Hommage au commandeur Bertrand Tavernier (1941-2021)

Sur toutes les chaines (Arte, France2) ce week end
Disponibles sur Netflix: L’Horloger de Saint-Paul, Que la Fête Commence, Le Juge et l’Assassin, Coup de Torchon, La Princesse de Montpensier.

Réalisateur éclectique, cinéphile gourmet, auteur encyclopédique, Bertrand Tavernier vient de s’éteindre à l’âge de 79 ans à Sainte-Maxime, la ville qui a vu l’avant-première de son premier film “L’Horloger de Saint-Paul”. Plus qu’une œuvre, foisonnante et multiple, plus que sa passion de partager son amour du cinéma – plaisir et patrimoine – ce merveilleux guide et éclaireur était convaincu qu’un film peut changer une vie.

Un cinéaste gourmand de tous les cinémas

Rien du cinéma lui était étranger. Bertrand Tavernier est né à Lyon en 1941, ville dans laquelle il a situé l’action de son véritable acte de naissance de réalisateur L’Horloger de Saint-Paul. Avec ce premier film adapté d’un roman de Georges Simenon (L’Horloger d’Everton), il obtient le Prix Louis Delluc 1973 considéré comme le “Goncourt” du cinéma et le Prix Spécial du Jury au Festival de Berlin 1974. Interprété par Philippe Noiret, avec lequel il tourna huit fois, et Jean Rochefort, autre fidèle, ce film marque l’avènement d’un cinéaste gourmand de tous les cinémas.

Tout au long de sa prolifique carrière, le président de l’Institut Lumière qu’il a contribué à créer, ne cesse de promouvoir, partager, sauvegarder le cinéma qu’il vivait comme plaisir et patrimoine.

Bertrand Tavernier était un précipité de la Nouvelle Vague, de François Truffaut, pour son humanisme habité de la conviction que “le cinéma c’est mieux que la vie” à  Claude Chabrol pour le goût de la bonne chère et du film noir, et des vieux maitres américains ( de John Ford à William Wellman), dont il vénérait le professionnalisme sans ego.

La maîtrise et l’amour de tous les métiers du cinéma

Tour à tour, assistant de Claude Sautet et Jean-Pierre Melville, attaché de presse, critique de cinéma pour plusieurs revues, Bertrand Tavernier nous lègue une filmographie de 22 films aussi riche et variée. Du film noir (Coup de Torchon, L’Appât) au film de capes et d’épée (La Fille de D’Artagnan) en passant par l’anticipation (La Mort en Direct) et la comédie dramatique (Une Semaine de Vacances, Des Enfants Gâtés, Quai d’Orsay), il a abordé de nombreux genres.

Dès son deuxième long métrage, Que la Fête Commence, il aborde le genre historique qu’il affectionnera jusqu’à la fin de sa carrière avec notamment La Passion Béatrice en 1987 avec Julie Delpy ou encore La Princesse de Montpensier en 2010 avec  Mélanie Thierry. Son troisième film, Le Juge et l’Assassin, sortira Michel Galabru des potacheries dans lesquelles le cinéma de l’époque le cantonne et lui permettra d’obtenir le César du meilleur acteur en 1977.

L’attention et l’amour des acteurs

Il n’aura de cesse d’user de sa science de la distribution des rôles tout le long de son parcours de metteur en scène. Ce qui lui permettra de mettre en lumière de nombreux talents.

A commencer par Christine Pascal, actrice dans cinq de ses films ou Gérard Lanvin à qui il offre un de ses premiers rôles dramatiques dans Une Semaine de Vacances. De la même façon, il permet à Eddy Mitchell de révéler une facette de son talent d’acteur avec Coup de Torchon. Avec Un Dimanche à la Campagne (1984), Sabine Azéma décroche le César de la meilleure actrice. Le film se verra attribuer le dernier Grand Prix du Cinéma Français, le César du Meilleur Scénario d’Adaptation et obtiendra le Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes, année de la Palme d’Or de Paris, Texas.

En 1986, Bertrand Tavernier marque les esprits avec son évocation de Lester Young et de Bud Powell dans Round Midnight avec Dexter Gordon et François Cluzet. La musique concoctée par Herbie Hancock recevra le César et l’Oscar en 1987.
Avec son très beau La Vie et Rien d’Autre, Philippe Noiret obtient son deuxième César du Meilleur Acteur après celui du Vieux Fusil quatorze  ans plus tôt.
L’année suivante il met en scène Dirk Bogarde dans son dernier film avec Jane Birkin dans Daddy Nostalgie.

Deux ans plus tard, son film L. 627 (co-écrit par un ancien policier) entièrement tourné du point de vue de la police, porte un regard sans concession sur la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Pour La Fille de D’Artagnan, il remplace au pied levé le metteur en scène italien Riccardo Freda, trop âgé. Ce sera son dernier film avec Philippe Noiret.

C’est encore lui qui révèle Marie Gillain avec L’Appât, tiré du roman de Morgan Sportès qui relate un fait divers crapuleux. Le film est récompensé par l’Ours d’Or au Festival de Berlin 1995.

Il revient à l’évocation historique et signe en 1996 Capitaine Conan d’après Roger Vercel. Philippe Torreton obtient le César du meilleur acteur et le film ex-aequo avec Ridicule de Patrice Leconte, le César du meilleur réalisateur.

En 2009 son aventure américaine, Dans la Brume Électrique entièrement tourné en Louisiane,  d’après “Dans la Brume Électrique avec les Morts Confédérés” de James lee Burke avec Tommy Lee Jones remporte le Grand Prix 2009 du festival international du film policier de Beaune.

L’année suivante il renoue avec le film historique pour La Princesse de Montpensier, avec lequel il rencontre certaines difficultés de financement. Cette adaptation de la nouvelle de Mme de La Fayette sera choisie par le Ministère de l’Éducation Nationale pour figurer au programme du baccalauréat dans le cadre de la littérature et langages de l’image.

Pour son dernier film de fiction, Bertrand Tavernier choisit de s’inspirer de la bande dessinée “Quai d’Orsay” de Christophe Blain et Abel Lanzac.
Ce portrait plutôt caustique de Dominique de Villepin sous les traits de Thierry Lhermitte brosse des coulisses du pouvoir au Ministère des Affaires Étrangères et les secrets de la rédaction du fameux discours prononcé à l’ONU s’opposant à la guerre en Irak.

Merveilleux guide et éclaireur du patrimoine cinématographique

L’amoureux transi de cinéma n’a cessé de le donner à voir :

  • comme auteur d’ ouvrages de références sur le cinéma américain dont les mythiques Amis américains, Actes Sud 2e ed.2019 et 100 ans de cinéma américain, Omnibus, ed.2021, titre de la troisième édition annoncée cette année, après 30 ans et 50 ans pour les éditions précédentes ,
  • comme commentateur volubile à travers son savoureux blog SACD, et ses bonus inoubliables de la collection Western édité par SydonisCalista
  • comme conteur aigu à travers sonVoyage à travers le cinéma français”, un magnifique documentaire en forme de déclaration d’amour et de plongée ludique dans notre  patrimoine cinématographique.

#CalistoDobson