(Seul en scène) L'usage du monde, de Nicolas Bouvier, avec Samuel Labarthe (Théâtre de Poche)
S’il reconnait que le voyage n’est pas fait pour lui, non pas peur des autres, mais de leurs pratiques alimentaires, Patrice Gree aime les voyageurs et leurs récits. Dans ses évasions en fauteuil, le pantouflard assumé a beaucoup apprécié, L’usage du monde au Théâtre de Poche Montparnasse dans une mise en scène sobre, efficace et belle de Catherine Schaub. Samuel Labarthe incarne avec beaucoup de justesse et d’humour, l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier ! Faites vite le voyage se prolonge jusqu’au 17 novembre.
On croit faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier
J’ai toujours détesté les voyages…
Je franchis rarement, et avec les plus grandes précautions, les limites de mon arrondissement ! L’inconnu m’effraie. Une fois, j’ai été en Belgique…je suis vite rentré à la maison. Ah non, il ne faut pas vivre avec moi…on s’emmerde H24 ! Non, non, le voyage n’est pas pour moi ! Mes mains ne parlent pas l’étranger et sur un plan alimentaire, je suis très difficile. Hypocondriaque, je suis obsédé par la pharmacie de garde. Et insomniaque, je me traine toute la journée, en râlant …le boulet !
La pantoufle est le seul horizon qui me rend lyrique !
Je déteste les voyages, mais j’aime les voyageurs…et les étrangers ! Les étrangers chez moi, car c’est moi qui fais la bouffe, et les voyageurs, dans les films, dans les livres…et au théâtre !
Je viens de voir L’usage du monde, que j’avais lu il y a très longtemps, au Théâtre de Poche Montparnasse.
Et c’est formidable !
Voyage à travers le monde, voyage intérieur, voyage initiatique,
où chacun est invité à l’émerveillement,
au lâcher-prise pour goûter à l’état de plénitude.
C’est une invitation au décentrement,
à nous rendre disponible et ouvert au monde.
Catherine Schau
Dans une mise en scène sobre, efficace et belle de Catherine Schaub, Samuel Labarthe incarne assis ou couché, avec beaucoup de justesse et d’humour, l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier !
L’écrivain suisse (1929-1998) n’ayant d’appétit ni pour la banque, l’horlogerie ou le chocolat blanc, décide de quitter ses montagnes enneigées en Fiat Topolino pour les routes poussiéreuses et désertiques de Turquie, de l’Iran et de l’Afghanistan… Nous sommes en 1952, Nicolas Bouvier a 22 ans, une immense curiosité du monde, quatre mois d’argent de poche, un accordéon dans le coffre et un ami peintre, Thierry Vernet, à retrouver à Belgrade…
L’autre est devenu une gêne, un empêchement plus qu’un enrichissement. Le lien vers l’autre s’effiloche de plus en plus, ce qui est paradoxal avec les nouveaux moyens de transport et de communication. Bouvier et Vernet, en se confrontant au nomadisme, nous donnent l’usage du monde tel qu’il devrait être, tel qu’on devrait l’appréhender. C’est un voyage qui donne des clefs, qui fait apparaître les remèdes aux maladies de nos sociétés.
Samuel Labarthe
En 1952, l’Afghanistan et l’Iran étaient des pays, et non des prisons pour les femmes, la lenteur, une vertu, le tourisme n’avait pas encore tué le voyage, ni les selfies la curiosité de l’autre.
On centre le récit de façon à faire voyager autant vers l’intérieur que l’extérieur. Notre intention est de proposer une sorte de livre-monde où l’on aurait les images et les sons pour matérialiser ce périple.
Samuel Labarthe
Une rétroprojection de la mémoire de l’auteur
Ce qui est passionnant dans le récit de Bouvier, par-delà l’émerveillement, si bien racontés, des paysages traversés, des rencontres étonnantes ou inquiétantes, si bien évoqués par les projections des dessins de Thierry Vernet ou des photos de l’écrivain, réalisés durant le voyage, c’est le nombre de galères auquel l’écrivain intrépide et toujours disponible à l’inconnu, est confronté… à commencer par les mouches qui pourrissent la vie de l’Helvète ! Ce passage comiquement raconté par Samuel Labarthe – un des temps fort de la pièce – conforte le sédentaire que je suis : le voyage ne vaut que par le récit qu’on en fait…