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Notre-Dame de Paris, incendiée mais debout ! Deux siècles pour l’élever, 5 ans pour la restaurer !

Auteur : François Collombet
Article publié le 5 mai 2019 à 13 h 29 min – Mis à jour le 3 avril 2020 à 19 h 33 min

Notre-Dame de Paris est blessée mais pas à terre ! La contempler telle quelle est aujourd’hui hallucinant ! Après le terrible incendie du 15 avril 2019, elle ne laisse presque rien paraître. Plus d’un milliard d’euros ont été récoltés en quelques jours pour sa restauration (presque 2 fois ce qui sera nécessaire) avec la promesse d’un chantier qui pourrait s’achever dans 5 ans (il fallut 2 siècles pour l’élever) ! Retour sur un événement planétaire suivi en direct.

Notre-Dame de Paris 5 jours après l’incendie

Notre-Dame de Paris 5 jours après l’incendie du 15 avril 2019. Photo © François Collombet

On s’attendait au pire mais c’est dans une incroyable majesté que Notre-Dame de Paris surgit quelques jours après comme intacte aux yeux des parisiens et des touristes. Tout juste se rappellent-ils qu’il y avait une flèche. Pourtant le trou béant à l’endroit où elle se trouvait et l’effondrement de l’intégralité du toit et de la charpente restée intacte depuis le XIIe siècle (la fameuse forêt de poutres) montrent l’étendue de la catastrophe.

Notre-Dame de Paris, une nef des miracles ?

Alors est-il encore temps de se plonger dans l’incroyable épopée d’une cathédrale que le monde entier affectueusement n’appelle plus que Notre-Dame ? C’est elle qui accompagna depuis près de neuf siècles chaque grande étape de l’histoire de Paris et de la France. C’est elle qui s’immisça, en en prenant le premier rôle, dans des oeuvres littéraires connues universellement. Mais plus rien ne sera comme avant même si le trésor de la cathédrale a été sauvé, les rosaces du XIIe et XIIIe siècles, épargnées. Le Grand orgue datant du XVe siècle, remanié jusqu’au XVIIIe siècle et restauré en 1992 n’a subi que poussières et suies. Il ne sera même pas nécessaire de le démonter. Les tableaux quant à eux (notamment les grands Mays) ou encore sur le mur ouest de la chapelle Saint-Guillaume, l’un des plus beaux de la cathédrale, la Visitation peint en 1716 par Jean Jouvenet sont finalement peu détériorés… Enfin, la célèbre Vierge à l’enfant, datant du XIVe siècle, adossée au pilier sud-est du transept arrosée pendant des heures par les pompiers est toujours là, intacte.

Représentation de la Vierge, Notre-Dame de Paris
Si la cathédrale compte 37 représentations différentes de la Vierge, la plus connue est sans doute cette Vierge à l’enfant qui date du XIVe siècle. Elle a par bonheur échappé à l’incendie du 15 avril 2019, sans dégâts majeurs. Elle était adossée au pilier sud-est du transept. A l’origine, elle se trouvait dans une église de l’île de la Cité. Elle n’a été mise en place à Notre-Dame qu’en 1855. C’est dit-on à ses pieds que le poète Paul Claudel se convertit au cours des vêpres du jour de noël 1886. Photo © DR

Miracles mais aussi inquiétudes !

Ce qui fut craint, ne se produisit pas. Les tours restèrent debout. Pour les deux beffrois, diagnostique différent ! La tour nord voit sa structure susciter quelques inquiétudes. Quant à la tour sud, elle semble moins affectée malgré le poids du bourdons (la plus grosse cloche de Notre-Dame). D’après les pompiers, si les 8 cloches étaient tombées, elles emportaient toute la voûte et la cathédrale se serait effondrée comme un château de cartes.

