Gastronomie

La Saint-Valentin, ses origines et la symbolique du rouge

Auteur : Blandine Vié
Article publié le 9 février 2019 – mis à jour le 9 février 2024

Longtemps tombée en désuétude, la Saint-Valentin, comble de fête romantique, renaît paradoxalement dans les années 70/80 en pleine libération des mœurs. Si 60% des français jugeaient qu’il s’agit avant tout d’une fête commerciale, 41% des Français en couple comptaient la célébrer en 2022 (selon Ipsos). Au-delà du lieu et du langage, que ce soit pour dire leur amour à leur moitié ou à des partenaires de passage, les Valentins et les Valentines avaient deux codes immuables : la couleur rouge et la forme de cœur. Ils évoluent grâce aux initiatives des pâtissiers. Notre sélection de 20 créations 2024, de Angelina à Christophe Michalak, sans oublier Pierre Hermé et Cyril Lignac

 

14 et 15 février, même combat !

Les Lupercales — du latin lupus, loup — étaient l’une des fêtes préférées des Romains. Elles avaient lieu le 15 février en l’honneur de Faunus Lupercus, dieu des troupeaux et des bergers. Après avoir immolé un bouc, les luperques (une confrérie de prêtres) faisaient nus le tour du Palatin, et frappaient les femmes avec des lanières découpées dans la peau de l’animal sacrifié, afin de les rendre fécondes. Les jeunes gens quant à eux, toujours en hommage au dieu Faunus Lupercus, tiraient au sort le nom des jeunes filles (recueillis dans une boîte). Les couples ainsi formés devenaient partenaires de jeux (y compris sexuels) pour un an.

Un rite païen christianisé

Dédiée aux amoureux, la Saint-Valentin (14 février) a été instituée par l’Église pour christianiser le rite de fertilité païen rendu à Lupercus lors des Lupercales.

En 496, le pape Gélase — encore lui (relire l’article « La chandeleur : symbole et traditions culinaires) — décida d’interdire les festivités dédiées à Faunus Lupercus, mais elles étaient très populaires aussi l’Église choisit-elle de remplacer le dieu romain par un saint dont l’histoire convenait à son attribut de protecteur des amoureux : Saint-Valentin.
En 270 de notre ère, le jeune Valentin, évêque d’Interramma, s’était opposé à un édit de l’empereur Claude II qui interdisait le mariage. L’empereur, ayant besoin de soldats, considérait en effet que les hommes mariés ne faisaient pas de bons guerriers. Valentin n’en continua pas moins à donner la bénédiction du mariage en secret aux jeunes couples. Claude le fit décapiter le 24 février 270. Peu avant son exécution, le prêtre emprisonné tomba amoureux de la fille de son geôlier qui était aveugle. Grâce à sa foi, il lui rendit la vue. Et l’on dit qu’avant de mourir, il lui laissa un mot d’adieu : « De ton Valentin ». Les noms des jeunes filles qu’on tirait au sort furent remplacés par des noms de saints : femmes et hommes devaient s’engager, pour un an, à imiter la vie du saint que le hasard leur avait attribué.

Et comme la mi-février était également l’époque où les jeunes Romains faisaient la cour à leurs bien-aimées, on imposa la tradition d’envoyer des cartes de vœux — qui furent baptisées cartes de la Saint-Valentin — le 14 février à ces dernières (pour qu’elles les reçoivent le 15 ?).

Tableau de François-André Vincent, Renaud et Armide.

Tableau de François-André Vincent, Renaud et Armide. Photo © Musée Fabre

Au XVIe siècle, Saint François de Sales (évêque de Genève), tenta en vain de supprimer ce rite et de réintroduire le tirage au sort des saints. Vers la même époque, les cartes de la Saint-Valentin se mirent à figurer Cupidon, fils de la déesse de l’amour Vénus, qui blesse les cœurs avec ses flèches. Enfin, il faut savoir également qu’à la mi-février, les Grecs fêtaient la déesse Héra, protectrice du mariage et des femmes.

Ajoutons encore que le loup est l’incarnation du diable et que, de tous les animaux, c’est celui dont il préférait prendre l’apparence, notamment pour présider le sabbat. Le nombre 15 est d’ailleurs la lame qui représente le diable dans le jeu du tarot divinatoire. Et le 15 février est aussi le jour de la Saint Faust. Faust, dont on sait qu’il a vendu son âme au diable contre la jeunesse éternelle. Quant à la louve, elle symbolise la débauche et le dévergondage, au point d’avoir donné naissance au mot lupanar. Remarquons enfin malicieusement que le 14 février est aussi le jour de la Saint-Priape. Tous ces amalgames ne sont évidemment pas innocents et la Saint-Valentin se révèle être une fête moins romantique qu’il n’y paraît.

