10 comédies musicales pour chanter au 58e Festival Off d’Avignon

Après une première recommandation de 10 spectacles, Olivier Olgan en propose une seconde, festive, concentrée sur les comédies musicales, très présentes au milieu des 1666 spectacles du 58e Festival Off d’Avignon. Entre sosie, réincarnation, ou variation, on croise Michel Berger, Freddie Mercury, Edith Piaf, Mademoiselle Chanel et Colette, … et différentes variations de cabarets, canaille ou transformiste, sans oublier un vibrant flamenco. 

Double jeu, Berger et moi, de et par Joshua Lawrence

Ce récit musical, très personnel, hommage d’un artiste à un autre, permet de retrouver le magnifique patrimoine de chansons laissées par Michel Berger.  La surprise vient d’abord de la ressemblance vocale de Joshua Lawrence avec celle du compositeur interprète populaire de magnifiques tubes de ‘Quelques mots d’amour » à «Seras-tulà? ».

Egrenée dans la pénombre délicatement sculpté par des bougies, chaque chanson est contextualisée, nourrie de correspondances entre leur deux vies, sans prétention mettant les paroles en valeur avec émotion et simplicité.  

L’artiste qui a déjà à son actif, cinq disques personnels et un roman («Les abîmés» sorti en 2020 aux éditions Jets d’encre) ne cherche ni à imiter Berger, encore moins à se prendre pour lui. Dans son portrait hommage, où il met beaucoup de lui-même, jusqu’à l’improvisation, Joshua partage son admiration et ce qu’il lui doit à sa vocation de musicien.
Epuré, ce récital piano-voix est un spectacle intime, nouant en quelque sort de l’intérieur un dialogue imaginaire et vivant comme s’ils se trouvaient face à face. Très vite, le public irrésistiblement participe lui aussi à cet échange musical. Pour en ressortir à la fois ému, et plus heureux.
11h30, BA Théâtre, Sis 25 rue Saint-jean-Le-vIeux, Place Pie.

Je vis avec Freddie Mercury, seul-en-scène musical de Thierry Margot

A la différence de Joshua Lawrence qui chante son idole, Michel Berger. Thierry Margot est tellement admiratif et incarné de Freddie Mercury, qu’il se convainc – et réussi par son énergie à nous y faire croire – qu’il est en le sosie « officiel ». Pour échapper à sa modeste condition, il ne vit que par ou pour les chansons de Queen qui servent ici de toiles de fond à réenchanter les rêves bousculés d’un garçon en rupture de sa famille. Inutile de préciser qu’habité par son rôle, nous sommes plongés dans une autre dimension, bien au-delà du ridicule, entre rêve et second degré.  Si Thierry Margot n’a ni sa voix, ni son génie musical, il en a la silhouette et surtout l’énergie, cette capacité à tout emporter par son charisme. Et à nous toucher quand il parle de son père !

Chaque année est un album, chaque mois une chanson, chaque semaine un refrain, chaque jour : un don de Queen !

La dynamique de ce spectacle gourmand de vie et de musiques autorise et s’autorise toutes les métamorphoses, à l’image de Mercury. Une fois encore, l’icône pop fascine. Quand Thierry Margot devient Queen, totalement habité, investi d’un autre je, la mutation n’est pas seulement étonnante, elle est crédible, grâce à la puissance des lumières, la force du costume et le mimétisme du play-back

On sort de ce seul en scène musical bluffé et transporté par le talent de ce caméléon, qui par amour se pare des plumes d’un géant. Il se hisse au-delà de sa condition pour vivre et nous faire vivre une odyssée pleine d’exaltations, d’humour et d’émerveillements.  Merci au comédien de nous donner par contagion et admiration cette envie de chanter, de danser et de faire oublier la réalité. Nous sommes tous Freddy Mercury.
à 22h20, au Théâtre Les Lucioles

Cabaret Canaille, de Valentina Del Pearls

avec Calie Tee, Chanelle de Mai, Romane Chandelier, Sucre d’Orge, Vicomte Hambourg et Valentina Del Pearls

Welcome to Cabaret ! Il est temps de pousser les portes du Cabaret Burlesque et de plonger dans son succès phénomène. Depuis près de 10 ans, la troupe remet au goût du jour les charmes du ‘burlesque’, ce divertissement haut en couleurs mêlant le souffre de l’effeuillage et l’ironie mordante – derrière les plumes et les paillettes – de comédiennes sur le regard des hommes sur le corps d’une femme sur scène. Car ici l’éventuel « outrage aux mœurs » n’est pas celui qu’on croît, l’érotisme latent  de danses parfois lascives, mais davantage le regard concupiscent qui fixe une fois pour toute, la répartition des rôles et la place des femmes, réduite à jouer de leurs formes avec glamour.