Les premières constatations montrent que la façade ouest (donnant sur le parvis) avec ses trois portails dont au centre, “le Jugement dernier” sort indemne de l’incendie. Mais la structure de cet ensemble a été fragilisée avec menace d’effondrement. Il faut savoir que la statue de l’ange musicien* qui surmonte ce pignon occidental n’a plus d’appui. La charpente sur laquelle il s’appuyait a entièrement disparu. Autre sujet d’inquiétude, le transept nord dont le pignon triangulaire d’une quinzaine de mètres n’est plus maintenu par la charpente de la toiture. S’il s’effondrait, il emporterait une partie de la façade nord, entraînant la magnifique rosace de 13 mètres de diamètre du transept (les trois roses de la cathédrale constituant l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de la chrétienté). Cette rose à dominante violette est consacrée à l’Ancien testament. En 3 cercles sont représentés 80 personnages (prophètes, rois, juges, Grands prêtres) avec en son centre, la Vierge et l’enfant. Enfin, ce qu’on appelait “le paratonnerre spirituel” de Notre-Dame, le fameux coq juché tout en haut de la flèche et contenant 3 reliques (une parcelle de la couronne d’épines et des reliques de Saint Denis et de Sainte Geneviève) a été retrouvé cabossé mais intact dans les gravats. N’avait-il pas le rôle de protéger les chrétiens et les parisiens en général ? Pour parodier Victor Hugo, cette cathédrale serait-elle devenue (dans le premier sens du terme), une cour des miracles à l’image du Grand autel et de la croix que les pompiers découvrirent stupéfaits, indemnes au milieu des fumées et des flammèches.

*la statue de l’Ange musicien en haut du pignon est tellement brûlée qu’elle est fendue sur toute la hauteur.

Cette vue aérienne montre les dommages considérables causés par l’incendie du 15 avril 2019. Ce trou béant à l’emplacement où était érigée la flèche (couverte par 250 tonnes de plomb) enserrée dans les échafaudages et de la toiture a été recouvert par une immense bâche pour préserver Notre-Dame de la pluie. Photo © DR

Calendrier d’une semaine folle, celle de tous les miracles !
Le 15 avril 2019, peu avant 19 h

15 avril 2019, premier jour de la Semaine sainte pour les chrétiens. Il est 18 h 40. Dans l’angle de la flèche de 93 m de haut bâtie par Viollet-le-Duc au XIXe siècle*, quelques parisiens repèrent de la fumée. Elle semble partir d’un point dans l’amoncellement des échafaudages en cours de construction destinés à enserrer la flèche. Malgré pourtant une première alarme vers 18 h 20, rien n’est décelé par l’agent de sécurité envoyé aussitôt sur place (au mauvais endroit !). Elle entraîne par prudence un début d’évacuation des touristes et des fidèles assistant à l’office. Ils reviendront. Pourtant le feu couve déjà dans la charpente. A 18 h 30, les sirènes retentissent. La cathédrale est évacuée. Le feu n’est alors plus maîtrisable. Les pompiers arrivent autour de 19 h. Ils seront 400 à se battre avec une mission : il faut sauver Notre-Dame. A 3 h 30 du matin, les pompiers annonçaient que l’incendie était désormais “maîtrisé” et la cathédrale en partie sauvée.

* Il faut savoir que cette partie de la cathédrale était malade. La flèche se dégradait. Entre autres altérations identifiées par les architectes, il y avait l’embase en plomb de la croix qui laissait s’infiltrer les eaux de pluie et menaçait de tomber. D’où l’urgence de la déposer afin de placer une protection provisoire.

Cigarettes mal éteintes*, installation électrique défaillante, court-circuit…

Cet incendie est-il en lien avec les travaux qui viennent tout juste d’être engagés ? Ils doivent rénover la charpente en bois de la flèche et sa couverture extérieure. Ce jour-là, le dernier ouvrier quitte les lieux à 17 h 50 (soit une heure avant le déclenchement de l’incendie) en empruntant l’un des deux ascenseurs qui desservent l’échafaudage. A son départ, la procédure est simple : couper l’électricité par le disjoncteur du chantier. On ferme ensuite la porte à clef qui est remise à la sacristie de la cathédrale. Alors, pourquoi n’a-t-il pas été possible de repérer plus tôt cet incendie. Il est de toute évidence passé par une phase de feu couvant que seul, une caméra thermique aurait pu détecter. Y aurait-t-il eu alors un mauvais contrôle du “permis de feu” (protocole très stricte à respecter dans un environnement dangereux comme une charpente de monument historique) ? Ou bien, autre hypothèse, ces 6 cloches électriques ! Elles ont été installées (à la demande du clergé) d’une manière provisoire (un provisoire qui a duré) dans la flèche de la cathédrale (flèche dont la structure est en pin) et au-dessus de la clef de voûte du transept. Elles étaient là depuis 2007 en attendant la mise en place en 2012 des huit nouvelles cloches du beffroi nord et du nouveau bourdon du beffroi sud (aux côtés du grand bourdon Emmanuel). Les premiers témoignages sont accablants. Les câbles électriques qui les alimentaient courraient dans les combles au milieu de la poussière. Et cela en totale infraction à tous les règlements de sécurité édictés par les architectes en chef des monuments historiques. Toujours en place, l’une a sonné à 18 h 04 en ce funeste jour du 15 avril 2019. La police scientifique mène l’enquête.

