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Le Studio Baudequinmaldes imagine un design sensoriel, holistique et poétique
Auteur :Anne-Sophie Barreau
Article publié le 18 octobre 2023.
Le design sensoriel des Baudequimaldes, en référence au studio fondé par les jeunes designers Anne-Charlotte Baudequin et Mathieu Maldes en 2020, place l’homme et la nature dans une relation d’égalité. Il en résulte, au terme d’une patiente autant qu’intense immersion sur un terrain donné, des créations et des installations poétiques et intuitives. Elles témoignent pour Anne-Sophie Barreau de cette commune appartenance à la grande chaîne du vivant. Illustration avec « Petites inventions du paysages », le projet conçu par le duo de jeunes designers pour le programme de soutien à la création artistique Mondes Nouveaux.
Des imaginaires collectifs basés sur des ‘petits riens‘
C’est l’interaction entre l’objet et l’utilisateur qui nous intéresse.
Mathieu Maldes, co-créateur du Studio Baudequinmaldes
« Au-delà de la forme de l’objet, c’est la matière au sens large, solide ou volatile, olfactive, que nous questionnons dans notre pratique du design » dit Anne-Charlotte Baudequin. « C’est l’interaction entre l’objet et l’utilisateur qui nous intéresse. Ce qui prime dans notre approche, c’est la création d’expériences » renchérit Mathieu Maldes : à peine la conversation est-elle lancée que le jeune couple de designers se montre aussi précis que volubile pour parler du design sensoriel développé depuis 2020 au sein du Studio Baudequinmaldes, dont le choix, pour l’un et l’autre, puise ses racines pendant des études en arts appliqués à l’université Jean Jaurès de Toulouse.
Ce design à la croisée « des perceptions, des imaginaires collectifs et des forces sociales et culturelles qui façonnent les objets et les lieux du quotidien » prend in fine la forme d’objets concrets et manufacturés – il n’est qu’à voir la sublime autant qu’astucieuse table basse Bûches qui se détourne du bois quant à la matière pour mieux s’en inspirer quant à la forme, ou la lampe Tami développée pour Ligne Roset qui, créant tour à tour une lumière colorée, tamisée, ou vive dans une même pièce, s’adapte à notre « nomadisme domestique ».
Immersion sensorielle
Pendant un an, nous avons récolté les couleurs, les textures et les sons du territoire.
Anne-Charlotte Baudequin, co-créatrice du Studio Baudequimaldes
C’est aussi un design qui nécessite du temps en amont où toutes antennes ouvertes, le duo s’imprègne de sons, d’odeurs, de formes. Un temps d’immersion qui dans le cadre du projet conçu pour Mondes Nouveaux – le programme de soutien à la création artistique lancé en 2021 par l’Elysée et piloté par le ministère de la Culture – a trouvé un terrain d’expression rêvé, en l’occurrence, « un petit chemin forestier de la campagne gersoise à proximité du petit musée des plantes sauvages et comestibles à Berrac ».
« Petites inventions du paysage »
C’est un projet sur lequel nous avons travaillé pendant deux ans. Il faut ici remercier l’équipe de Mondes Nouveaux qui nous a permis d’investir notre terrain d’étude sur le temps long dans un réel confort de production.
La première année a été celle de l’immersion sensorielle, nous avons récolté les couleurs, les textures, les sons du territoire, la seconde, celle de la restitution à travers la création d’installations immersives sensorielles au plus près de l’expérience des gens du musée et des visiteurs du site.
Anne-Charlotte Baudequin
Cabane sensorielle, moulin à odeurs, phare à horizons…
Le design doit rendre le monde plus habitable pour tous dans une approche moins anthropocentrée, qui compose davantage avec notre environnement.
Mathieu Maldes
Des installations, au nombre de quatre, dévoilées en septembre, dont Mathieu Maldes parle avec enthousiasme. La première, la « cabane sensorielle », co-créée avec le designer d’environnements Sébastien R.Cassin, construite sur un champ de menthes sauvages questionne le rapport à l’eau. « Tout l’écosystème du site repose sur l’eau, c’était essentiel d’en parler » précise le jeune designer. La particularité de cette cabane, symboliquement située en face d’un ancien lavoir, est de disposer d’un toit inversé, lequel « dirige l’eau de pluie vers un bol en laiton situé au centre ».
Ainsi, la cabane devient un endroit « où l’on joue avec les sons de la pluie ».
La seconde, le « moulin à odeurs », forme tubulaire au sommet de laquelle se trouve une hélice, joue quant à elle sur les mouvements de l’air « pour faire remonter les odeurs à nos pieds ». Une installation complexe qui, de l’aveu même de ses concepteurs, a nécessité un travail important en recherche et développement.
La troisième, le « Phare à horizons », demi-sphère en argile conçue comme un miroir reliée à une chaîne scellée à la roche, s’amuse à déplacer/décaler points de vue et reflets dans l’œil du regardeur. « Quand j’ai fait l’expérience, je ne m’attendais pas ce qu’elle fonctionne aussi bien, dit Mathieu Maldes, j’ai vraiment eu la sensation d’être dans le ciel, j’ai presque eu le vertige ».
Enfin, la quatrième, le « totem sonore », est composée de cinq modules « ayant la forme et la fonction de jardinières qui se superposent. De fait « des plantes aromatiques du musée ainsi que d’autres poussent à l’intérieur » précise Anne-Charlotte Baudequin.
L’élancement vers le haut et la dimension sonore, qui donnent leur nom à l’installation, tiennent à la présence d’un « poteau central en acier qui relie entre eux les modules percés en leur centre et fait résonner de l’air ». Ce n’est pas tout : une cloche/nichoir, installée au sommet, accueille les oiseaux que le visiteur peut entendre grâce aux petits entonnoirs dont l’installation est pourvue. « L’idée est d’écouter les sons de la nature ».
Quant à cette hauteur « qui permet aux gens de ne pas avoir à se baisser pour faire leur récolte », elle est emblématique de l’approche du duo de designers qui, pour ce projet comme pour les autres, ne souhaite rien tant « que l’appropriation par ceux à qui elles sont destinées » de leurs réalisations.
La même méthodologie inspire aujourd’hui un projet à Saint-Amand-Montrond. Si celui-ci à terme pourrait aboutir à la conception d’éléments de design urbain, c’est le « questionnement de la sensorialité de l’espace » qui pour l’heure occupe le duo de designers, lequel a donné lieu à une première restitution sous forme de cartographies lors de la dernière édition France Design Week placée sous la thématique « Vivant, vivants ».
« Vivant » : un mot qui va à merveille aux « Baudequimaldes » qui en explore toute la palette.
À nos yeux, le design doit rendre le monde plus habitable pour tous, non pas dans une approche anthropocentrée comme c’est encore trop souvent le cas, mais en composant avec notre environnement. Plus qu’exister, il faut coexister, cohabiter .
Mathieu Maldes.
Pour suivre les Baudequimaldes
Le site Baudequimaldes : « studio de design axé sur la recherche, explorant les domaines de l’habiter à travers le prisme du design sensoriel. Le travail du duo s’appuie sur une étude interdisciplinaire des perceptions, des imaginaires collectifs, ainsi que des forces sociales et culturelles qui façonnent les objets et les lieux du quotidien. La nature analytique du studio Baudequinmaldes se traduit par des recherches en immersion, de synthèse créative et l’exploration de nouvelles expériences sensorielles. »
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