D’argent et de sang : la série fascinante de Canal + enfin intégrale
D’argent et de sang, la suite de la série évènement de Xavier Giannoli reprend le 22 janvier.
C’est à partir de l’histoire vraie d’une escroquerie aux quotas carbone réalisée entre 2008 et 2009 que le réalisateur a taillé dans le vif dans tous les sens du terme, pour dégager un romanesque sombre et halentant. Adaptée du livre-enquête homonyme par Fabrice Arfi, journaliste à Médiapart, le récit campe une bande d’escrocs manipulé par le cerveau Marco Mouly (Alain Fitoussi), qui fut aussi la figure centrale du documentaire Les Rois de l’arnaque (Netflix) et aussi d’ un livre sur son histoire, La Cavale, en 2022 (éd. Harper Collins). Celui qui est interprété par l’acteur Ramzy Bedia. purge plusieurs peines de prison et est désormais sous le coup de nouvelles mises en examen pour « complicité d’assassinat » et « meurtre en bande organisé ».
L’anarque des quotas-carbone
Au départ, Fitoussi découvre une opportunité d’escroquerie financière à grande échelle. A l’aide de son cousin Bouli (David Ayala), tous deux issus de la communauté juive tunisienne de Belleville à Paris, ils s’intéressent à une faille de la nouvelle loi des quotas carbone rentrant en vigueur à cette époque.
Un mécanisme simple. Lorsqu’une entreprise pollue peu, ses quotas carbones sont achetés par une entreprise plus polluante. L’entreprise vendeuse de quotas dégage ainsi un chiffre d’affaires. Les sommes dégagées par ces entreprises sont taxées à 20% par l’Etat français, la fameuse TVA que les escrocs vont détourner afin d’empocher la taxe via des sociétés-écrans. Plus le montant de ces quotas carbone est important et plus la taxe des 20% représente une somme colossale.
Pour réussir l’escroquerie, ils ont besoin d’une mise de fond, trouver un investisseur qui va leur permettre d’atteindre leurs ambitions. Ils le dégottent dans un club de poker parisien, dans un jeune trader qui aime parier et flamber avec sa Lamborghini tape-à-l’œil. Complétement stupéfait devant cette bourgeoisie décomplexée, ils vont s’associer à Jérôme Mattias, interprété par Niels Schneider.<
La bande hétéroclite va monstrueusement s’enrichir, jouant avec des mises de plus en plus élevées pour leur rapporter encore plus gros à chaque fois. Les sommes récoltées se compteront en centaines de millions d’euros, de quoi faire des envieux et intéressé le banditisme.
Une alliance inattendue et explosive
C’est le côté imprévisible de cette association, la différence flagrante de milieu social entre les partenaires qu’intéresse et fouille Xavier Gianoli. D’un côté il y a les jeunes loups qui ont faim, Fitoussi et son cousin de Belleville, de l’autre le golden boy du XVIème arrondissement. L’audace de Fitoussi et son côté charmeur vont plaire à Jérôme Mattias, notamment lorsqu’il balance des billets de manière provocante dans un casino de Deauville.
Ils aiment le jeu, les belles voitures et partagent un autre point commun : ils sont tous les deux juifs. Il est intéressant de voir qu’au sein de la même communauté, les deux personnages sont diamétralement opposés sur le plan social. C’est ce qui fait rêver Fitoussi qui veut faire partie de l’élite, émerveillé par le pouvoir de l’argent même s’il n’en possède pas les codes.
Le beau-père de Jérôme est un milliardaire, personnage qui a également existé et qui se retrouvera assassiné dans sa villa à Neuilly avec une balle dans le coup et une dans la tête…
La figure de la justice
Alerté, ils attirent l’intérêt de la police sur eux; la figure de l’ordre est Simon Weynatcher, interprété par Vincent Lindon, chef du service des douanes judiciaire. Son personnage froid et lucide est contrasté par son talon d’Achille : sa relation conflictuelle avec sa fille. Cette dernière le malmène en l’appelant pour lui soutirer de l’argent afin de pouvoir se défoncer comme une junkie. L’inspecteur bout de l’intérieur, mais ne laisse pas encore sa colère éclater et subit cette situation délicate où il semble impuissant.
Le contraste entre la vie de bamboches des uns et l’austérité affective de l’autre fait partie de la dynamique que Giannoli sait parfaitement distiller pour nous maintenir en haleine.
Du réalisme et de l’ombre
Au-delà de le côté spectaculaire de la démesure de l’argent avec des acteurs charismatiques, c’est la façon de Giannoli tisse un récit captivant, volontairement parsemé de zones d’ombre sur l’usage de l’argent – dont il fait son miel, et qui trouveront de nouvelles perspectives dans le 2nd volet. Si premier volet D’argent et de sang pause l’ascension, le second volet annonce que personne ne sortira indemne de l’argent facile, mais surtout de l’argent exhibé !