*Des mégots furent retrouvés sur le site en infraction totale aux règles édictées.

Cette vue aérienne montre les dommages considérables causés par l’incendie du 15 avril 2019. Ce trou béant à l’emplacement où était érigée la flèche (couverte par 250 tonnes de plomb) enserrée dans les échafaudages et de la toiture a été recouvert par une immense bâche pour préserver Notre-Dame de la pluie (Photo DR)

Vue de la nef, du transept et du chœur de Notre-Dame de Paris. On réalise mieux l’étendue des dégâts. Photo © DR

La statue de l’apôtre Thomas sous les traits de Viollet-le-Duc déplacée peu avant

Pour ce chantier de restauration, rien n’avait encore vraiment commencé. Venaient d’être décrochés de la flèche, les 16 statues de cuivre représentant les 12 apôtres et les 4 évangélistes afin d’être restaurées. Parmi eux, la statue de Viollet-le-Duc responsable dès 1843 des travaux de restauration de Notre-Dame de Paris (avec Jean-Baptiste-Antoine Lassus). Regardez bien, il s’est fait représenter sous les traits de Saint Thomas avec son équerre (symbole des architectes) semblant contempler de très haut son oeuvre : la flèche d’abord, de 93 m de haut qui avait été démontée au XVIIIe siècle car elle menaçait de s’effondrer. Il reconstitua aussi la galerie des rois disparue à la Révolution. Il est aussi l’initiateur, tout en haut de la façade, des dizaines de chimères, figures fantastiques inspirées de l’imaginaire du Moyen Âge.

Les statues des apôtres dont Saint Thomas

Les statues des apôtres dont Saint Thomas sous les traits de Viollet-le-Duc et des quatre évangélistes en cuivre, avaient été décrochées de la flèche juste quelques jours avant l’incendie du 15 avril 2019. Photo © DR

Jamais plus grand malheur ne s’est abattu sur cette cathédrale

Jamais plus grand malheur ne s’est abattu sur Notre-Dame de Paris. Nous sommes le 15 avril 2019. La cathédrale Notre-Dame de Paris est en feu. D’avoir assisté de loin à l’embrasement et à l’effondrement de la flèche vers 21 h et de la toiture, est une vision qu’il est impossible d’oublier. Ce que ni l’histoire mouvementée de la capitale, ni les Révolutions, ni la Commune, ni les deux guerres mondiales n’ont osé toucher, un incendie, une simple imprudence met entre parenthèse l’un des plus beaux symboles du monde occidental. Elle était une exception. Toutes les cathédrales eurent dans leur histoire à subir le destin que Notre-Dame de Paris ne connut qu’en 2019. C’était en général la foudre qui les abattait, des accidents de chantier (fourneau servant à la fonte du plomb mal éteint, renversé) ou même des incendies criminels (pour reconstruire en plus beau) qui les détruisaient… Alors, comment va-t-on concevoir la restauration de ce chef d’œuvre absolu de l’art gothique ?

Cet incendie spectaculaire de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019 provoqua une émotion planétaire
Cet incendie spectaculaire de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019 provoqua une émotion planétaire. Ici, la couverture du The New Yorker. Une fondation de droit américain ” Friend of Notre-Dame de Paris ” venait d’être créée pour collecter (déjà avant l’incendie) des fonds afin de restaurer la flèche, le choeur et le chevet très mal en point plus 3 arcs-boutants menaçant d’exploser.
Des touristes médusés après l’incendie de Notre-Dame de Paris du 15 avril 2019

Des touristes médusés après l’incendie de Notre-Dame de Paris du 15 avril 2019. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, c’était le monument historique le plus visité d’Europe (12 à 14 millions d’entrées par an. Photo © François Collombet

Polémique : bois versus carbone !

