Culture

Romans historiques pour l'été : Figueiredo, Clerc-Murgier, Carisey

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 10 avril 2020 à 19 h 06 min – Mis à jour le 10 avril 2020 à 19 h 23 min

Rien n’est plus stimulant que les romans historiques bien ficelés ; ceux de Patricia de Figueiredo (Vous n’aurez pas mes cendres ! ) rapprochant Chateaubriand et Girardin, de Hélène Clerc-Murgier, plongeant Louis XIII dans L’affaire Chevreuse et Christian Carisey captant La Folie (de Bobby) Fischer vous sortiront facilement du confinement.

Patricia de Figueiredo, Vous n’aurez pas mes cendres ! (Serge Safran)

Habilement tricoté, l’intrigue de ce roman à miroirs entraine le lecteur à mi-chemin entre le récit historique – la rencontre entre François-René de Chateaubriand (1768-1848), et Emile (de) Girardin (1877-1881) – et le travail créatif, d’un dramaturge contemporain qui tente de construire une pièce de théâtre nourrie de ce conflit de caractères et d’époques.

Même si la rencontre imaginaire est « supposée », la légende est passionnante, tant sont multiples les ressors dramatiques et intimes entre l’écrivain, Pair de France et académicien au sommet de sa gloire et l’entrepreneur coriace et inventeur de la presse populaire. A commencer par leur vision exacerbée d’un monde qui mute en 1830, d’une liberté d’expression et du droit d’auteur qui tentent de s’imposer, et de ce qui fait la postérité. Car le cœur de l’intrigue reste la volonté de l’homme de presse de feuilletonner les Mémoires d’un Chateaubriand qui se refuse à un tel projet. Sur fond de querelles politiques, idéologiques et d’une certaine conception de l’honneur. La mort en duel provoquée par Girardin d’Armand Carrel, journaliste très proche de l’écrivain aiguise le conflit.
D’une écriture légère, sans fioriture, Patricia de Figueiredo brosse avec gourmandise ce duel de géants en décapant leurs grandeurs comme leur petitesse. Personne ne peut savoir si la pièce à venir serait un succès. En revanche, le caractère enlevé de la fiction romanesque en est déjà un. [Olgan]

L’affaire chevreuse Chambon Noir

L’affaire chevreuse Chambon Noir

Hélène Clerc-Murgier. L’affaire Chevreuse. (Chambon Noir Actes Sud)

Après « Abbesses » qui s’ouvre en 1621, et « La rue du bout du monde » situé en 1624, le troisième tome de la trilogie policière d’Hélène Clerc-Murgier plonge son héros récurrent l’inspecteur Jacques Chevassut au cœur de la cour de Louis XIII en 1626.
Le fils aîné (1601-1643) de Marie de Médicis et d’Henri IV dont l’assassinat en 1610 l’a hissé trop prématurément sur le trône tarde toujours à s’imposer : face au puissant Richelieu (1585-1642) à la fois Premier ministre et manipulateur, et vis-à-vis d’un royaume qui jase devant l’absence d’héritier onze années après son mariage avec l’infante Anne d’Autriche.
L’intrigue s’emballe avec une série de morts suspectes dans l’entourage direct de Richelieu. Et la multiplication de curieux de billets en italien déposés au grand Chatelet, où opère l’infatigable inspecteur et son fidèle second Philippe May. Sans oublier la fascinante duchesse de Chevreuse confidente d’Anne d’Autriche aux noirs desseins … La fine équipe va tenter de dénouer les fils machiavéliques de toutes ces ambitions prêtes à tout, y compris les complots d’Etat !
Avec cet art du détail précis, et ce panache à mêler faits historiques et intrigues plausibles, Hélène Clerc Murgier sait faire revivre l’atmosphère et les couleurs de ce règne déliquescent ; que ce soit ce Paris pittoresque du début du XVIIe siècle tout en gouaille, aux mille petits métiers et métissages vertigineux : entre diseuses de bonne aventure et princes de sang, bourgeois mélomanes et lavendières, ou cette cour corrompue, dépassée et hypocrite…
Véritable Alexandre Dumas en jupons, la romancière connait aussi bien le rythme que la musique ! Et pour cause, claveciniste baroque de profession, la cofondatrice de la Compagnie lyrique Les Monts du Reuil sait combien la musique tient une place centrale au XVIIe baroque : Richelieu aime la musique surtout les musiciens italiens, comme le roi qui n’hésite pas à jouer lui-même dans des orchestres improvisés. Et c’est dans cet univers interlope – entre assassinats sur fond d’airs d’Opéra italien, et soif de pouvoir à tout prix – que l’intrépide inspecteur va s’abimer et nous tenir en haleine crescendo. [Régine Glass]

Christian Carisey, La Folie Fischer (Alma éditeur)

Après un roman dédié à Christophe Colomb (La confusion du monde), Christian Carisey se consacre à Bobby Fischer (1943 – 2008), le mythique Champion du monde d’échecs en 1972 à moins de 30 ans. Héros adulé par la nation américaine fière d’imposer l’un des leurs en pleine guerre froide sur une chasse gardée des Soviétiques, la lune de miel va vite tourner au pugilat. Le génie précoce se révèle un caractériel ingérable, aux exigences extravagantes. Paranoïaque et adepte du complotisme, il est persuadé que le FBI le suit partout, le bombarde d’ondes magnétiques. Las l’affaire est définitivement consommée quand il se réjouira des attaques du 11 septembre 2001 et comble de la provocation, demande la naturalisation islandaise en 2005.

Le récit quasi-clinique, très documenté retrace l’inexorable descente aux enfers d’une icône pop. Bien au-delà des seuls férus d’échecs, il passionnera également tous ceux que fascinent une personnalité hors du commun plongée trop tôt et peu armé dans les vertiges d’une Histoire exacerbée, et que les noirceurs de l’âme humaine interpellent. [PdF]

Références bibliographiques

Patricia de Figueiredo. Vous n’aurez pas mes cendres ! Serge Safran éditeur. 176 p. 16.90€ 

Hélène Clerc-Murgier. La Trilogie « Jacques Chevassut »

Christian Carisey. La Folie Fischer Alma éditeur. 225 p. 18€.

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