Culture
Chants électriques, de Ramon Pipin, le 7e album d’un compositeur aux 100 vies
Auteur : Calisto Dobson
Article publié en décembre 2024 revu mars 2025
[And so rock ?] Maître queux dans les cuisines des groupes Au Bonheur des Dames, puis Odeurs jusqu’aux plus récents Les Excellents, Ramon Pipin n’a eu de cesse de poursuivre une carrière de compositeur étoffée de mille projets. Avec « Chants électriques » il nous défouraille son 7e album solo et nous rappelle qu’il est un musicien aux multi-casquettes qui gagne pour Calisto Dobson à une plus large reconnaissance. De cet album, Ramon Pipin Band fait un tour d’honneur avec « Odeurs électriques » les 4 & 5 avril au Café de la Danse.

Ramon pipin, auteur compositeur, champion de l’autodérision Dessin DR
« Frank Zappa français«
Serait-ce sa bonhomie réfractaire à l’idolâtrie ou bien son éternelle admiration juvénile pour ceux qu’ils jugent être ses modèles (des incontournables Beatles à Andy Partridge et Xtc jusqu’au groupe vénéré Procol Harum), que Ramon Pipin ne bénéficie pas de l’aura qu’il mériterait en tant qu’auteur-compositeur. Qualifié de « Frank Zappa français« , s’il partage un humour iconoclaste et volontiers potache avec le fondateur des Mothers of Invention, il s’en démarque en n’adhérant à aucun intellectualisme.
Musicalement la méticulosité qu’il apporte à l’élaboration de chacun de ses morceaux, fait qu’il considère qu’une chanson pop ne doit jamais ennuyer et toujours surprendre de par sa construction.
Harmonie et contrepoint animés par l’esprit du contre pied.
Ce serait faire injure à son éclectisme et son savoir faire que de ne pas rappeler combien sa carrière comporte d’embardées et de ricochets.
Auteur-orchestre, Ramon Pipin a non seulement œuvré pour Renaud, Marche à l’ombre, Le Retour de Gérard Lambert et Morgane de toi, c’est lui. Il posa sa marque en imposant le tempo blues rock de Mon H.L.M.
Mais il est également un compositeur de nombreuses musiques de film (Circulez y’a rien à voir de Patrice Leconte, Bernie, Le Créateur, Enfermés dehors d’Albert Dupontel, Coluche l’histoire d’un mec d’Antoine De Caunes pour n’en citer qu’une petite partie), ce qui est beaucoup moins connu.
Il toujours bon de rappeler que ‘Quart de Twist’ d’Au Bonheur des Dames est l’un des meilleurs albums de rock français de tous les temps, une bonne grosse réécoute de au hasard Ego Dames ne saurait faire mentir cette assertion.
Que les diableries du groupe Odeurs font encore faire la grise mine à un grand nombre d’apprentis tourmenteurs de la pop.
Sans compter bien sûr le travail de Ramon Pipin sous son nom, Alain Ranval.
Son septième album solo le 20 décembre
Chants électriques nous offre en 13 vignettes une petite descente à l’échelle de corde dans l’œil d’une époque qui autorise une nostalgie affranchie de toute naphtaline. Après la table rase de l’année dernière avec son Best Oeuf bourré à craquer de cailloux dans les chaussures de la chose pop, notre loustic goguenard fonce au travers du temps présent équipé de guitares acérées.
La quintessence de son irrésistible pied de nez à ce qui de près ou de loin tend à se prendre au sérieux y règne en maître.
Le ton résolument rock de l’album
C’est du brutal diraient certains ‘Tontons’ laisse poindre une envie d’en découdre avec l’air ambiant. Générée par la bienséance de pacotille que les tendances cherchent à imposer. Comme si la crudité du monde ne saurait être appréhendée de front. Sans discours lénifiant les titres s’enchaînent, se gardant bien d’emprunter le costume pontifiant de la gravité.
Et si parfois s’y draine un soupçon de mélancolie doucereuse, ce n’est que pour y opposer autodérision, ironie et malice de galopin.
De Daisy Belle, réjouissant portrait énamouré d’un genre de walkyrie chanteuse de métal au physique sorti de l‘imagination d’un Robert Crumb. Armé d’un riff au marteau pilon que n’aurait pas renié King Crimson.
Ou Obsolète toutes guitares dehors qui fleurent bon les années 70, constat d’un temps révolu, un passé tout aussi moqueur d’une époque qui n’a rien à envier à celle d’aujourd’hui, tout en étant aussi à sa façon complètement navrante. Illustrée par une litanie de références enrobées d’ironie matoise. Surlignant l’obsolescence programmée de l’âge avancé et une libido en berne, “il est zobsolète “ ravissent les chœurs.

