Culture

Le carnet de lecture de Patricia de Figueiredo, romancière : Le Touze, Rault, Bonnefoy, Poignet

Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 2 janvier 2023

Pour bien commencer une année de lectures, Patricia de Figueiredo propose une sélection de trois romans, haut en couleurs et de vies exaltées : Moi en plus beau, de Guillaume Le Touze, Monsieur Sénégal, d’Antoine Rault,  L’Inventeur, de Miguel Bonnefoy. L’autrice de Vous n’aurez pas mes cendres, rencontre conflictuelle entre Chateaubriand et Émile de Girardin salue la réédition de Chateaubriand, fervent des femmes, essai éclairant de Pascal-Henri Poiget.

Chateaubriand, fervent des femmes, de Pascal-Henri Poignet

Les présences féminines dans les Mémoire d’Outre-Tombe, AlterPublishing, 2013, rééditée en 2022, 252p, 24,25€

On savait Chateaubriand, séducteur et homme à femmes. Les noms de ses conquêtes sont légions : Outre Juliette Récamier, il y a eu Pauline de Beaumont, Delphine de Custine, Nathalie de Noailles, Hortense Allart… Pourtant dans le roman de sa vie, les Mémoires d’outre-tombe, le séducteur se fait discret, plutôt avare de confidences, constate Pascal-Henri Poiget dans une « visite du musée féminin du Vicomte » qui n’hésite pas à écrire que «  les M.O.T sont un monde féminin. (…) les éléments féminins transparaissent de manière imprévue, que ce soit dans le jeu des métaphores, le style des Mémoires ou l’essence même du texte qui n’aurait jamais pu voir le jour sans l’existence de certaines femmes, Madame Récamier ou Pauline de Beaumont notamment ».

L’auteur d’un Debussy musicien des poètes (AlterPublishing) décortique les figures féminines de son entourage familial, puis de ses « amours – ou du moins ce qu’il a laissé apparaitre sous cette étiquette ».

Très bien documentée, cette étude nous plonge dans les méandres d’un Chateaubriand intime et touchant. « C’était tout simplement, à l’origine, un mémoire de thèse, mon professeur, Bernard Masson, étant un féru de Chateaubriand. Je me suis ensuite passionné pour cet écrivain et homme politique hors du commun, ai complété cet essai et, sur les conseils de Jean d’Ormesson, ai décidé de le faire éditer » explique l’auteur qui nous permet une plongée dans la vie de cet homme, écrivain, journaliste et homme politique qui aura marqué son époque d’un sceau personnel indélébile.

Moi en plus beau, de Guillaume Le Touze

Actes Sud, 174p, 19€

On lui doit en autre, Comme ton père, superbe roman sorti en 1994 qui reçut le Prix Renaudot. Son dernier titre : Moi en plus beau est de la même veine : écriture stylée, émotion et relation familiale au rendez-vous. Xavier est archéologue ferroviaire, il tente de reconstituer les traces de ces voies qui accompagnaient des vies passées en dressant des cartes topographiques. Son frère Benoit n’est jamais loin, celui-ci est autiste. Une femme, Clara arrive dans la vie de Xavier, qui influe dans le cours de leur existence et remet leur histoire dans leur vie.

Par petites pointes, par petites touches, Guillaume Le Touze dessine le portrait de deux hommes inséparables et très attachés au souvenir de leur mère décédée. Roman sur la fraternité au premier sens du terme, le lecteur est emporté sur ces rails qui finissent toujours quelque part.

Monsieur Sénégal, d’Antoine Rault

édition Plon, 432p, 19,90 €

Amadou Lo, jeune Guinéen a fait la grande guerre. Blessé, soigné par le docteur Robert Desvaux, démobilisé, le docteur le prend pour qu’il devienne son chauffeur dans la campagne franc-comtoise. Amadou pourra-t-il se faire accepter de la famille, des villageois, des notables ?

Et pourquoi Robert refuse-t-il de laisser partir Amadou dans son pays ?  » Il pensa que sa place n’était pas là-bas. Et que sa place n’était plus ici « . Cette phrase dépeint toute la complexité du déracinement et de la difficile intégration. Antoine Rault s’empare d’un thème assez peu traité, les tirailleurs sénégalais, terme qui englobait les Africains des colonies quelle que soit leur nationalité.

Entre racisme ordinaire, ignorance et bienveillance, l’auteur dresse toute une galerie de portraits dans la province française de cette période charnière juste après la guerre. Le sort des tirailleurs mais aussi celui des femmes qui cherchent une émancipation est évoqué. Le roman est également parsemé de publicités ou extraits de journaux qui nous replongent dans la mentalité de l’époque. Un roman utile.

L’Inventeur, de Miguel Bonnefoy

Payot Rivages, 200 p, 19,90 €.

Après Le Voyage d’Octavio, Sucre noir, Héritage, Miguel Bonnefoy met sur le devant des projecteurs, au sens propre et figuré l’ingénieur Augustin Bernard Mouchot (1825-1912) pionnier de l’énergie solaire. Totalement oublié par l’Histoire, le professeur de mathématiques fut l’inventeur d’une nouvelle science, l’Heliodynamisme le qualifiant de « Prométhée moderne ». Son four solaire séduit jusqu’à Napoléon III et est exposée à l’Exposition universelle de 1878. Si son réflecteur Mouchot devient célèbre, l’avènement du charbon à moindre coût renverse les choses, les investisseurs s’en détournent et jettent le visionnaire dans la misère.

Lire ce roman à l’aune de la crise des économies fossiles et de la recherche d’énergies renouvelables permet de légitimement s’interroger sur ce qu’aurait été l’économie mondiale si les découvertes de Mouchot avaient été mise en œuvre.
L’inventeur a été couronné par le Prix Patrimoines 2022 de Louvre Banque privée.

#Patricia de Figueiredo

Pour suivre Patricia de Figueiredo

Lire tous ses articles en tant que contributrice de Singular’s : Curieuse en bonne verseau de ce qu’elle ne connaît pas encore, convaincue comme Jean d’Ormesson que « Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu ». Cette autrice de plusieurs romans aime rencontrer des chefs, des vignerons, revenir à ses premières amours du théâtre et bien sûr faire partager ses découvertes littéraires. Dans une autre vie, Patricia fut également rédactrice en chef du magazine Culture Papier et rédactrice pour Le Journal du Parlement. 

sur son roman Vous n’aurez pas mes cendres ! (Safran)

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