[Cinéma en salle] Billie Holiday, une affaire d'état, de Lee Daniels (2021)

The united states vs Billie Holiday, avec Andra Day, Trevante Rhodes, Garrett Hedlund. 128mn
En salles depuis le 2 juin.

Au travers de l’histoire de Billie Holiday (1915 – 1959) et de sa chanson Strange Fruit, Lee Daniels, habitué à dénoncer l’apartheid made in USA (Precious, Le majordome) développe une poignante variation sur l’oppression insidieuse – voir obsessionnelle contre Lady Day – que peuvent subir les afro-américains aux Etats-Unis.

Une chanson qui bouge les lignes de l’histoire

Avec Precious, son second film qui l’a fait connaître en 2010 (Grand Prix du Jury au Festival de Sundance en 2009),  Lee Daniels dénonçait la ségrégation et la discrimination au travers d’une personne noire, obèse et analphabète. Billie Holiday, une affaire d’état, après Le majordome creuse à nouveau le sillon du statut (précaire) des personnes de couleur aux Etats-Unis.
En évoquant le destin de Billie Holiday au travers la chanson Strange Fruit, entrée au patrimoine de l’humanité, il retrace non seulement la force d’un morceau de blues et de son interprète mais aussi le caractère impétueux d’une artiste rompue aux affres d’une existence cruelle.

Ce Fruit Étrange n’est autre que la personnification de malheureux pendus à des arbres. L’affreuse habitude de blancs racistes de « s’offrir » un lynchage de personnes noires fût sans commune mesure aux Etats-Unis. Ces atrocités pratiquement toujours impunies étaient dénoncées par la chanson du  compositeur, Abel Meeropol, un professeur juif russe membre du Parti Communiste. Consciente des risques, Lady Day hésita à la créer d’autant que sa maison de disques de l’époque (Columbia) refusa de l’enregistrer. Il fallut trouver un petit label aux idées très progressistes, déclenchant une spirale infernale.

Un acharnement aveugle

Le film, dont le titre original est Les Etats-Unis contre Billie Holiday, dépeint le harcèlement obsessionnel à l’encontre de la chanteuse menée par le patron du Bureau des Narcotiques de l’époque Harry J. Anslinger. Pour la piéger, il engage un agent du F.B.I. afro américain James Fletcher pour faire tomber pour détention de stupéfiants. Sauf que l’agent en question tombé amoureux de la chanteuse. regrettera amèrement d’avoir contribué à son emprisonnement et à sa chute. En réalité, il s’agissait pour Harry J. Anslinger d’empêcher la montée du mouvement des droits civiques et de faire taire cette chanson et cette voix dont la puissance évocatrice mettait en péril la chape de plomb sur les agissements innommables qui frappaient les noirs américains. Ce commissaire du bureau fédéral des narcotiques poursuivra la chanteuse jusqu’à la faire menotter sur son lit de mort.

Le piège de trop en faire

L’intérêt du film, d’une esthétique irréprochable, la reconstitution de l’époque est magnifique, est de faire connaître cet épisode méconnu de la vie de la tumultueuse de l’inoubliable interprète. Divinement incarné par la chanteuse actrice et chanteuse Andra Day dont la prestation bouleverse.

Las ce biopic qui n’en est pas vraiment un, souffre d’une mise en scène parfois outrée et d’un scénario qui se mord un peu la queue rend le film un peu longuet. Cette faiblesse du trop en faire n’enlève en rien la part d’émotion à ce cri engagé contre le racisme endémique – voir institutionnalisée – véritable plaie putride de notre humanité.

#CalistoDobson