognamiglio dans Una Madre mise en scène Amahi Sacaceni Photo @ Roberta Verzella

Pour incarner ses interstices mémoriels et temporels,  la mise en scène s’appuie et renforce le jeu distinct de trois générations de comédien.es : le « néo-réaliste » de Vittoria Scognamiglio se frotte aux modernités d’ Alvise Sinivia et d’Éloïse Vereecken.

Avec des références éclectiques, Vittoria Scognamiglio jongle entre cinéma, télévision, et théâtre mais qui toujours lui permet de brosser des rôles profonds : La Delicatesse des frères Foenkinos, de la série Odysseus pou Arte, ou Croque-Monsieur récemment au Théâtre de la Michodière avec Fanny Ardent.

Alvise Sinivia varie ses prestations et ses rencontres avec les danseurs, les plasticiens, les vidéastes… .Engagé dans la création, ce pianiste compositeur et performeur collabore régulièrement avec des compositeurs et participe à l’Orchestre de Nouvelles Créations, expérimentations et improvisations musicales (ONCEIM)

Éloïse Vereeken, la jeune comédienne a déjà joué avec Amahi Saraceni dans A quoi rêvent les autres d’Olivia Rosenthal ou avec Vittoria Scognamiglio dans Amore Cotto.

Hélas, ce spectacle puissant reste peu à l’affiche, autant ne pas le rater.

#PatriciadeFiguieredo