Angelina, Idylle Photo Presse

Le rouge est mis…

Le rouge est une couleur chaude dont on peut dire qu’elle fut longtemps la couleur par excellence, la plus belle des couleurs, la seule couleur inventoriée entre le blanc et le noir. Comme le rapporte Michel Pastoureau, spécialiste de l’histoire et de l’anthropologie des couleurs, c’est même presque un pléonasme. Rouge a de tout temps été la couleur qui se remarque — donc LA couleur — et dans plusieurs langues, elle est synonyme de beau (en russe) ou de riche. C’est en partie lié à l’histoire des teintures de vêtements, la garance étant la plante avec laquelle on obtenait une couleur se délavant bien moins que les autres qui s’affadissaient très vite au gré des lessives.
À tel point que jusqu’à la fin du XIXe siècle, dans les campagnes on se mariait en rouge… c’est-à-dire avec sa plus belle robe !

… le bon et le mauvais

Cédric Grolet, entremets Saint Valentin, Photo Presse

Mais depuis toujours, il y a deux rouges : le bon et le mauvais. Dichotomie qui, dans notre culture occidentale, peut se traduire par deux symboliques parallèles : celle du feu (positive) et celle du sang (négative).

A priori, le rouge est une couleur joyeuse, tonique, énergique, stimulante. Dès l’enfance, elle a côté ludique et gourmand. Elle attire les bambins qui apprécient les fruits rouges, frais on sous forme de confitures — en y trempant un doigt en cachette ? —, se font des pendants d’oreilles avec les cerises et ont une attirance immodérée pour les bonbons et les friandises rouges. C’est aussi une couleur qui excite l’appétit, d’ailleurs de nombreux apéritifs sont rouges. C’est la couleur de la fête, du plaisir et de la joie.

A contrario, si l’on outrepasse cette bonhomie débonnaire — ce n’est pas pour rien que le Père Noël est vêtu de rouge —, on risque vite de déraper et de tomber dans l’excès. C’est pour ça que, dans son pôle négatif, le rouge est également signe de danger (signalisations routières et maritimes), de corrections (faites en rouge dans la marge des copies), d’interdiction (feu rouge, sens interdit, code de la route), de sanction et de répression (carton rouge), de débordements politiques (communisme) pouvant aller jusqu’aux crimes de sang (guerres), ce que notre hymne national ne saurait démentir. Sous l’Ancien Régime et au XIXe siècle, ce fut d’ailleurs la couleur affichée des condamnés, des galériens et des forçats.

Le rouge de la passion

Cédric Grolet, entremets Saint Valentin, Photo Presse

Mais il y a une autre manière de franchir la frontière entre rouge politiquement correct et rouge culpabilisant : c’est l’amour !

Certes, vu du bon côté, ne dit-on pas « déclarer sa flamme », être tout feu, tout flamme » ? Ne dit-on pas pareillement « le rouge me monte aux joues » ou « rougir de plaisir ». Mais du plaisir au péché, il n’y a qu’un pas que notre culture judéo-chrétienne franchit allègrement avec des bottes de sept lieues. Car le rouge n’est pas seulement sympathique, il est attractif et séducteur, surtout quand on s’en sert pour aguicher (rouge à lèvres, fards). La couleur de l’amour suscite aussi l’ardeur qui peut aller jusqu’au péché. Le rouge devient la couleur du désir et le charme initial devient sulfureux. Le rouge est alors synonyme de péché de chair. D’ailleurs, déjà au Moyen-Âge, le rouge était la couleur de la faute. C’est aussi la couleur de la femme qui, depuis Ève, semble porter tous les péchés du monde alors que l’homme est symbolisé par le bleu. Ce que l’on retrouve de manière édulcorée — mais conditionnante — dans les couleurs traditionnelles de la layette : rose pour les filles, bleu ciel pour les garçons.

N’oublions évidemment pas les roses rouges, symbole de l’amour absolu en langage de fleurs, en nous rappelant qu’offrir un bouquet de 12 roses rouges signifie une demande en mariage ! À une jeune fille dont on est amoureux, on offrira plutôt des roses roses.

Pierre Hermé, Cœurs Mêlés Ultime Photo Presse

La symbolique culinaire

Offrir son cœur, ce n’est pas s’ouvrir la poitrine pour une offrande sanguinolente. Tout est question de subtiles métaphores. D’où la pléthore de desserts en forme de cœur pour la Saint-Valentin. Et comme le cœur saigne et que l’amour est ardent, évidemment ces pâtisseries sont rouges, donc le plus souvent à base de fruits rouges, notamment les fraises et les framboises, même si c’est totalement hors saison ! Car faire déguster un cœur de bœuf à sa chérie, même cuisiné « à la bourgeoise » serait évidemment perçu comme un crime de lèse-majesté.

Le rouge étant définitivement la couleur de la passion, j’aimerais juste rappeler une chose : étymologiquement, passion vient du latin « patio » qui signifie « je souffre ». À preuve la Passion du Christ. Alors, avant de jouer les Cupidon énamourés, réfléchissez bien : l’amour est vecteur de joies mais aussi de souffrances.
Cependant, même si cela a toujours un petit côté païen, se régaler pendant une soirée ne peut être que source de joie.
Joie étant à l’origine le substantif de jouir. Qu’on se le dise !

Blandine Vié

Où trouver votre cœur gourmand, à déguster ou à offrir ?

20 gâteaux pour que les Valentins se bousculent à vos pieds et à vos papilles :

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