Vins & spirits

La Soif d’ailleurs de Mathieu Wehrung : le caviste des vins qui appellent au voyage

Auteur : Pierre D’ornano
Article publié le 9 février 2018 – Mis à jour le 22 mai 2018

Depuis juin 2014, au fin fond du Marais parisien se nichent chez un caviste, Soif d’ailleurs, des vins de parcelles vinicoles du monde entier. Mathieu Wehrung et son sommelier Nicolas Fouilleroux traquent et rassemblent avec persévérance des vins venus d’ailleurs, quasi-introuvables par leur diversité, dont la seule évocation est en soi un voyage, avant leur découverte par les sens. Dernières révélations ; Le Foglia Tonda* de Guido Gualandi, Le Miolo, Le Hans Herzog Family Estate, Cuvée Vieille vigne Dão, d’António Madeira, Le Pinot noir de Frank John, blanc sec pinela du domaine Guerila.

La création de Soif d’Ailleurs c’est d’abord une carrière à l’étranger dans la finance d’entreprise d’un Alsacien amateur de vins. Et une reconversion forcée conduite avec passion qui fonde pour partie sa réussite sur une circonstance.

Quand la loi de Murphy métamorphose un amateur éclairé en un professionnel

Qu’est-ce qui a amené Mathieu Wehrung, alsacien « né dans le riesling », comme il se définit, à souhaiter faire connaître en France des vins venus d’ailleurs ? En 2012 Mathieu Wehrung (diplômé de l’ESCP) « quitte » son poste de directeur de la trésorerie d’Europcar, suite à une reprise de la société par un fonds d’investissement… « Je cherchais une idée qui m’est venue un jour de 2012 alors que je rentrais de Lisbonne où nous avons un petit appartement. Pour une fois j’y allais avec une compagnie aérienne qui permettait des bagages. J’y suis allé avec une valise vide et en suis revenu avec une valise pleine d’un nombre exagéré de bouteilles de vins. J’ai tout retrouvé cassé, sauf deux, la moins chère et une bouchonnée, la loi de Murphy s’appliquant là au transport du vin. » Soif d’ailleurs naquit ainsi d’une impérieuse nécessité professionnelle et d’une frustration qui révéla à Mathieu Wehrung, fasciné par la diversité de ce monde, un regret, profond, que les merveilles qui existent à l’étranger et qu’il avait notamment découvert pour la 1ère fois en 1979 en Australie, puis en Espagne, ne soient pas disponibles en France.

Mathieu Wehrung, fondateur de Soif d’ailleurs, un Aslacien passionné par la diversité vinicole mondiale ©Pierre d’Ornano

Pour abreuver un désir de diversité

Les vins étrangers étaient de fait, et sont toujours très peu distribués dans l’hexagone, qui plus est les flacons exceptionnels. Difficile en effet de percer chez le 2ème producteur mondial de vins, où l’offre est la plus diversifiée au monde. A part les professionnels ou les grands voyageurs désireux de devenir des « connoisseurs » ou simplement de retrouver, de retour en France, les ambiances et les sensations gustatives éveillées dans les pays visités. Pour Mathieu Wehrung « A l’époque, les sélections de vins étrangers disponibles en France étaient des vins de grandes maisons, en général mal choisis. Et plutôt des vins de supermarchés. Il existe certes, reconnait-t-il, certaines bonnes sélections. On peut prendre l’exemple des vins italiens, car il y a beaucoup de petits distributeurs en France très sérieux, dont des épiceries, mais spécialisés dans un pays voire une région. Des sélections donc minuscules. »

Plus de 600 références de vins étrangers

De fait on trouve chez Soif d’ailleurs des vins de cinquante pays, soit plus que le nombre de membres de l’OIV(1), issus de la profonde Tchéquie ou de la très lointaine île-état australienne de Tasmanie. Plus de 600 références sont à la vente, toutes minutieusement choisies et goûtées (à l’exception de quelques flacons rarissimes et très chers) par Mathieu Wehrung et Nicolas Fouilleroux, le sommelier de Soif d’ailleurs détenteur du diploma du WSET (Wine & Spirit Education Trust), et en cours de formation dans le Master of Wine. « De préférence de petits producteurs, même si on trouve également de grands domaines viticoles. En tout cas des vins qui se singularisent, par certaines particularités et toujours par leur qualité », précise le caviste. Outre que les nectars doivent entrer dans les critères de sélection de la gamme de la maison (lire ci-dessous), les compères sont à l’affût de « choses inhabituelles, qui vont étonner nos clients et nous-mêmes. Je ne vois pas l’intérêt d’importer du bout du monde quelque chose qui aurait exactement le même goût que ce que l’on trouve en France ».
(1) L’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin) regroupe 46 États Membres, producteurs de vins.

Nicolas Fouilleroux, le sommelier de Soif d’ailleurs ©Pierre d’Ornano

Les vins de vignerons privilégiés

De fait ils recherchent plutôt des vins de vignerons que des vins d’œnologues. Et parmi les quelques 60 références nouvelles entrées, hors effet millésime, en 2017 on trouve aussi bien des vins bio, naturels que des productions traditionnelles… ce qui compte chez Soif d’ailleurs étant dans la bouteille. Et lorsque le millésime n’est pas bon dans une zone, comme le 2014 en Italie, tous les vins sont regoûtés avant achat. Last but not least, la sélection est surtout orientée sur des vins à boire « ce qui reflète l’habitude de production de la plupart des régions viticoles, et de consommation à Paris, souligne Mathieu Wehrung, même si certains clients demandent des vins de garde ».