A la rencontre des « pensionnaires »,  tout est d’abord question de divertissements, d’acrobaties et de second degré, et surtout d’ironie!

Pour Cabaret Canaille, son nouveau spectacle, toujours plus glamour avec ses costules et ses éclairages extravagants, la troupe de Valentina del Pearls a arrêté sa machine à voyager dans le temps dans les années 1920 à 1940, pour raconter avec fantaisie l’Âge d’Or du Burlesque américain et de ses effeuilleuses érigées au rang de star. Au fil de sacrés numéros qui joue des attributs et ressources des pensionnaires, se dessine la dynamique inépuisable d’une désobéissance féminine, face à leur rôle de mère assigné. Dans ce creuset interlope qui brasse tous les milieux, on croise les croisés de la Prohibition, les hérauts de la censure et surtout les moyens de les contourner. Surtout ce « burlesque » façonne le strip-tease élevé au rang d’art que Roland Barthes évoque avec émotion…

Vivez l’expérience de libérer le regard sur les corps, d’oublier les frontières des genres, il fait si bon d’être une canaille, loin des stéréotypes petits bourgeois. « Les gentilles filles vont au paradis, le dir la meneuse de revues, certes, mais les autres vont bien là où elles veulent… »

A 19h05, Rouge Gorge et à la rentrée La Nouvelle Seine, sur berges, face au 3 Quai de Montebello 75005 Paris

Mademoiselle Gabrielle Chanel, de Sophie Jolis, mise en scène d’Hélène Darche et Marie Simon

Avec Sophie Garmilla, Sophie Jolis, Julia Salaün, Antoine de Giuli, Guillaume Nocture et Guillaume Ménard

« Faire partie de l’Histoire » Si sa légende est largement écornée, notamment son rôle pendant l’Occupation, Gabrielle Chanel reste une icône. Sa modernité visionnaire fut fascinante ; liberté de mouvement, simplicité dans l’élégance, refaçonnée la femme pour qu’elle soit elle-même… L’originalité de ce spectacle est de croquer ce destin exceptionnel en musique, en brossant en chansons autant ses ombres et ses conquêtes (le N°5 tout dans le jus rien dans la présentation). Cinq comédiens chanteurs, survoltés incarnent une trentaine de personnages – de Stravinsky à Churchill – pour nous plonger dans l’histoire de l’Europe du XXe, de la Belle Epoque à la période Yé-yé… avec ses rivalités avec Poiré et Dior. Le résultat est tonique, instructif et engagé.

16h, Condition des Soies

Colette l’Indomptable et en chansons, de Gaël Lepingle

avec Ariane Carmin, Mia Delmae et David Koenig

A notre plus grand bonheur, Colette (1876-1954) continue d’être une figure qui fascine le public! Après son succès à Paris, « Colette L’indomptable » de Gaël Lepingle s’installe au B.A Théâtre. L’originalité du spectacle est de rendre hommage en musique à l’écrivaine et l’artiste de music-hall censurée ! Les facettes de sa vie comme les traits de sa personnalité indépendante sont croquées en chanson par Julien Joubert pour la musique et Gaël Lépingle pour les livrets; elles tanguent entre opérettes et airs jazzy, superbement interprétées par un trio de charme, Ariane Carmin, Mia Delmae et David Koenig, pour un cocktail jubilatoire et inventif! Pour en lire plus

