Exposition : Palais disparus de Napoléon Tuileries-Saint-Cloud-Meudon (Gobelins)
Ouvert du mardi au dimanche – 11h-18h
Catalogue : Sous la direction de Thierry Sarmant, directeur des collections, Mobilier national, Commissaire général, editions in-fine, 496 p. 49€
Précieux éclats d’un Bicentenaire étouffé, les remarquables reconstitutions des « Palais disparus de Napoléon, Tuileries, Saint-Cloud et Meudon » brulés en 1870 et 1871 révèle un Napoléon fin esthète et soutien de l’artisanat d’art de temps, pleinement conscient de l’importance symbolique et économique de l’ameublement et des arts décoratifs dans ses résidences impériales. Avec l’ambition d’y laisser une trace dans l’Histoire esthétique de la France.
La réussite exemplaire d’une triple ambition
Sur deux étages, l’exposition avec force reconstitution – monumentale ou digitale – à partir des mobiliers et des décors issus du Mobilier National – heureusement mis à l’abri avant que la guerre franco-allemande et la Commune qui détruisent les Palais qui les rassemblaient – adresse trois dimensions passionnantes dimensions sur le Napoléon maître des arts : politique, esthétique et économique
Politique
L’exposition souligne avec quelle implication personnelle, Napoléon, l’homme de guerre et des conquêtes a investi les «maisons royales » de l’Ancien Régime, devenues résidences consulaires puis palais impériaux, et en particulier dans les trois d’entre elles qui ont disparu en 1870 et 1871 : les Tuileries, Saint-Cloud et Meudon, pour veiller à créer tous les apparats d’une cour : « Le lieu de pouvoir en vient à matérialiser le pouvoir dans son essence, quelle que soit la forme qu’il entend revêtir. Souligne Thierry Sarmant, Commissaire général, directeur des collections, Mobilier national dans son texte ‘Napoléon et les Palais de l’ancienne monarchie’. La destinée des « maisons royales » des derniers Bourbons offre un exemple frappant de ce phénomène. C’est très conscient des implications symboliques de ses choix que Napoléon Bonaparte décida de s’installer aux Tuileries (1800), puis de prendre Saint-Cloud pour seconde résidence (1802), de rénover Fontainebleau (1804), avant d’attribuer Meudon à son fils le roi de Rome (1811) »
Esthétique
Le parcours balaye les stéréotypes réduisant le ‘style empire’ à un sec pastiche de l’Antiquité gréco-romaine et rendre justice aux arts décoratifs de l’Empire, instant même sur le fait que les arts du métal atteignent une sorte d’apogée: « Architecture, beaux-arts et arts décoratifs ont alors été convoqués pour offrir à un nouveau régime résolu à « finir la Révolution » un cadre tout à la fois luxueux et porteur d’un message d’ordre et de grandeur. souligne dans la préface du monumental catalogue scientifique, Hervé Lemoine et Thierry Sarmant, ses commissaires. Les décors disent beaucoup, et parfois davantage que les écrits : leur richesse indique que, dès les premiers temps du Consulat, la volonté de rénovation monarchique était bien présente. (…) Aux alentours de 1800, l’inventivité des créateurs formés sous l’Ancien Régime ne connaît pas de bornes.»
Plus surprenant encore, à ceux qui attendent du rouge sombre ou du vert empire, mobiliers et décors dans les reconstitutions magnifiés par la scénographie de Philippe Pumain se parent se parent de coloris acidulés d’une fantaisie libérée, pour une étonnante synthèse de l’ancienne monarchie et de la Révolution bien loin des poncifs entretenus.
Economique, enfin
Par une stratégie active de commande publique qui peut surprendre tant par son ampleur que par sa diversité. « C’est tout ce pan de l’histoire des arts décoratifs que fait revivre l’exposition : Au désir de créer un écrin prestigieux pour le souverain et sa cour se surimpose un dessein politique et économique : occuper artistes, artisans et ouvriers des manufactures, c’est à la fois pacifier une société tout juste sortie de la tourmente révolutionnaire et promouvoir l’industrie française face à ses concurrentes européennes » soulignent Hervé Lemoine et Thierry Sarmant.
Pour éclairer un paradoxe ou une faille de l’Histoire ?
« Héritiers de la Révolution, Napoléon et ses architectes étaient aussi orphelins de l’Ancien Régime. précise en guise de perspective Thierry Sarmant En esthétique comme en politique, ils regardaient vers l’Antiquité gréco-romaine, vers un Moyen Âge fantasmé, mais aussi et peut-être davantage vers un passé encore très proche, celui des rois Bourbons. Si l’Empire avait duré, Napoléon se serait très probable[1]ment réinstallé dans un Versailles recomposé, tout en faisant construire l’immense bâtisse connue sous le nom de « palais du roi de Rome ». Le régime aurait ainsi vu traduire dans la pierre sa double généalogie symbolique : monarchie française d’un côté, empire néo[1]romain ou néo-carolingien, de l’autre. »
Inutile d’ajouter que l’ambition de Napoléon, protecteur des arts, n’a pas eu la réussite espérée: même si en 1814 et 1815, Louis XVIII roi de France s’installe ou se réinstalle dans ses palais et dans ses meubles, sans autre solution de continuité que la suppression de quelques emblèmes, le style empire fut largement affaibli au point que le mérité de cette exposition est d’ y remettre un peu d’ordre, de luxe et de raisons.
Un catalogue à la hauteur des enjeux
Prés de 500 pages ! Le catalogue magnifiquement illustré plus que jamais complémentaire d’une exposition haute en couleurs, est un véritable synthèse scientifique tant de la portée historique, que la dimension esthétique de cette créativité « impériale ».
Sous la direction de Thierry Sarmant, des dizaines de contributions signées de meilleurs spécialistes – Muriel Barbier, Élisabeth Caude, Arnaud Denis, Emmanuelle Federspiel, Jean-Jacques Gautier et Nathalie Macheto – éclairent tous les aspects de ces « Palais politiques », depuis leur « Topographie curiale » jusqu’à l’importance stratégiques des« Achats et commandes sous le Consulat et l’Empire » aux soutiens d’une catégorie émergente d’artisans, les « Fournisseurs de la Cour ».