Cinéma : Josep, de Aurel (2020)
1h15 – En salle depuis le 30 septembre.
Un film d’animation poignant pour rappeler l’infamie de l’accueil en France des 440 000 réfugiés de la guerre civile espagnole.
Le dessinateur de presse Aurel évoque le destin de Josep Bartoli (1910-1995), militant communiste républicain et artiste peintre catalan méconnu.
Il dresse une poignante illustration des conditions de vie abominables des camps de réfugiés espagnols ayant fui l’oppression et les persécutions de Franco à la fin de la guerre d’Espagne. Il a été récompensé du prix Fondation Gan à la Diffusion et fait parti de la sélection officielle du Festival de Cannes 2020.
Un épisode noire de l’histoire française
Le récit préfigure la tragédie qui frappa le monde entre 1939 et 1945. Mais au-delà de cet épisode indigne de notre histoire (qui sans aller à le comparer résonne avec le drame actuel des camps de migrants dans l’Europe d’aujourd’hui), Aurel nous le croque à travers le destin et les dessins de Josep Bartoli.
Toute son œuvre transpire de cette abjection qui par ses traits expressément nus au noir et blanc incisif disent la douleur et la colère. Curieusement malgré le manque de notoriété de l’artiste, son graphisme nous semble familier. Il est bon de rappeler par les temps qui courent l’impérieuse nécessité de l’intérêt du dessin informatif. Il n’est évidemment pas innocent que ce soit un dessinateur de presse qui ait initié et réussi cet éloquent devoir de mémoire.
Revenir sur une trajectoire émouvante
En prenant le parti d’une narration à la chronologie vagabonde, le réalisateur parvient à brillamment décrire une trajectoire émouvante. Un grand-père mourant raconte à son petit-fils adolescent bougon l’histoire des miséreux qui ont profondément marqué sa jeunesse et du lien qui se créa avec le peintre dessinateur.
L’adolescent aux velléités artistiques héritera d’un dessin original. Devenu jeune homme il le restituera en toute discrétion lors d’une rétrospective new-yorkaise consacrée à l’artiste.
Entre ces deux points se déroule sous nos yeux la toile d’une vie vécue au travers d’un art consacré à la mémoire de cet épisode tragique.
En passant par le Mexique, séjour qui donnera à son travail des couleurs, Josep Bartoli qui fut l’amant de la grande Frida Kahlo finira sa vie à New York où il décédera en 1995.
Un devoir de mémoire pour cette « Retirada »
Si personne n’a oublié Guernica, la “Retirada” s’est évanouie : l’épisode couvre la fuite et l’exil en France des républicains, anarchistes, communistes et autres socialistes pourchassés par le pouvoir franquiste qui s’est ’imposé après une terrible guerre civile de trois années. Les réfugiés de cette quasi répétition du traitement qui sera réservé un peu plus tard à d’autres “indésirables” par la police française aux ordres furent accueillis en France tels des parias qui ne méritaient même pas l’air qu’ils respiraient.
En quelques images brossées à la façon du style de l’artiste au centre de l’histoire, Aurel nous insuffle cet air irrespirable. Humiliations, maltraitances, viols et même assassinat pure et simple s’abattirent sur ces victimes de l’Histoire.
En 2019 en commémoration aux 80 ans de la Retirada un film documentaire “Bartoli, le dessin pour mémoire” a été réalisé par Vincent Marie; France Culture lui a également consacré un numéro intitulé “Josep Bartoli et l’exode espagnol: son crayon est une arme”.
#CalistoDobson