20 h 45, BA café théâtre, 25 Rue Saint-Jean le Vieux, Avignon

https://youtu.be/xl10d0rQUV8

Tout le monde écrit des Chansons, écrit, mise en scène de Julien Joubert 

A l’instar du one man show pédagogique d’Hector Olback dans l’histoire de la peinture, Julien Joubert partage avec la même gourmandise gourmande sa passion pour la chanson. L’érudition musicale très accessible à tous sert à partir à la découverte des ressorts d’une bonne chanson. Sauf qu’à l’issu du spectacle,  vous avez composé une chanson ! , nous sommes

Le spectacle commence avec la création collective d’un texte qu’il fait immédiatement chanter au public de son piano. Mine de rien, il en profite pour capter son public qu’il entraine dans la fabrique de la chanson: de la maitrise du solfège à celles de la mélodie. Son récit est à la fois personnel et pertinent, il explore toutes les formes de compositions – de Beethoven et Mozart à la comédie musicale pour la musique, d’Apollinaire à Patrick Bruel pour les textes. Autant dire que pour glisser ses techniques, le pédagogue fait feu de tout bois, de toute note pour nous faire rire et comprendre les bases du métier.
Et c’est parti autour du Chat de Maurice Carême et Au Clair de la lune, pour chanter tous ensemble !
On apprend, on rit et on n’écoute plus la musique de la même façon. Chapeau l’artiste!
17h30, BA Théâtre

Momentos, création flamenca, chorégraphie et mise en scène de Valérie Ortiz

Avec Felipe Calvarro, Carlos Escudero, Valérie Ortiz, Paul Buttin, Jésus Carceller, Jérémy Naud et Alexis Sebileau

Que vous soyez néophytes ou connaisseurs, vous vous laisserez entrainés par Valérie Ortiz et sa troupe dans ce bouillonnement flamenca. Si la chorégraphe connait ses fondamentaux, son spectacle parfaitement rythmé entre moments de grâce en duos ou solitaires et feux brillants est un subtile assemblage de modernité et de tradition. A la fois une introspection poétique, son invitation à partager une culture sculptée par la danse et la musique est à saisir pour une immersion millimétrée. Élégance, verticalité, jeu à la fois intériorisé et sensuel.
à 19h15, Théâtre du Girasole

Piaf, Olympia 1961, de et avec Nathalie Romier, arrangements de Lèo Debono

Il fallait franchement oser pour reconstituer le concert Olympia 1961 tant il reste mythique ! parce qu’il a été entièrement filmé et largement diffusé, parce qu’il reste l’ultime renaissance scénique de Piaf avant sa mort deux ans plus tard, en 1963. parce que Piaf physiquement exsangue cédant à la demande de Bruno Coquatrix en faillite financière est l’ombre d’elle-même

Au bout de quelques minutes d’accoutumance bien légitimes, Nathalie Romier passe vite émotionnellement la rampe. Vêtue de la légendaire robe noire, elle ne cherche pas à imiter. Véritable gageure, plus forte que ces expériences numériques, sa seule présence réussit à la réincarner. Sans artifice ni trucage. Son port et sa voix encapsulent cette vibration singulière, qui fait le trouble de ce bout de femme. Le spectacle reprend l’intégralité des chansons du concert, dans l’ordre où elles ont été données, avec l’indication des auteurs, et surtout les 22 rappels… Entre tubes éternels et chansons plus discrètes, présente-t-on encore le répertoire de la Môme, nourri de ce réalisme poétique et d’un tragique parfois exacerbé qui renforcent sa légende ?  . Il suffit de se laisser porter, de fermer le yeux pour voyager dans le temps.
16h, BA Théâtre

Le Cabaret de Carolina, seul en scène de et avec  Miguel-Ange Sarmiento

Avec la fantasque Carolina, frange rouge sur cheveux blonds naturels, nous sommes loin des nuances du Cabaret burlesque, mais dans un récital débridé. Avec force costumes flamboyants, effets de lumières et d’impertinence,  Miguel-Ange Sarmiento interprète un éventail de chansons avec une tonicité qui balaye toutes les réticences.
Et il n’a pas sa langue dans sa poche, entre  anecdotes triviales et réparties croustillantes, il sait jongler avec excès entre le rire et l’émotion. Le temps passe à une telle vitesse que la tornade rouge nous manque déjà.
à 20h55, au Théâtre Le Rouge-Gorge.

Olivier Olgan