Culture

Le carnet de lecture de Christel Kern, compositrice et chanteuse, Mau d’âmour

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 30 janvier 2025

Même si l’une est une fille de l’Est et l’autre du Nord, tout rapproche Christel Kern de Maurane : les deux chanteuses ont une passion du texte, elles ont aussi la voix chaude pour sculpter en profondeur les mots et les émotions. Ces correspondances intimes quasi charnelles frappent et fixent au bout de quelques notes l’auditeur dans cet « Hommage à Maurane (1960-20018), Mau d’âmour », dans l’intimité de la petite salle de l’Essaïon (jusqu’au 8 février 2025). C’est d’autant plus émouvant pour Olivier Olgan que le trio féminin ne cherche pas à imiter, seulement à faire aimer pour une vérité qui se prolonge bien longtemps.

Mau d’âmour, Hommage à Maurane, de et par Christel Kern (Essaïon) photo Côté Artistik UNE cadrée

Comment l’oublier ?

Découverte en 1986, avec son premier single, Danser, mais surtout dans la troupe de Starmania , une douzaine d’albums (de Toi du monde à Fais-moi une fleur, en passant par Quand l’humain danse ) aux mélodies captivantes (Toutes les mamas, Sur un prélude de Bach, Tout pour un seul homme et Tu es mon autre (en duo avec Lara Fabian) impose Maurane comme une voix qui compte.

Hasard ou nécessité

Christel Kern croise il y a une dizaine d’années le chemin de Richard Cross. Il est également le « docteur de l’âme » de la chanteuse Maurane. Au-delà des coïncidences : même professeur, même studio d’enregistrement, mêmes blessures, mêmes MAUx et l’amour, une affinité élective les rapproche, cette « quête inaccessible » comme le vivait et chantait si douloureusement Brel, artiste préféré des deux chanteuses.

Christel Kern, Laura Strubel et Caroline Stenger, « Mau d’âmour, hommage à Maurane« , L’Essaïon, photo Côté Artistik

Un hommage irradiant

Ce qu’insuffle Christel Kern à « Mau » bouleverse et illumine à la fois, grâce à cette voix chaude et profonde qui ne cherche pas à imiter, mais creuser chaque mot et note pour en précipiter au sens chimique du terme, l’émotion. Elle est palpable à travers chaque chanson.

Près d’une vingtaine finement agencées sont au programme, les plus mythiques de la chanteuse du Nord (Les uns contre les autres, … ) mais aussi de jolis bijoux qui  méritent la découverte et prennent ici une véritable stature poétique : de Le diable dans la bouteille à Qu’est-ce qui te fait peur ? en passant par Cent les sangs, … Du miel pour les oreilles!

La carte du féminin

Christel Kern, Laura Strubel et Caroline Stenger, « Mau d âmour, hommage à Maurane« , L’Essaïon, photo Côté Artistik

Le choix du trio féminin est apparu naturellement dès le début du projet. Je voulais y transmettre des valeurs fortes en mettant nos univers et notre sensibilité musicale au service de ce répertoire méritant la plus haute distinction. (…)
Il est une certitude, c’est que jamais je n’ai été aussi convaincue d’être utile en interprétant un répertoire, telle une messagère d’espoir pour vivre et faire vivre le meilleur…
Christelle Kern, Note d’intention

Kern et ses deux complices accompagnée de Laura Strubel au piano, et de Caroline Stenger au violon projettent ce que fait le charme et la marque – au sens incisif du terme – de celle qui fusionne rythmes jazzy et textes lyriques. La voix sert de guide aux mots pour toucher le cœur, les lumières de Loïc Marafini qui magnifie la petite salle de l’Essaïon (jusqu’au 8 février 2025). font le reste pour cette parenthèse enchantée où les mots et les textes portent loin et profond.

Maurane est en majesté pour un hommage épanoui et fertile.

Bonne nouvelle, « Mau d’âmour » est aussi le 4e album de Christel Kern, et marque les 5 ans du décès de Maurane.
Aucun hasard dans ce destin croisé et mêlé pour le meilleur.

