Littérature : L'amie, la mort, le fils. Jean-Philippe Domecq (Éditions Thierry Marchaisse)
On n’a aucune envie de guérir d’un chagrin – le chagrin est tout ce qu’il y a de fidèle.
Jean-Philippe Domecq, L’amie, la mort, le fils, 2018
Une plage. Le Soleil d’été. Une mer de carte postale
Des jeux innocents d’enfants bruyants soulèvent le sable. Des ados chahutent au creux des vagues. Un cri. Des bras qui s’agitent. Des hurlements. Des gens qui courent en tout sens. Anne Dufourmantelle se redresse brusquement, comprend ce qui se passe. Les ados sont ses enfants, ceux de ses amis. Des enfants que la mer tire pour les dévorer au large. Alors, sans réfléchir, elle plonge dans la gueule ouverte de cette mer tueuse. Elle lutte de toutes ses forces pour les tirer de là, de l’eau delà. Elle s’épuise. Anne Dufourmantelle a un souffle au cœur. Ce cœur est courageux, mais à bout de souffle, il lâche. D’autres secours arrivent. Les enfants sont saufs. Sauf Anne Dufourmantelle.
On n’a aucune envie de guérir d’un chagrin – le chagrin est tout ce qu’il y a de fidèle.
L’auteure est décédée sur une plage de Ramatuelle, le 21 juillet 2017.
En lisant cet époustouflant récit sur la mort et le vide dans laquelle elle nous plonge, je ne pouvais m’empêcher de penser : quelle drôle de mort pour une psychanalyste. Vivre des années assise à tenter de sortir d’un imaginaire souffrant l’enfant qui survie en nous et mourir en allant le chercher physiquement dans l’horreur de ce réel-là.
Ainsi, nous l’avions bien discernée, Anne ; ainsi il y a un magnétisme des êtres que notre rationalité occidentale ne peut certes appréhender mais qui constitue une autre dimension humaine, qui elle aussi crée de la valeur, les avancées, fait l’Histoire.
Mais ce récit n’est pas que l’exploration minutieuse du vide que la mort laisse, c’est aussi un bouleversant récit d’amour sur l’amitié.
Alors en le refermant, on se dit une chose qu’on ne devrait pas se dire. Au-delà, très au-delà du chagrin on se dit que ces enfants ont eu une chance incroyable d’avoir à porté de bras, à porté de mains, une femme qui avait au cœur ce souffle là…
La mort d’un être n’est pas la mort, c’est mille fois pire – c’est affolant, la perte on sent la folie qui rôde à la seule pensée qu’il va falloir y survivre.