Culture

Marcos Amaro fait du FAMA Museu e Campo un catalyseur de l’art brésilien

Auteur : Marc Pottier, Art Curator basé à Rio de Janeiro
Article publié le 20 septembre 2021

[Initiatives de collectionneurs] Polymathe, ubiquité faite homme, jongleur de frontières… l’inclassifiable Marcos Amaro est aussi artiste, collectionneur, entrepreneur dans le domaine de l’aviation (expert en loopings acrobatiques dans la vie ?), galeriste (Brésil et Suisse)… C’est le projet du FAMA Museum e Campo qu’il crée en 2018 qui catalyse son ambition de transmission culturelle.

La transmission comme défi

Marcos Amaro, créateur du FAMA Museum Photo Bruno Santos

Quand on lui demande son ‘statement’ ? C’est de passion, bien entendu, dont parle ce jeune homme né en 1984 à São Paulo qui est toujours le sourire aux lèvres et traite quiconque de manière extrêmement polie. Mais si sa passion de l’art va de soi, le moteur intime de Marcos Amaro, est surtout la transmission et l’éducation. L’ambition est centrale dans un pays qui a soif d’une politique culturelle, hélas délaissée par le gouvernement.
Alors plutôt que de geindre et d’attendre Dieu sait quoi, Marcos Amaro a pris les rênes à sa façon et a créé un des plus beaux projets d’art qui soit au Brésil. Ce projet lui ressemble. Avec lui il faut penser en grand et, avec ce faux calme, aller vite. Quand on l’interroge sur comment il arrive à gérer cette vie ‘obèse’, il répond droit dans les yeux qu’il a monté pour cela plusieurs équipes spécialisées et compétentes. That’s it ! une autre question ?

De l’atelier d’Itu… au projet culturel d’envergure

Marcos Amaro, Blue Star 2017, Fire Star 2021. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann

C’est dans la petite ville d’Itu, à environ 100 km soit une heure et demie en voiture de la mégalopolis de São Paulo, que l’aventure a commencé en 2015 quand Marcos Amaro a installé son atelier d’artiste dans l’un des hangars de l’usine de textile désaffectée, la Fabrica São Pedro construite dans le début des années 1920. Pour un artiste qui, entre beaucoup d’autres œuvres, redonne vie à des éléments de récupération, plus particulièrement des débris d’avions, il fallait de l’espace.

Le bouillonnant artiste-entrepreneur, en dialogue constant avec les artistes, collectionneurs privés, galeristes et conservateurs des principales institutions culturelles, a rapidement réalisé le pouvoir des espaces de cette usine pour un futur lieu dédié à l’art. Trois ans à peine après son installation, il achète le lieu (qui lui rappelle son enfance avec sa mère qui est styliste de mode pour femme) et en fait la FAMA (Fabrica de Arte Marcos Amaro) en juin 2018. Aujourd’hui le FAMA est devenu Museu e Campo avec l’ajout en novembre 2019 d’une extension à une trentaine de kilomètres dans la région de Mairinque pour favoriser les interventions de land art dans le paysage.

Un chantier dynamique ininterrompu

Carmela Gross, Se Vende 2008. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann

FAMA, c’est un peu comme la trajectoire Marcos Amaro, ce n’est pas facile à définir en un mot. Une visite sur place ou virtuelle  permet de découvrir le chantier ininterrompu sur les 25 mille m² du site. Les hangars se transforment ou sortent de terre avec une cadence incroyable qui fait qu’il y a toujours quelque chose de neuf quand on y revient. Pour se transformer en salles d’expositions ; à ce jour neuf sont ouverts, sans compter les réserves techniques, les bureaux, l’espace gastronomique et une réception-magasin.

Mais le chantier continue avec les perspectives immédiates d’ouvrir sous peu une salle de concert (sa femme moscovite Ksenia Kogan est une grande pianiste professionnelle), un boutique-hôtel afin de pouvoir recevoir sur place de nombreuses personnalités du monde de l’art, une résidence d’artistes… sans oublier son atelier et bien entendu sans compter ce qu’il saura imaginer d’autre dans les cinq minutes qui viennent…

De la Fabrica… à la Fondation

José Resende, Senzala 2011-2017. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann

FAMA abrite aujourd’hui la Fondation de l’Association pour l’Avenir Marcos Amaro tout comme sa collection. Là aussi, accrochez-vous ! : la première œuvre fut achetée en 2008. Il s’agit de « Menino com carneiro » (enfant avec un bélier) de Candido Portinari (1903-1962), un des plus importants artistes brésiliens dans le courant du néo-réalisme qu’il a acheté pour la naissance de Pedro, son premier fils. A l’heure où nous écrivons cet article la collection compte désormais plus de 2000 œuvres, allant du plus classique comme une magnifique sculpture de Saint de procession (santo de roca), de Aleijadinho (1738-1814), le grand artiste baroque du Minas Gerais, aux artistes de la Mission Française du XIXème siècle, jusqu’aux artistes les plus contemporains tels que Cildo Meireles, Henrique Oliveira, Nuno Ramos, Tunga… Les étrangers ne sont pas oubliés comme par exemple Torres-Garcia, les Portugais Pedro Cabrita Reis et Joana Vasconcelos sans oublier un bel ensemble d’aquarelles de Louise Bourgeois. De nombreuses sculptures viennent rythmer les espaces extérieurs de FAMA. Impossible de tout citer dans cet ensemble de grande qualité où le cœur est le moteur de la sélection.

