[Cinéma en salle] La Loi de Téhéran (Just 6.5) de Saeed Roustayi (2019)

Avec Peymân Maâdi, Navid Mohammadzadeh, Parinaz Izdayar, Farhad Aslani. 131 min.
Sur les écrans depuis le 28 juillet 2021.

Ce polar iranien intense et rude signé par Saeed Roustayi est bourré d’une tension permanente. Cette variation du flic coriace au trousse d’un trafiquant insaisissable, au cœur d’une société à la dérive, adoubée par William Friedkin (French Connection) est couronnée du Grand prix du 38ème Festival du film policier de Reims.

Avec 6,5 millions de toxicomanes en Iran, la drogue est un fléau national. Un flic de la brigade des stupéfiants local, Peymâm Maâdi (déjà remarquable dans La séparation de Asghar Farhadi, Six Underground de Michael Bay), sous le coup d’une enquête pour corruption va s’acharner à arrêter, puis à faire condamner à mort un trafiquant de drogue (Navid Mohammadzadeh impressionnant).
Ses rapports tendus avec un de ses acolytes qui a perdu son fils kidnappé et assassiné sur ordre du trafiquant vont nourrir une obsession dénuée de toute humanité.

Au-delà des stéréotypes du genre

La course poursuite à pied d’un flic après un dealer qui introduit le film d’une façon particulièrement radicale donne la teneur du film. Sans aucun bain de sang, ni de tirs d’armes à feu, Sayeed Roustayi 36 ans, auteur et réalisateur d’un premier long métrage remarquable, Life and a Day tire parti du contexte de misère sociale et morale de ses contemporains. Le bidonville fait de conduits de béton empilés les uns sur les autres dans lequel a lieu une descente policière en quête d’un indicateur, donne presque à notre “colline du crack” un air de club de vacances.

La perte d’humanité

La tension permanente qui irrigue la narration suinte par tous les pores des images, celles entre autres des cellules à l’insalubrité criante dans lesquels sont entassés les uns sur les autres des prisonniers en manque ou dans un état comateux.

Des dialogues survoltés et des protagonistes dont on finit par se demander lequel est le plus indigne mettent en balance la conduite de la loi et le bien fondé de celle-ci. Un père handicapé en vient à faire condamner à sa place son fils de 12 ans en “centre de rééducation” pour échapper à une prison synonyme de mort programmée. Le juge fataliste ne pourra qu’appliquer une loi pernicieuse puisqu’il condamne le jeune garçon à une existence au moins aussi misérable que celle de son père.

Un polar miroir d’une société crackée

La fiévreuse confrontation entre le flic obsédé par celui qu’il considère comme responsable de la destruction de vies entières et ce trafiquant prêt à toutes les extrémités pour préserver sa condition et celle de sa famille d’ex miséreux dresse un tableau on ne peut plus sombre d’un pan de la société iranienne. La seule issue d’échapper à son milieu social désarmé face à l’extrême pauvreté étant de sombrer dans la toxicomanie et/ou le trafic.

En renvoyant dos à dos les condamnés d’avance et les représentants de l’ordre, policiers et juges, Saeed Roustayi louvoie brillamment, évite la censure et nous offre un portrait de son pays rarement présenté de façon aussi crue.

#CalistoDobson