Olivier Olgan

Le carnet de lecture de Christel Kern

Musique

Christel Kern, compositrice et chanteuse, Mau d’âmour photo Côté Artistik

J’ai été bercée par le chant d’église et la variété allemande dans mon village en Lorraine où nous parlions le francique (le platt lorrain) et non le français.
J’ai appris l’orgue d’église, double clavier pédalier, alors que je préfère l’accordéon (rires). 
Puis j’ai découvert la chanson française par Michel Sardou dont mon papa défunt était admiratif.

Au développement de ma voix particulière, grave, je me suis intéressée à Patricia Kass qui est de ma région, Edith Piaf et Maurane.

Des voix puissantes et profondes, écorchées et sensibles, qui révèlent des blessures et des fractures que je connais parfaitement. Mais j’aime la chanson française en général pour ses textes et son réalisme.

En pianiste, j’aime Einaudi pour la douceur et la subtilité de ces mélodies qui me font du bien.

Mon lieu préféré sont les ICP STUDIOS à Bruxelles, dont Maurane était la marraine, elle habitait à quelques mètres. C’est le plus prestigieux studio d’Europe, fascinant, bluffant. J’ai pu y enregistrer mon album hommage à Maurane Mau d’âmour avec les musiciens de Maurane et son ingénieur du son, mais surtout dans le même micro que la défunte chanteuse, une pièce rare, un Neuman M49 à lampes, ce qui donne une chaleur enveloppante à la voix et pour les voix comme les nôtres, c’est un écrin sur mesure, un bijou de technicité.

Lecture

Ayant fait des études en Lettres Modernes puis en Études théâtrales à Paris 8 (Master), je suis très sensible à toutes les formes d’esthétiques théâtrales ; Racine pour ses personnages puissants (je rêve d’interpréter Bérénice), j’adore les alexandrins.

Karl Valentin pour son humour décalé, Antonin Artaud car j’adore le fond du théâtre absurde enfoui de messages forts et humanistes.

Raymond Devos pour son sens aiguisé du verbe et des mots, avec humour et de l’autodérision.

Tous les livres dont la thématique est le chant, ma passion ultime, mon expertise de chaque instant, ma vie. Je pense avoir lu tous les livres autour du chant sous toutes ses formes, ses techniques, ses méthodes.

Mon préféré serait peut-être « Les voies du chant » de Jean-Pierre Blivet avec une préface de l’immense chanteuse lyrique Nathalie Dessay que j’admire, ou Pepapipopu de Richard Cross, qui selon moi, est la meilleure pédagogie vocale que j’ai pu exercer. Il est d’ailleurs le parrain de notre spectacle puisqu’il était le professeur de chant et ami de Maurane.

Mon metteur en scène fétiche est Armand Gatti, avec qui j’ai pu travailler plus jeune, pour son humanité et son engagement auprès des jeunes en insertion et leur redonner goût à la vie par l’enseignement du théâtre.

Et aujourd’hui, je pense à Françoise Valance, ma professeure de Théâtre au lycée Chopin à Nancy où j’ai été major de promo lors de mon Baccalauréat Théâtre. Elle nous a quitté hier et je fais tout cela pour elle, pour lui dire merci de m’avoir fait exister grâce au théâtre, de m’avoir ouvert la voie…

Coup de cœur littéraire

Du domaine des Murmures, de Carole Martinez, l’idée de la femme insoumise.

Personnalité préférée

Nelson Mandela, pour son courage et son combat, je pars d’ailleurs en Afrique du Sud en mars sur ses traces.

Film préféré

« Le cercle des poètes disparus » et son « Carpe diem », devenu ma devise, c’est la première fois que j’ai pleuré au cinéma.

Art Contemporain

Énorme coup de cœur pour l’exposition MISS.TIC que j’ai pu apprécier à Avignon en juillet. Un hymne à la FEMME LIBRE et ses phrases chocs et chargées de vérité. Assumer de dire tout haut ce que nombreux pensent tout bas.

Animaux

Les chats, j’aime leur indépendance, leur sens de l’humain, leur intelligence, ils sont malins, on habite chez eux ! (Rires).

Divers

L’œnologie, je suis une épicurienne grande amatrice de vins et de bonnes tables. J’ai une formation en sommellerie.

Propos receuillés par Olivier Olgan le 10 janvier 2025

Pour suivre Christel Kern

Agenda

  • Jusqu’au 08 février 2025, Théatre de l’Essaïon, 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris – Les jeudis, vendredis, samedis à 21H.

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