Séances d’ambiances de la production de Chants électriques, 7e disque de Ramon Pipin,
Dansons le Novitchok parodie prog rock du Casatchok de Ivan Rebroff, dénonce sur le ton d’une carmagnole les ingérences meurtrières russes, une façon de pointer du doigt l’air de ne pas y toucher une géopolitique autocrate.
Sur un lâché de synthés Dans la ville où que je vis trempe une plume faussement ingénue dans la complainte d’un gars qu’a l’air bien de chez nous, il détaille la désertification de son environnement en faisant mine de le déplorer. Ce qui s’avère un leurre, il s’agit en réalité d’un migrant qui se trouve très bien ici. Bras d’honneur en forme de clin d’œil à tous ceux qui désertent justement.
Le déchaînement suivant, un genre d’ode métal à la psychiatre et ses traitements avenants, le bien nommé Je suis très content, nous rappelle que la bienveillance chimique muselle et peut faire taire tout ce qui pourrait déplaire.
Citons le touchant Dans le tiroir du bas évocation pudique d’un amour avorté. Ou encore La peur et sa formule laconique “c’est quand t’as les résultats de ton scanner”.
Jusqu’au très bon Ce que je pense attaque en règle de l’insupportable besoin de donner son avis à tort et à travers des réseaux sociaux sur tout et n’importe quoi. Comme disent les chœurs “ce que tu penses en l’occurrence, on s’en balance, tu peux te le mettre ou je pense.”
Ou encore Les comédies pas drôles cette affaire si franco franchouillarde qui embouteillent les salles et embêtissent les crânes.

Séances d’ambiances de la production de Chants électriques, 7e disque de Ramon Pipin,
Une production au cordeau de 45 mn qui brille par la clarté de son mixage.
Les guitares dont celle de l’excellent Brice Delage percutent nos tympans de leur dynamique. Les voix féminines en guise de charpente ne se contentent pas de faire office de frise et apportent un soutien savoureux aux propos tenus. Parfois acidulées, parfois à la façon d’un chœur antique ou même presque gospel.
Au final un album de son temps au savoir-faire d’un autre temps qui refusait l’approximation, que pourrait évoquer la formule définitive des Wampas : “ce n’est pas moi qui suis vieux, c’est votre musique qui est de la merde.”

Si on peut peut-être aller plus loin

Odeurs électriques, concert au Café de la Danse illustration Valérie Pinaud
les 4 & 5 avril, au Café de la Danse, 5 passage Louis-Philippe 75011 Paris
Oyez oyez bonnes gens et mauvaises personnes, le Ramon Pipin Band dégoupillera en chair et en os Chants électriques, son 7e album sorti le 20 décembre dernier. Pour faire bonne mesure la camisole de force sautera avec une bonne peignée de titres tirés du répertoire d’Odeurs ce grand groupe rien qu’à nous. Piaffez d’impatience d’entendre et de voir devant vos yeux esbaudis la sortie d’Astrid de sa chambre froide, la mise en rayon de La Viande de Porc et d’autres sucreries bien senties.
Entouré de Brice Delage, guitariste hors pair, de Jérôme Setian et des habitués du cercle des fidèles, ayez hâte que Ramon Pipin, auto-proclamé Nostradamus du Rock tourmente nos tympans engourdis.
le site de Ramon Pipin
Pour suivre Les Excellents : leur chaine youtube
Dans les tuyaux, après s’ourdirait un projet de rejouer le deuxième album d’Odeurs chef d’œuvre d’outrances inconvenantes 1980 : No Sex !
À bon ausculteur…
- Amaury Blanchard (mini dms & perc)
- Simone Grégoire (uku, kbds, perc & vocals)
- Eric Massot (uku, vocals & comédien)
- Adrien Périer (uku bss, kbds & vocals)
- Ramon Pipin (uku & vocals)
- Jérôme Sétian ( uku, vocals & comédien)
Quatuor Impétigo, sous la direction d’Anne Gravoin
Direction musicale Bertrand Auger
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