Jusqu’au vin le plus haut du monde…

Parmi les références exceptionnelles citons le « vin le plus haut du monde », l’Altura Maxima de la Bodega argentine Colomé à Salta (les vignes sont plantées à plus de 3100 mètres d’altitude). Soif d’ailleurs a réussi à se procurer 3 bouteilles de ce 100% malbec sur les 24 qui arrivent en France. On y trouve aussi un vin, unique, de la lagune de Venise, le Venissa. Il est produit sur l’île de Mazzorbon à quelques minutes en bateau de la place San Marco. Le Venissa provient d’une parcelle d’à peine 4000 pieds de dorona, plantés sur 0,8 hectare. Un cépage quasi disparu. Soif d’ailleurs dispose d’une allocation de 9 bouteilles de 50cl (sur 4000 produites par an en moyenne). Des flacons quasi introuvables. La vigne y est conduite en biodynamie et, particularité, tous les ans de l’eau salée inonde la parcelle. Chaque bouteille (vendue autour de 180 €), conçue à la main par l’artisan verrier Carlo Morreti de Murano, est numérotée. L’étiquette est une feuille d’or qui depuis la lagune vénitienne fait étinceler un coin du Marais de Paname.

Les critères de construction de la gamme des vins Soif d’ailleurs

-Représenter au mieux la diversité viticole mondiale ;

-Une sélection en fonction du meilleur rapport qualité/prix avec un prix médian fixé à 25€ par bouteille, et un tiers de la sélection qui doit se vendre à moins de 18€. La gamme aujourd’hui va de 8 à 1200€.

Le rapport qualité/prix dixit Mathieu Wehrung…

« Ce n’est pas la qualité d’un vin qui est en rapport direct avec son prix, c’est sa complexité. Préserver ou bâtir des arômes est quelque chose de très coûteux. Ainsi on aura un bon vin à 10 €, mais on n’aura pas à ce prix un vin complexe…. Dans cette tranche de tarifs  on trouve à l’étranger des rapports qualité/prix très difficiles à dénicher en France. »

Une sélection de Soif d’ailleurs

La boutique Soif d’ailleurs :
38, rue Pastourelle, 75003 Paris

Les trois vins sélectionnés et dégustés par Mathieu Wehrung :

  • Le Foglia Tonda* de Guido Gualandi, vigneron et professeur d’archéologie proche-orientale et d’histoire de la nourriture à l’Université Gonzaga de Florence. « Un vin unique, équilibré et d’une grande complexité. Un vin qui ne ressemble à aucun autre sans que jamais il n’ait des caractéristiques qui peuvent heurter. » 745 cols produits en 2013 ; Vendu 55€.
    *Cépage historique d’Italie, sauvé de l’extinction par Guido Gualandi.
  • Le Miolo, un des bestsellers de Soif d’ailleurs, vendu à 20 000 exemplaires en 3,5 ans. Un pétillant brésilien, vinifié selon la méthode traditionnelle ; cépages chardonnay et pinot noir, élevé sur lattes. « Ce n’est pas un monstre de complexité, mais ce vin est d’une qualité irréprochable. » Vendu 12 €.
  • Le Hans Herzog Family Estate, un vin de Nouvelle-Zélande produit par un couple suisse, Mme et M Herzog; cépage pinot gris.  L’exploitation compte 7 hectares dans le Marlborough, région du nord-est de l’île du Sud, pour 26 cépages. « Un pinot gris en macération, quasiment un vin orange, très sec (contrairement au pinot gris d’Alsace, qui donne des vins très opulents), avec des arômes de coing. Un vin extrêmement droit. » Vendu 40€

Les choix du sommelier Nicolas Fouilleroux:

  • La Cuvée Vieille vigne Dão, en rouge, d’António Madeira. Un vin du Portugal, produit en petite quantité à partir d’une multitude de cépages complantés dans la même parcelle dans la région montagneuse du Dão au centre du Portugal. « Un vin d’une grande élégance ». Vendu 30€
  • Le Pinot noir de Frank John, dans le Palatinat (Allemagne). « Un vin d’une grande qualité. » Vendu 49€
  • Un cru Slovène du domaine Guerila, situé dans la vallée de la rivière Vipava près de la frontière italienne. Un domaine viticole qui se spécialise dans les cépages autochtones. Le blanc sec pinela (cépage slovène) : « Un vin dans la minéralité, avec une acidité bien marquée des arômes légèrement fruités et pas de marque de sucrosité ». Vendu 14€

Partager

Articles similaires

La maison Bouvet Ladubay, des caves du Saumur Brut AOP au Centre d’art contemporain

Voir l'article

Les cinq plus beaux bars d’hôtels de prestige à Paris (selon Yonder.fr)

Voir l'article

Frédéric Berne : « avec le bio l’image du Beaujolais a radicalement changé »

Voir l'article

Le Domaine j. de Villebois hisse son niveau de RSE et d’excellence du sauvignon blanc de Loire

Voir l'article