Gastronomie

La ratatouille niçoise, quintessence des légumes du soleil

Auteur : Blandine Vié
Article publié le 6 septembre 2019 à 11 h 39 min – Mis à jour le 13 septembre 2019 à 11 h 16 min

La ratatouille niçoise — ou mieux, nissarde — est une recette du patrimoine de l’ancien Comté de Nice qui fait la part belle à ces légumes méridionaux qu’on appelle aujourd’hui légumes du soleil. Et heureusement, elle n’est plus l’apanage de la seule Provence.

Une recette qui a évolué au fil du temps

Quand on feuillette de vieux manuels culinaires, qu’ils soient de cuisine classique ou de cuisine spécifiquement provençale, le ratatouille est une recette de ménage qu’on fait presqu’à la va-vite pour utiliser un assemblage de légumes de saison — oignons, aubergines, courgettes, poivrons, tomates, ail —, qu’ils soient du jardin, du marché ou simplement les « restes » du panier à légumes.
On peut d’ailleurs présumer que son nom — au demeurant euphoniquement plaisant quand on ne le décompose pas étymologiquement — soit issu de l’argot militaire « rata » (terme attesté depuis 1778) qui est un ragoût hétéroclite composé de haricots, de pommes de terre, de légumes variés et de viande grasse… bref d’un peu tout. Le mot ratatouille fait donc explicitement référence à un rata que l’on touille.
À l’origine, c’était donc non seulement une recette de ménage mais une recette de cuisine pauvre faite avec les moyens du bord, même s’il s’agissait de délicieux légumes dont on aimerait retrouver aujourd’hui la qualité, notamment pour les tomates.
Peut-être également dans le but d’une bonne économie domestique, tous les légumes étaient alors cuits en même temps (économie de gaz ou de charbon) d’où l’impératif de beaucoup touiller, ne serait-ce que pour faire évaporer l’eau de végétation des légumes.
Puis la nouvelle cuisine est arrivée dans les années soixante-dix (au siècle dernier, déjà !). Et là, on ne saura sans doute jamais quel est le chef qui en a eu le premier l’inspiration mais toujours est-il que quelqu’un (ou quelqu’une) eut l’idée de faire cuire les légumes séparément puis de les assembler pour un dernier mijotage de concert. Révélation !

Les ingrédients

Les ingrédients. Photo © Blandine Vié

Les trois manières de la faire

• La manière d’autrefois (ne disons pas classique)
Il s’agit de faire cuire tous les légumes coupés en dés ou en cubes ensemble. L’inconvénient de ce méli-mélo est qu’ils rendent tous en même temps leur eau de végétation (surtout les tomates) et que les spécificités aromatiques des uns et des autres ont tendance à fusionner. Cela rend aussi les légumes un peu plus mous. C’est tout de même bon mais il n’y a pas la magie de la recette suivante.

• La méthode nouvelle cuisine
Il faut bien le dire, c’est une trouvaille qui sublime la recette du point de vue du goût. Tous les légumes sont fondus à part les uns des autres (sauf l’ail ajouté simplement pelé) avant d’être réunis pour des épousailles où tous les partenaires jouent leur partition avec brio, comme dans un orchestre symphonique. Chacun garde sa personnalité et son charnu. Néanmoins, cette façon de faire requiert évidemment (beaucoup) plus de temps.

• La formule hybride
C’est un mix des deux autres : on fait fondre les oignons à part au préalable et, de même, on fait mijoter les tomates (pelées et épépinées) à part également, jusqu’à ce qu’elles aient presque la consistance d’un coulis. Puis on réunit le tout dans une cocotte : oignons fondus, légumes crus en dés ou en cubes et coulis de tomates pour un mijotage qui demande plus de temps que la manière ancienne mais moins que la méthode nouvelle cuisine. Et le résultat est tout à fait satisfaisant gustativement parlant.

Les légumes cuits séparément avant assemblage

Les légumes cuits séparément avant assemblage. Photo © Blandine Vié

Le lien indispensable

C’est évidemment l’huile d’olive. Pour un résultat optimum, elle doit être évidemment extra-vierge de première pression à froid. Choisir une huile de qualité est un gage de réussite indéniable.

D’autres considérations

• Il n’est pas raisonnable de préparer de la ratatouille avant la mi-juillet car les légumes dits « du soleil » n’ont véritablement le goût de leur maturité que de fin juillet à mi-octobre. Mais c’est une recette qui accompagne délicieusement de nombreux plats, en chaud comme en froid.

• C’est une recette qu’il est conseillé de préparer en grosse quantité — même si ça implique un peu de temps — car non seulement c’est un régal quand elle est froide, mais elle peut être également le point de départ d’une déclinaison de recettes judicieuses : tomates farcies à la ratatouille, tarte à la ratatouille, etc. Elle se conserve également très bien stérilisée en bocaux.

• En principe, on met des poivrons verts mais ce n’est pas un bien grand crime de les panacher avec des poivrons d’autres couleurs (rouges, orangés ou jaunes).

• Selon le goût ou l’humeur, on peut peler ou non les aubergines et les courgettes. Certains coupent la poire en deux en prélevant une bande de peau sur deux. Toutefois, s’ils ne sont pas maltraités aux pesticides, c’est dans la peau des légumes que se concentrent la plupart de leurs bienfaits nutritifs. Les tomates doivent quant à elles être pelées et épépinées.

• Certaines recettes intègrent du basilic, sinon pendant la cuisson (où il ne sert à rien), du moins pour la présentation.

Ratatouille aux légumes cuits séparément

Ratatouille aux légumes cuits séparément. Photo © Blandine Vié

Les cousines provinciales

Les légumes « du soleil » poussant bien évidemment non seulement en Provence mais également dans tout le sud de la France, de la côte méditerranéenne à la côte atlantique, on retrouve des variantes assez proches d’une province à l’autre :

— Bohémienne (du Comtat Venaissin) : aubergines, tomates, herbes ;
— Chichoumeille languedocienne : aubergines, tomates, oignons ;
— Piperade gasconne et basque : oignons, tomates, piments doux, poivrons, piments d’Espelette.

Ratatouille luberonnaise

Ratatouille luberonnaise. Photo © Blandine Vié

L’Italie a aussi des recettes proches, notamment la caponata sicilienne (aubergines, tomates, oignons, olives vertes, câpres).

Où en savourer avec quels vins et comment la conserver…

Savourer

• Lou Pistou, chef Dominique Dumas, 4 rue Raoul Bosio, 06300 Nice – Tél. 04 93 62 21 82
Ouvert du lundi au vendredi de 12 h à 14 h et de 19 h à 22h, fermé samedi…

Partager

Articles similaires

Les plus beaux œufs de Pâques d’artisans chocolatiers et de chefs de Palaces

Voir l'article

Les mystères de l’agneau pascal, entre rituel spirituel et tradition gourmande

Voir l'article

Tout savoir sur la tradition des œufs de Pâques

Voir l'article

Le Troquet pour une cuisine du Sud-Ouest généreuse au cœur du 15e

Voir l'article