Par miracle, jusqu’à présent cette cathédrale nous était arrivée presque intacte. Faudra-t-il reconstruire à l’identique* en mobilisant une armée talentueuse de charpentiers, de couvreurs, de maçons, de sculpteurs sur pierre… Faudra-il les former comme on le faisait au Moyen âge, dans les loges maçonniques au pied des cathédrales ? Devra-t-on faire appel aux talents de l’Europe ? Et quel autre parti pris architectural pourrait être envisagé ? Première décision, un concours international d’architecture a été lancé pour reconstruire la flèche de Notre-Dame de Paris et ainsi : “permettre de trancher la question de savoir s’il faut reconstruire une flèche à l’identique, ou s’il faut une nouvelle flèche adaptée aux techniques et aux enjeux de notre époque” a précisé le gouvernement. Il semble évident que pour tenir le laps de temps (5 ans) annoncé, la bonne solution serait d’utiliser des techniques et des matériaux contemporains. Sans doute pas le béton mais plutôt une solution en acier, 2 fois plus léger que le bois. Ira-t-on jusqu’à une couverture en titane et une flèche en carbone ? Certains adhèrent à l’idée de la stratification des techniques sur un même monument (comme le gothique qui intégra le roman). Ces techniques ont évolué au cours des siècles. Le meilleur exemple fut sans doute l’œuvre au XIXe siècle que réalisa Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris. Il la sauva, la solidifia, la modifia en transgressant l’architecture gothique.

Les sanglots longs d’un violon pleurant une cathédrale meurtrie

Les sanglots longs d’un violon pleurant une cathédrale meurtrie. Photo © François Collombet

Aujourd’hui, Paris pleure sa cathédrale. Demain, le monde entier aidera à la reconstruire. Et cette cathédrale tellement française deviendra, au-delà des pays et des religions, le symbole d’un monde plus fraternel. Rendez-vous donc dans 5 ans pour la nouvelle inauguration (consécration) de ce chef d’œuvre universel, haut lieu de la spiritualité où se rencontre dans une incroyable communion, l’art, la peinture, la sculpture et la musique sacrée. Enfin, quand les faucons crécerelles reviendront se nicher dans le monument, nous saurons que Notre-Dame de Paris sera de nouveau prête à affronter les siècles à venir.

*Petit miracle, une entreprise (AGP) avait scanné la charpente de Notre-Dame en 2014 de sa propre initiative ce qui permettrait aujourd’hui de reconstruire cette “forêt” à l’identique.

Le chevet de Notre-Dame endommagé par l’incendie et ses célèbres arcs-boutants, une technique mise au point lors de la construction de la cathédrale
Le chevet de Notre-Dame endommagé par l’incendie et ses célèbres arcs-boutants, une technique mise au point lors de la construction de la cathédrale. Photo © François Collombet

Quelle église à Paris pour remplacer provisoirement Notre-Dame ?

L’église Saint-Eustache, à la dimension d’une cathédrale a déjà remplacé Notre-Dame pour les premières cérémonies de Pâques après l’incendie du 15 avril 2019. Cette église située dans le quartier historique des Halles, fut construite en 1532 et restaurée en 1840. De l’extérieur, elle est de style gothique mais Renaissance et Classique à l’intérieur. Saint-Eustache est l’une des églises plus visitées de Paris. Elle se distingue notamment par ses dimensions, la grande richesse des œuvres d’art qu’elle abrite, et son grand orgue (l’un des plus grands de France avec Notre-Dame de Paris). Son organiste propose des auditions gratuites tous les dimanches après-midi. Fidèle à sa tradition musicale, l’église accueille toute l’année des formations philharmoniques, des chœurs et des festivals prestigieux.

L’église Saint-Eustache, rive droite, dans le quartier des Halles

L’église Saint-Eustache, rive droite, dans le quartier des Halles, a le prestige et la dimension d’un cathédrale. Elle fut choisie pour célébrer les fêtes de Pâques en lieu et place de Notre-Dame. Photo © François Collombet

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