Vins & spirits

Vino Formosa, quand Madère inspire Taïwan

Auteur : ISABELLE BACHELARD
Article publié le 7 juin 2019 à 20 h 23 min – Mis à jour le 24 juin 2019 à 12 h 31 min

Lorsque Chien-hao Chen, sommelier oenologue taïwanais, formé en France, décide de produire un vin de qualité en dépit du climat de tropical de Taïwan, il s’inspire du modèle européen de Madère et crée un vin d’exception, incomparable, le Vino Formosa. Une nouvelle médaille d’or au Vinalies Internationales vient de le récompenser à Paris.
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Photo © isabelle Bachelard

Une robe dorée aux reflets bronze, brillante, chatoyante, un nez qui explose en s’échappant du verre et embaume la pièce. Voici la première impression qui frappe lorsque l’occasion – rare – est donnée de déguster le Vino Formosa blanc. Grillé, noix, bois, fougère sèche, miel de forêt, mandarine confite, ces parfums se succèdent et séduisent, sans qu’on puisse encore deviner comment se présentera le vin en bouche. Sec? Sans doute pas. Liquoreux? Vraisemblablement. Et en effet, dans la bouche, l’impression sucrée est la première mais elle est accompagnée de tant de parfums et d’une si belle acidité qu’on se met à douter du niveau de sucre. La puissance de l’alcool chauffe légèrement la bouche et exacerbe les parfums qui s’égrènent en évoquant le rhum, les fruits exotiques et le sous-bois. Le vin se boit délicieusement seul à l’apéritif, même à midi. Mais il séduit aussi bien au milieu de l’après midi avec un macaron au caramel. La version rouge s’accorde parfaitement avec le « plaisir sucré » un gâteau signé Pierre Hermé qui combine praliné, chocolat au lait et noisette.

Les gâteaux de Pierre Hermé offrent un accord gourmand avec les rares vins de Taiwan. Photo

Les gâteaux de Pierre Hermé offrent un accord gourmand avec les rares vins de Taiwan. Photo © Isabelle Bachelard

Médaille d’or aux Vinalies

C’est ce dernier vin, le rouge Vino Formosa Rosso qui vient une fois de plus de remporter une médaille d’or au concours des oenologues de France, les Vinalies Internationales avec le commentaire : « La couleur ambré foncé attire le regard et invite à la gourmandise… Au nez, c’est une explosion de notes de cacao, noisette et amande amère. La bouche est équilibrée et développe des arômes intenses de miel, chocolat noir, d’oranges confites et de caramel. Un régal à servir sur un dessert au chocolat noir ». Il a reçu la note 84,5 dans la catégorie vins de liqueur non aromatiques, avec ses 50 g de sucre résiduel et ses 18% d’alcool. La catégorie comprenait 23 produits de 7 pays différents, dont la France. Depuis 2015, ce vin étonnant rafle les médailles. Chien-hao Chen a été invité au printemps 2019 à l’Ambassade de Taiwan à Paris pour expliquer l’histoire de son vin. Dans un français impeccable il raconte comment, né dans une famille d’hôteliers, il est venu faire ses études en Suisse avant de poursuivre en France. Il fut le premier étudiant asiatique en oenologie inscrit à l’Université de Dijon en 1997. Tous les autres étaient fils de vignerons…

Il faut cinq ans pour que le Vino Formosa se révèle et atteigne sa plénitude aromatique. Ce fut le temps nécessaire pour qu’il soit reconnu internationalement. Photo

Il faut cinq ans pour que le Vino Formosa se révèle et atteigne sa plénitude aromatique. Ce fut le temps nécessaire pour qu’il soit reconnu internationalement. Photo © Pierre d’Ornano

Madère et Taïwan, une même latitude pour des vins d’exception

A Taïwan, il y eut longtemps un monopole des alcools et lorsque le système s’est libéralisé en 2001, les investisseurs se sont précipités mais ils ont fait un peu « n’importe quoi » faute de connaissance technique. Avec le climat extrêmement chaud et humide de l’île, les cépages classiques ne peuvent pas fonctionner et les vinifications sont compliquées. Chien-hao Chen a eu l’idée de regarder un planisphère pour voir quel vignoble se trouvait à la même latitude que Taïwan. Il y avait Tahiti. Et Madère. C’est cette dernière île qu’il a pris comme modèle, avec son mutage (apport d’alcool pour arrêter la fermentation et ainsi conserver une partie du sucre des raisins dans le vin) suivi de son estufagem, système de chauffage du vin, lui-même suivi d’un vieillissement de plusieurs années. cette méthode, inventée pour reproduire le style « retour des Indes », affine la texture et complexifie les parfums des vins (lire l’article : –> Petite histoire du vin de Madère).

Son Excellence François Chih-Chung Wu, ambassadeur de Taïwan en France et Chien-hao Chen, oenologue, maître de chai, créateur du Vino Formosa. Photo

Son Excellence François Chih-Chung Wu, ambassadeur de Taïwan en France et Chien-hao Chen, oenologue, maître de chai, créateur du Vino Formosa. Photo © Pierre d’Ornano

Black Queen et Golden Muscat

Les cépages qui s’épanouissent dans les conditions extrêmes de Taïwan sont des hybrides inconnus chez nous. Il s’agit pour le rouge du Black Queen, créé par Kawakami Zembe, le père de la viticulture japonaise, en 1927, un croisement de Bailey (hybride interspécifique) et Golden Queen (vitis vinifera). Pour le blanc c’est le Golden Muscat, créé en 1915 entre le Muscat de Hambourg (vitis vinifiera) et le Diamond (hybride interspécifique), à l’Université de Cornell (Etats-Unis). Chien-hao Chen est un expert qui enseigne la sommellerie et la dégustation. C’est lui qui a conçu la 1ère salle de dégustation professionnelle de son pays en 2002, l’ « Espace aux arômes » avec Jean Lenoir (créateur de « Le Nez du Vin ») en 2010. Il fait venir les grands chefs français comme Yannick Alléno ou Christian le Squer pour orchestrer des repas de rêve. C’est ainsi que les vins du domaine Shu-Sheng de Taichung se trouvent en France, chez les Bras de Laguiole, venus partager leur savoir-faire en 2017, juste avant Anne-Sophie Pic et Gerald Passédat.

L’étiquette du Vino Formosa rouge, écrite en chinois, néerlandais, portugais et japonais, symbolise la pluralité et la richesse de l’histoire de l’île de Taïwan, aujourd’hui République de Chine, qui fut colonisée par les portugais, les néerlandais et vécut l’occupation japonaise.

L’étiquette du Vino Formosa rouge, écrite en chinois, néerlandais, portugais et japonais, symbolise la pluralité et la richesse de l’histoire de l’île de Taïwan, aujourd’hui République de Chine, qui fut colonisée par les portugais, les néerlandais et vécut l’occupation japonaise. Photo © DR

Les vins de Chien-hao Chen sont relativement chers (plus de 80€ la bouteille), mais il sont surtout difficiles à trouver du fait de leur rareté. Une compensation toutefois quand on ouvre une bouteille. Le vin est si aromatique qu’on peut l’apprécier longtemps après en avoir savouré quelques gouttes. Deux centilitres qui restent dans le verre, comme une eau de vie, continuent d’embaumer toute la journée.

Où trouver les Vino Formosa Blanc & Rosso

-Sur le site de la Winery partenaire de Chien-hao Chen (texte en chinois)
–> shu-sheug.com.tw

-En contactant par mail l’oenologue et créateur du vin :
Chien-hao Chen –> chienhao@hotmail.fr

Hôtel Maison Bras

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