Littérature : L’autre Rimbaud (Le Bailly), Un cœur en sourdine (Pasquer)

Plusieurs points communs rapprochent ces deux romans L’autre Rimbaud de David Le Bailly, Un cœur en sourdine d’Alexandra Pasquer ; ils sont inspirés de faits réels, traitent de destins ballottés par l’Histoire, et d’une plume aiguisée, plongent dans l’âme de leurs personnages sans artifice.

L’autre Rimbaud, de David Le Bailly, L’Iconoclaste.  366p. 19€

Frédéric et Arthur Rimbaud en 1866, la silhouette de l’aîné sera ensuite découpée par leur soeur Isabelle © BNF estampes.

Étonnant Rimbaud dont le mythe ne cesse de se renouveler ;  la réédition d’une biographie, celle de Jean-Jacques Lefrère (Bouquins Robert Laffont) a lancé et nourri un débat enflammé sur sa place au Panthéon. Dés lors tout semble connu d’Arthur Rimbaud (1854-1891) : son génie précoce, sa relation passionnée et destructrice avec Verlaine, sa mère Vitalie autoritaire (1858-1907), sa sœur Isabelle la catholique (1860 – 1917), son père capitaine (1814-1878) parti à l’armée, , ….

Mais que sait-on de l’existence du frère aîné, Frédéric (1853-1911) ? L’aîné d’une année seulement, inséparable enfant, va complètement disparaître de l’histoire officielle familiale jusqu’à être découpé des photos. Si vous cherchez sur wikipedia, à « Frédéric Rimbaud » vous trouverez la fiche du père, capitaine….

David Le Bailly reconnait sa fascination « par cette injustice, par cette intelligence inégalement répartie entre les deux frères. A l’un le génie, le talent, à l’autre, le néant » Il en croque un portrait sans concession d’une mère excessive sans pitié pour ce fils qu’elle rejette. Pourtant cet homme simple « sans qualité » dirait Musil aspirait à vivre une vie paisible, mais a commis l’erreur d’épouser une femme d’une classe inférieure. Le procès en éradication s’est même conduit même à la cour d’appel de Nancy avec « Rimbaud contre Rimbaud« .

L’autre Rimbaud, c’est aussi un autre visage d’ Arthur

Celui qui se dessine dans l’enquête minutieuse de Le Bailly, n’est guère flatteur pour le héraut aux semelles de vent, tant il est obsédé par l’argent et la recherche d’un statut de bourgeois.  « C’est son idéal de vie, résume David Le Bailly : élever un enfant selon les canons de la bourgeoisie. »

L’auteur de La Captive de Mitterrand relate aussi en creux les obstacles de son enquête journalistique pour arriver à compiler des documents, retrouver des témoignages, dans cette belle ambition de redonner toute sa place à ce frère répudié. Un très beau roman qui fait partie des cinq romans de la sélection du Prix Hennessy du Livre 2020, lauréat couronné le 19 novembre 2020).

Un cœur en sourdine, d’Alexandra Pasquer, Préludes. 256 p. 17,90 €

Du débarquement sur les côtes normandes, les Anglais et les Américains sont les héros récurrents. Il est plus rare que les Canadiens soient mis en avant. Pourtant ils ont participé à l’ancrage des Alliés sur le sol français et en ont payé un lourd tribu de vies.

La romancière d’origine franco-canadienne Alexandra Pasquer a eu la bonne idée de mettre en avant le destin croisé de John, canadien anglophone mobilisé en 1944 pour débarquer sur la plage de Juno Beach, et Marie, canadienne francophone son amoureuse, enceinte de lui sans qu’il le sache. Le temps passe, Marie espère, mais les chances de le revoir s’amenuisent.  John et Marie se retrouveront-ils ?

Ce troisième roman, après Les Tamalous (Ed Fortuna 2015) brosse un portrait d’une certaine morale canadienne bien-pensante qui brisa bien des rêves et des vies, sans parler du traitement des citoyens amérindiens. Le sujet de l’adoption, de la recherche de ses racines, court tout au long de ce roman qui nous tient en haleine jusqu’au bout : Ces vies cabossées parviendront-elles à surmonter leur fardeau et le poids du secret ?

pour suivre Alexandra Pasquer

#PatriciadeFigueiredo