Deux diamants noirs en VOD : Nocturnal Animals et Under The Silver Lake
Deux thrillers stylisés, unis par leurs récits en forme de labyrinthe qui renouent tout en les bousculant avec les codes du film noir. Nocturnal Animals, de Tom Ford, se joue avec subtilité des frontières floues entre fiction et réalité d’un récit en abyme. Under The Silver Lake, de David Robert Mitchell, lance son personnage principal dans une recherche initiatique à travers un Los Angeles psychédélique.
Nocturnal Animals, de Tom Ford (2016)
avec Jake Gyllenhaal, Amy Adams, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Armie Hammer (117 mn)
Tom Ford confirme son potentiel de réalisateur
Après un premier long métrage “A Single Man” (Colin Firth, Julianne Moore, Nicholas Hoult) bien reçu, l’ancien styliste qui a redoré l’image de Gucci en marque égérie du sexy chic confirme son talent. Avec son deuxième film “Nocturnal Animals”, Tom Ford réussit à convoquer les fantômes des films noirs tout en les parant d’une stylisation toute aussi chic et sexy que ses (anciennes) créations de mode.
Un film noir stylé
Susan Morrow grande galeriste est délaissée par son mari au point de faire de sa vie intime un réfrigérateur vide. Celle-ci, tout comme le récit, bascule dans un sombre effet miroir quand elle reçoit le roman que lui dédie son ex-mari.
Celui-ci raconte l’histoire d’une famille brutalement agressée par une bande de voyous. La femme et sa fille sont sauvagement violées et tuées laissant le père et mari anéanti de culpabilité. Malgré une justice inapte, aidé par un flic désabusé atteint d’un cancer (Michael Shannon, “Midnight Special”, “Elvis et Nixon”, “La Forme de l’Eau”), il finira par retrouver les assassins. Au bout de lui-même il trouvera une issue à son désir de vengeance.
Au fur et à mesure de la lecture du roman s’articule un parallèle entre ses sombres péripéties et les souvenirs de l’échec du mariage de Susan (Amy Adams toujours impeccable, notamment dans “American Bluff”, “Premier Contact”, ou plus récemment “Vice”), bousculée par l’omniprésence des deux maris, l’ex et le fictif, qui bénéficient de l’interprétation toute en nuance de Jake Gyllenhaal (“Donnie Darko”, “Le Secret de Brokeback Mountain”, “Zodiac”…).
Détournant avec grande dextérité les codes du film noir, Tom Ford nous précipite au coeur de méandres narratifs dont la maîtrise égale la brillante stylisation de la mise en scène. Captivant exercice de style d’une modernité distinguée, « Nocturnal Animals” possède déjà les atouts du film culte en puissance.
Under The Silver Lake, de David Robert Mitchell (2018)
avec Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace (139 mn)
Une allégorie de fin du monde en forme de fable lynchienne
Chômeur et rêveur sans avenir Sam ( Andrew Garfield, ici loin du rôle de super héros de “The Amazing Spiderman”), s’est entiché de sa charmante voisine, Sarah (Riley Keough, “Logan Lucky”, “The House that Jack Built”, plus récemment “Le Diable, tout le Temps” sur Netflix). Quand elle disparaît sans laisser de traces, Sam se lance dans une quête personnelle qui tourne rapidement à l’obsession. Elle le plonge dans un Los Angeles interlope peuplé comme il se doit de créatures étranges, d’individus dangereux et de pauvres hères comme autant de panneaux indicateurs en perte de repères.
Une mini-odyssée kafkaïenne psychédélique
Déjà auteur des remarqués “The Myth of the American Sleepover” et surtout “It Follows”, David Robert Mitchell sait nous magnétiser les méninges. Le parcours de son « héros » qu’il déboulonne allègrement nous entraîne au fond du terrier à la poursuite d’une “Alice qui ne pourrait n’être qu’une ombre. Ses pérégrinations en forme de mini-odyssée kafkaïenne psychédélique, nourries d’ indices sans queue ni tête le mèneront à son point de départ. Non sans avoir réalisé l’absurdité de courir après un fantasme menant à une impasse. L’inconnu recèle parfois un désenchantement salvateur.
Traitant aussi bien de la paranoïa qui innerve notre époque que du manque profond de sens qui semble la traverser, “Under The Silver Lake” est une brillante représentation de la fin d’un monde qui n’en finit pas.
#Calisto Dobson