Opéra : Lucio Silla, de Mozart, Equilbey, Cosentino (Seine Musicale, Beaune)

[Singulars y était] 22 juin, Festival Mozart Maximum à La Seine Musicale
Distribution : Laurence Equilbey, direction, Rita Cosentino, mise en espace, -, Insula orchestra, le jeune chœur de paris. Franco Fagioli, Cecilio, Olga Pudova, Giunnia, Alessandro Liberatore, Lucio Silla, Chiara Skerath, Lucio Cinna, Ilse Eerens, Celia
Prochaines dates :
24 juin, Seine Musicale, 9 juillet Festival opéra baroque de Beaune

Ecrasé par les chefs d’œuvre de la maturité, Lucio Silla, écrit par un Mozart âgé 15 ans est peu joué et peu enregistré. Et pour cause, pour en libérer les couleurs et la virtuosité, il faut une distribution d’exception et un chef qui débarrasse cet opéra seria de toute pesanteur et lui donne sang, sens et son. C’est que réussit Laurence Equilbey à la tête de l’Insula Orchestra, en reprenant sa création de 2016 à la Philharmonie hélas pour deux représentations, le 24 à La Seine Musicale et le 9 juillet à Beaune.

Sous Wolfgang pointe déjà Mozart

Dès l’Ouverture où jaillit l’appétence symphonique du jeune Wolfgang, Laurence Equilbey nous saisit par l’oreille. D’une baguette agile, la cheffe a de la vigueur et du rythme, tenant d’une main ferme, Insula orchestra, piaffant d’énergie pour cette stimulante première. Tous sont bien décidé à relever le défi à balayer les stéréotypes qui collent à cet opéra de jeunesse – écrit en trois mois par un Mozart âgé de 15 ans. D’emblée, Equilbey  en révèle la force dramatique confiée à l’orchestre et la virtuosité vocale. Longtemps inconnu, recrée en 1961, c’est surtout en 1981 qu’une équipe de visionnaires (Harnoncourt – Ponnelle) le sort de sa gangue maniériste de l’opéra séria et d’a-prioris de « jeunesse ». Le spectacle crée en 2016 s’inscrit dans cette lignée et mérite largement sa reprise. Equilbey et Rita Cosentino (pour la mise en espace) sont convaincues qu’il faut décaper et faire briller toutes les facettes de cette pépite d’un génie certes en devenir, mais qui maitrise drôlement bien son art tout en essayant de bousculer un genre trop normé.

Une voltige vocale portée par une distribution de haut vol

Sur le canevas solide et conventionnel de la clémence, l’un des sujets de prédilection du maitre du drame seria, Métastase (1698 – 1782) appelé à la rescousse pour sauver la faiblesse du livret initial. Il rebondit et exaspère l’ argument emprunté à l’histoire romaine : un dictateur pardonne celui qui a tenté de l’assassiner, renonce à la femme qu’il aime et à son trône… Sur commande, le jeune Mozart y pose une musique virtuose et exige de ses héros de multiples numéros de haute voltige aérienne.

La distribution de haut vol homogène – indispensable pour sortir l’œuvre de l’ornière – réussit à nous emballer malgré le déséquilibre des actes dans cet écheveau de devoirs et de passion : Franco Fagioli, Olga Pudova, Alessandra Liberatore, Chiara Skerath et Lise Eerens. Chacun aiguillonné par des vocalises pyrotechniques exigés. Chacun apporte sa tessiture et sa maitrise dramatique pour éclairer les affres de leur rôle.

Une mise en espace éclairante

La mise en espace de Rita Cosentino sert d’écrin efficace à Franco Fagioli, Olga Pudova, Alessandra Liberatore, Chiara Skerath Theater an der Wien Photo © Marie Guilloux Squaw Films

La pertinence de la mise en espace conçue Rita Cosentino appuyée simplement par cinq structures métalliques – tantôt tableaux noirs pour des slogans, miroirs ou affiches tantôt portes de prison ou caches permet aux protagonistes de mouvoir ou positionner en fonction des conflits ou des rebondissements. Et d’insuffler une dynamique faisant oublier la pesanteur des codes dramatiques. Le dispositif réussit aussi à gommer les passages plus relâchés de deux derniers actes pour mettre en valeur les multiples concentrations tragiques que réussit à ciseler Laurence Equilbey à travers son orchestre, le Jeune chœur de Paris aux interventions hélas trop rares et ses complices.
Balayons les faiblesses de cette oeuvre charnière pour une réhabilitation justifiée dont on ne peut que regretter le faible nombre de représentations. L’enregistrement annoncé chez Warner pour mars 22 comblera cette indécence compte tenu des moyens et des talents mobilisés et ajoutera une référence à une discographie trop étroite.

 

#Olivier Olgan

Les jolies soirées du Festival international d’opéra baroque et romantique de Beaune

Avant le feu d’artifices de sa 40é édition, Anne Blanchard , directrice du Festival reste quoi qu’il en coute fidèle à sa vocation de découvreur de personnalités musicales, en récital ou dans les distributions des 7 opéras et oratorios, 4 récitals dans la magnifique de la Cour (quand le temps le permet) sinon la Basilique Sainte Anne. Et à son implication citoyenne : avec le buffet-dégustation d’avant-concert dans les caves historiques des Hospices de Beaune, les recettes ont pour objet d’aider au financement des productions des jeunes talents, pour assurer la relève d’un courant d’interprétatif dont les pères fondateurs restent les piliers de ce festival unique en France.

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