Portraits Hôtel, mise en chambre par le Théâtre du Point du Jour (Fourvière Hôtel, Le Phénix Hôtel, Lyon)
- Création : 18 septembre 2022, Hôtel des Savoies
- 25 et 26 septembre à 18h et 20h, Fourvière Hôtel, 23 rue Roger Radisson, Lyon
- 2 octobre à 16h et 18h, Le Phénix Hôtel, 7 Quai de Bondy, Lyon
Mettre en chambre des tranches de vie. L’initiative est magnifique, la réalisation parfaite. Pourtant l’idée de Portraits Hôtel est toute simple. Les acteurs du Théâtre du Point du Jour donnent rendez-vous dans deux hôtels lyonnais – Fourvière Hôtel, les 25 et 26 septembre, Le Phénix Hôtel, le 2 octobre – pour partager quatre histoires intimes très ciselées. L’expérience est immersive, la fragilité de l’intimité puissamment humaine tout en questionnant les frontières entre le réel et la fiction. Fascinant.
La chambre d’hôtel, théâtre de vie
Percer les secrets d’une chambre d’hôtel n’est-il pas la plus humaine des tentations ? Non pas par le trou de l serrure, mais comme observateur bienveillant dans la chambre ! Encore faut-il avoir l’accord des directeurs d’Hôtel pour assouvir sa curiosité… C’est ce qu’a obtenu les Nomades du Théâtre du Point du Jour de trois hôtels lyonnais, Hôtel des Savoies, Fourvière Hôtel, Le Phénix Hôtel : emprunter quatre de leurs chambres, pour y inviter des groupes de spectateurs à vivre des scènes de vie, en passant le temps d’une expérience immersive, d’une chambre à l’autre.
Des histoires intimes très ciselées
La création à l’Hôtel des Savoies – les 18 et 19 septembre – faut une totale réussite ! il faut saluer l’audace du directeur qui accepta en juin le projet de prêter quatre chambres de rez de chaussé sans savoir ce qu’il s’y passerai. Une quarantaine de spectateurs – dont une classe de lycée de 1ere Théâtre – se pressait à sa porte pour être invité à pénétrer par groupe d’une dizaine dans les quatre chambres investies par un acteur de la troupe pour une tranche de vie pénétrante. Le spectateur autour du lit plonge sans filtre dans l’intimité d’une histoire. Nous ne voudrions pas en dire trop sur chaque scène pour garder tout le sel de la surprise, et de la magie de théâtre de proximité.
Rendre l’invisible visible, de révéler l’invisible.
Les quatre portraits hôtel sur les sept que la troupe a préparés différent chaque jour de représentation selon le jeu des parcours et des alternances d’acteurs : le 19, Angélique Clairand est gouvernante, Alice Vannier, influenceuse, Clara Bonnet, une esseulé prise dans un cauchemar et Sacha Ribeiro, un veilleur de buit qui attend un amoureux… Eric Massé incarne un futur père qui enterre sa vie de garçon, Aurélia Luscher, une fille qui enterre sa mère, Etienne Gaudillère, un faits divers… Inutile d’en dire beaucoup plus sur la narration pour garder l’effet de surprise. « Avoir accès à cette intimité-là déjoue les préjugés, les stéréotypes que l’on pourrait avoir. Le coeur du projet est de rendre l’invisible visible, de révéler l’invisible. » insiste Eric Massé, acteur et co – directeur du Théâtre du Point du Point du Jour.
La force de l’intime, la fêlure du monde
La réussite tient à la qualité d’incarnation de chaque personnage que le spectateur frôle, scrute, perce, et à la profondeur psychologique brossée l’espace d’une vingtaine de minutes. La gageure est d’autant plus forte que le dispositif scénique est minimal (jeu de lumières, quelques accessoires, …). Plongé dans l’intimité d’un lieu, le spectateur est littéralement happé sans crier gare au cœur d’une vie, qu’il s’évanouit aussi vite qu’elle apparue… puisqu’il est temps d’aller pénétrer une autre chambre. A chaque fois à regret, tant l’acteur vous donne envie d’en savoir plus sur le destin de son personnage.
Si l’immersif est à la mode, la promesse de Portraits Hôtel est d’être de chair et de sang, loin des images et du métavers virtuel.
La chambre d’hôtel, lien et lieu narratif
« Nous sommes sept performeur·euses, sept situations et sept figures pour habiter ces chambres. Nan Goldin qui nous a beaucoup inspiré, dit que « les lits sont comme des champs de bataille » et que se dégage une « présence humaine tellement forte qu’elle raconte déjà une histoire » souligne Eric Massé. Les possibilités de fictions infinies, celles incarnées très travaillées sur le terrain par les acteurs, font la puissance de ce spectacle qui questionne les frontières entre le réel et la fiction, l’intime et la représentation. « Au fil d’interviews de personnes fréquentant les hôtels, que ce soit en tant que client·es ou employé·es, ont émergé plusieurs figures distinctes, comme par exemple celle de la gouvernante. Certaines sont capables de scanner la chambre, un peu comme une enquêtrice ou comme un médium. On s’intéresse également à la clientèle. Qui sontils ·elles ? Pourquoi sont-ils·elles là ? Pour un EVG (enterrement de vie de garçon), une PMA, un enterrement ? » complète Angélique Clairand co – directrice du Théâtre du Point du Point du Jour pour comprendre comment la troupe réussie si bien à épaissir leur « personnage ».
Espérons que cette promesse de théâtre vivant – au dispositif si attractif – séduira d’autres hôtels pour inviter et confier quelques chambres aux nomades rayonnants du Théâtre du Point du Point du Jour. C’est une chance pour leurs établissements, leurs clients et le rayonnement de cette réussite du théâtre de proximité.
#Olivier Olgan