Culture

Le carnet de lecture de Guillaume Nédellec, photographe

Auteur : Anne-Sophie Barreau
Article publié le 7 septembre 2024

(Artiste inspirant) « Je ne suis pas né étranger, je le suis devenu » : Guillaume Nédellec mettait lors de son interview à Anne-Sophie Barreau sur la voie d’un inconditionnel d’Albert Camus, mais aussi d’une cinéphilie active, ce que confirme son prolifique carnet de lecture, où l’on découvre aussi un amoureux de Vermeer, des modèles nommés Alec Soth et Richard Avedon, une foisonnante playlist, et un ouvrage, Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke, érigé en livre de chevet : « Apprendre à regarder en soi, se concentrer sur ses nécessités, ses urgences, trouver des réponses par soi-même sans chercher la validation du monde, tout cela est très inspirant » dit le photographe. Quelle plus belle invitation ? 

Sailor et Lula, de David Lynch

J’ai vu ce film adolescent, sur une chaîne qui n’existe plus, la cinq. Je ne connaissais pas David Lynch et je découvrais Nicolas Cage qui, pour moi, crevait l’écran. Ce film m’a marqué par l’urgence qu’il portait en lui, celle de l’amour, de la fuite, de la route, de la vie. J’ai compris plus tard que c’était sans doute la première fois que je regardais un film d’auteur. Ça m’a marqué, je me rappelle m’être dit à l’époque « je veux voir plus de films comme celui-là ». 

In the mood for love, de Wong Kar-Wai

Tout est sublime dans ce film, la photographie, la musique, les personnages, l’histoire. Je l’ai découvert assez tard mais depuis il vient me hanter régulièrement, ce qui est, je crois, le propre des grandes œuvres.

Carnets de voyage, de Walter Salles

Moi qui ai vécu en Amérique latine, la figure du Che Guevara est centrale dans l’histoire récente du continent. Dans l’ensemble, on connait son implication dans la révolution cubaine et son engagement politique. Walter Salles dresse ici le portrait du jeune Ernesto qui à travers son voyage en Amérique du sud va se forger une conscience et des convictions politiques, au gré de ses rencontres. C’est une histoire initiatique, touchante, drôle et profondément humaine. Les paysages et la musique sont envoûtants.

Perfect days, de Wim Wenders

C’est mon film du moment parce que je reviens du Japon. Je l’ai vu à sa sortie et dans l’avion du retour. J’y ai croisé sur place certains lieux. J’aime ce film pour son aspect contemplatif autour de la figure de son personnage central Hirayama. C’est une ode à l’amour des choses simples de l’existence, à l’amour et au respect de soi, dans un décor très inspirant : Tokyo. Je trouve qu’il y a quelque chose de très spirituel dans ce film.

L’étranger, d’Albert Camus

Ce livre est central dans ma vie, depuis ma première lecture adolescent qui m’a bouleversé, au travail photographique que je réalise depuis 2020 qui s’en inspire. C’est sans aucun doute le livre que j’ai le plus lu, pour renouveler ma compréhension de cette œuvre. Il y a de nombreux niveaux de lecture dans ce roman. Mais je crois qu’il s’agit là aussi d’un roman initiatique, où la mort certaine de Meursault le met face à une compréhension plus grande de la vie et transcende son absurdité.

Lettres à un jeune poète, de Rainer Maria Rilke

Je l’ai découvert assez tard. C’est devenu mon livre de chevet depuis quelques années. Sa lecture et relecture me permettent d’ouvrir une compréhension plus vaste de cette œuvre assez courte mais d’une densité folle. Apprendre à regarder en soi, se concentrer sur ses nécessités, ses urgences, trouver des réponses par soi-même sans chercher la validation du monde, tout cela est très inspirant.

Sleeping by the Mississippi, d’Alec Soth

Je considère ce travail comme une œuvre majeure de la photographie contemporaine, de laquelle je me sens proche en tant que photographe dans la façon d’allier une errance, une solitude et des rencontres autour d’un territoire autant géographique que mental.  

In the American West, de Richard Avedon

Il est pour moi un portraitiste à part, génial. Dans cet ouvrage, il y photographie des gens ordinaires à sa façon, sur fond blanc et sans ombre, pour que seule puisse transparaitre l’autre dans toute sa singularité. C’est un travail que je trouve profondément humain et touchant.

Johannes Vermeer

Je me souviens de l’exposition de Vermeer au Louvre il y a quelques années. À l’époque, je ne vivais plus à Paris mais je tenais absolument à y aller. J’ai été surpris par les petits formats exposés, je m’attendais à voir de plus grands tableaux. Cela créait une intimité immédiate avec chaque peinture, où l’on pouvait l’avoir pour soi, le temps d’un instant suspendu, c’était sublime. Avoir l’exemplaire original de La laitière et de La liseuse sous les yeux fut très émouvant.

Mon travail Seulle étoile, l’élan d’une vocation comporte un clin d’œil à cette même liseuse et au travail de Vermeer sur la lumière et l’intimité.

Et pour finir ma playlist!

Hector Lavoe – la fama

Guru – Looking through the darkness

Radiohead – Lotus flower

Archive – Again 

U2 – Acrobat

Talvin Singh – Light

DJ Shadow – Fixed Income

Nas – Heaven

The Blaze – Territory

Black Star – Respiration

Propos recueillis par Anne-Sophie Barreau le 6 septembre 2024

Pour suivre Guillaume Nédellec

le site de Guillaume Nédellec
dont les séries :
« L’étranger », fiction photographique et littéraire au long cours débuté en 2020,
« Seulle étoile, l’élan d’une vocation », série consacrée aux sœurs hospitalières de Beaune, pérennisé en 2023 par un livre aux éditons Imogène,
« Heroes », travail initié cet été à Arles avec des demandeurs d’asile…

Guillaume Nédellec, L’Etranger, extrait de la série. Photo copyright Guillaume Nédellec

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