Un ensemble unique au monde de 203 dessins de Tarsila do Amaral

Exposition Tarsila: estudos e anotações, 2021. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann

Signalons l’ouverture de cette année d’une salle spectaculaire dédiée à un unique ensemble de 203 dessins de l’artiste iconique brésilienne Tarsila de Amaral (1886-1973) qui ne furent pas montrés depuis 50 ans et, après restauration, viennent d’entrer dans la collection. Produites entre 1910 et 1940, les œuvres permettent de découvrir les différentes phases de l’artiste et présentent des thèmes récurrents dans son œuvre. Il y a des vues de ses voyages au Brésil montrant les villes historiques bucoliques du Minas Gerais. Le public peut aussi découvrir sa vision de l’Europe, en passant par le désert d’Egypte. Etudes et croquis d’œuvres futures, paysages urbains ou ruraux, carnets de voyage, costumes de ballet, croquis d’illustrations de livres, scènes intérieures après les années 1940, dessins figuratifs et abstraits jusqu’à un dessin préparatoire de la fameuse œuvre iconique Antropofagia (Anthropophagy) de 1929 représentent cet incroyable ensemble qui, à lui seul, vaut la visite à FAMA.

Les projets dedans et hors les murs

Rubens Gerchman, AR 1967-2003. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann.

Conçu pour la production, la contemplation et la promotion de l’art, FAMA est un outil de diffusion de l’art contemporain. Sa mission : Préserver et promouvoir la mémoire et l’expérience de l’art contemporain en Itu et dans la région. Sa vision : transformer l’usine de São Pedro en un territoire durable d’art et de culture.  Les 80.000 étudiants de la région sont visés en priorité ! L’ancienne usine textile continue de vivre mais, en changeant d’étiquette est aujourd’hui devenue un laboratoire pour la création contemporaine où sont, entre-autre, concoctés des expositions temporaires. C’est le siège du ‘Marcos Amaro Art Award’ annuel destiné à un artiste brésilien ou étranger, du ‘ArtYou’ data base, un prix né en 2017, en partenariat avec la foire d’art SP-Arte, aussi un projet d’Occupation qui a lieu tous les deux ans et vise à recevoir des projets d’artistes et de collectifs actifs dans le domaine des arts visuels.  Mais Marcos ne pouvait bien entendu pas en rester là et un espace au shopping Itu vient d’être ouvert répondant aux expositions de sculptures dans les rues de la ville…ne pas rester entre soit, s’ouvrir le plus à toutes et tous, rayonner dans la région. Marcos est généreux et veut casser les codes.

Onde o céu encontra-se com o chão e o ar com a terra
Où le ciel rencontre le sol et l’air avec la terre

Jardim Dona Helena. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann

Inspiré par le courant artistique des années 1960 « land art », Fábrica de Arte Marcos Amaro a inauguré son nouveau bras en pleine campagne proche de Itu. C’est une nouvelle façon d’exposer l’art, d’avoir un musée à ciel ouvert où Marcos donne carte blanche aux artistes qu’il invite. Après Marcia Pastore (1964-) c’est aujourd’hui au tour du grand artiste pauliste Carlito Carvalhosa (1961-) qui a créé Área de propriedade’ (superficie de la propriété), une ambitieuse installation site-specific de 195 m de long et huit mètres de hauteur qui sera permanente. C’est une réflexion sur les clôtures qui divisent les pâturages dans des paysages sans limite. Cette clôture est visible mais inutile ayant des fils placés trop haut pour empêcher le passage et ne divise donc rien. L’artiste change d’échelle et remet en question la relation entre l’image et la fonction de ce qui nous entoure.

Garantir le futur

Vue de l’exposition Acervo em exposição. Courtesy of Fundação Marcos Amaro Collection. Photo Camilla Jann

FAMA n’en est qu’à ses débuts. Mais en bon entrepreneur, Marcos pense déjà à le pérenniser pour qu’il ne dépende plus de lui seul. Un premier sponsor est apparu avec Itau Cultural. Bien entendu, avec ses équipes, ils travaillent pour mettre sur la carte du monde cette nouvelle destination. Elle est déjà une des perles brésiliennes à ne surtout pas manquer pour tous les amateurs d’art et les curieux en général qui viendront dans la région quand le vilain virus aura fini de nous chatouiller.

D’ici là, de toute façon Marcos Amaro n’arrête pas ! Il vous attend.

Pour en savoir plus sur l’Usina de Arte FAMA e campo

Le site FAMA Museu
Rua Padre Bartolomeu Tadei, 09, Vila São Francisco, Itu – SP
Tél. : +55 11 4022.4828 – contato@famamuseu.org.br

Galerie Kaganamaro, info@galeriakoganamaro.com

  • Alameda Franca, 1054, Jardim Paulista, São Paulo, SP
  • Rämistrasse 35, 8001 Zürich, Switzerland

Partager

Articles similaires

Stephen Dean rêve d’une harmonie crescendo de la couleur

Voir l'article

Les sculptures éphémères de Wolfgang Laib fleurtent avec l’âme du monde

Voir l'article

Art Paris 2024 Solo Shows, de Helion et Masson à Hassan à Whittaker (Grand Palais Ephémère)

Voir l'article

Art Paris 2024, du Art & Craft aux Fragiles utopies (Grand Palais éphémère)

Voir l'article