Cinéma: The Perfect Candidate, de Haifaa al-Mansour (2019)

avec Mila Alzahrani, Dhay, Nourah Al Awad, Khalid Abdulrhim.
En salles depuis le 12 août 2020

Une comédie engagée pour (espérer) changer les mentalités

Première réalisatrice saoudienne, dans un pays où le cinéma fut interdit jusqu’en 2017, Haifaa al-Mansour interroge subtilement la question de l’émancipation féminine. Avec “The perfect candidate”, la cinéaste poursuit cette préoccupation en dévoilant une réalité plus proche d’une ségrégation qu’un asservissement.

Une œuvre cinématographique reconnue et respectée

Son premier film “Wadjda” (2012) a été un succès critique avec plusieurs prix à travers le monde, notamment celui du « meilleur premier film international » au Festival international du film de Vancouver 2013.

Après une comédie intitulée “Une femme de tête”, actuellement disponible sur Netflix, elle a réalisé en 2018 le très sous-estimé biopic “Mary Shelley”, consacré à l’auteure de « Frankenstein », interprétée avec grande sensibilité par la toujours merveilleuse Elle Fanning.

Chacun des films de Haifaa al-Mansour aborde la lutte des femmes contre la tutelle des hommes sur leur existence, souvent la plus quotidienne.

Que ce soit avec la question de pouvoir faire de la bicyclette pour la petite Wadjda, d’échapper à sa quête de perfection pour l’héroïne de “Une femme de tête” ou encore d’obtenir la reconnaissance de son talent d’écrivaine pour Mary Shelley.

Une vision en creux d’une société saoudienne corsetée dans ses principes patriarcaux.

Maryam incarnée par la malicieuse Mila Alzahrani est une femme médecin qui officie dans la clinique de sa petite ville. Alors qu’elle souhaite se rendre à un séminaire qui pourrait lui ouvrir les portes d’un poste plus prestigieux, elle se trouve confrontée à une interdiction de voyager.

Sobrement administrative et sombrement digne de la dépendance que subissent les femmes dans son pays, cette incapacité à disposer d’elle-même ne trouvera d’issue que dans la contrainte à se présenter aux élections municipales.

Le talent de Haifaa al-Mansour est de dessiner un personnage, qui malgré son assujettissement, ne va pas combattre bille en tête. Maryam, d’une placide détermination alliée à une cartésienne ingénuité va se lancer dans une campagne électorale au pays de la domination masculine érigée en dogme.

Confrontée à une certaine indigence au quotidien – la route pour accéder à la clinique est un terrain boueux – Maryam bataillera pour faire entendre une voix qui n’est d’abord que celle d’une citoyenne qui se soucie de sa communauté. Les hommes ne sont pas montrés comme des oppresseurs, mais plutôt comme figés dans une société qu’ils n’imaginent même pas voir évoluer.

Sans aborder de front la question des droits des femmes, (certaines d’entre elles ne parviennent pas à remettre en cause leur situation), munie d’une ténacité intangible, elle imposera son engagement.

Une jolie surprise

Loin d’une société dont les occidentaux peuvent avoir une vision souvent caricaturale, la force de ce film est de montrer qu’un combat sociétal ne vaut pas toujours d’être mené baïonnette au fusil. Mais qu’il suffit parfois de passer par une porte dérobée.

Sans aucune acrimonie avec humour et une tendre ironie Haifaa al-Mansour prend position pour la cause des femmes avec finesse. Elle prouve qu’au pays du patriarcat à tout crin une action civile au quotidien sur le terrain peut être aussi voire plus efficace qu’un branle-bas de combat.

Sans aucun doute aussi un exemple à suivre.

#CalistoDobson