La cosmogonie des Inuit, l’entre-deux mondes des Zombis, le mythe de Tituba, L’Or des Ming ; qui pour nous protéger ?

Interroger le présent en allant chercher des alliés dans le passé, ou l’inverse ! Quatre expositions pour traverser les apparences grâce aux savoirs et de pratiques oubliées ou négligées :  l’art du Kinngait, territoire inuit du Nunavut (Centre culturel canadien), Tituba, qui pour nous protéger ? (Palais de Tokyo), Zombis, La mort n’est pas une fin ? (Musée du Quai Branly), enfin L’Or des Ming, Fastes et beautés de la Chine impériale (Musée Guimet). A la veille du mystère de la Toussaint et de la fête des morts, autant de pistes pour Singular’s d’agrandir nos regards et les affuter. Autant d’invitations à voir ailleurs, à travers le sensible, l’invisible parfois. Et interroger ou soigner les liens avec nos environnements immédiats, intimes et collectifs, humains et non humains.

Kinngait, territoire inuit Nunavut – La collection Claude Baud et Michel Jacot (Centre culturel canadien)

Les Trois frères, Collection Claude Bud et Michel Jacot Photo WBEC, Kinngit, Nunvut

Kinngait est un petit village inuit du territoire Nunavut, au nord du Canada. A peine 1500 habitants en connexion avec la nature et l’au-delà qui développent un sens artistique impressionnant, en estampes et en sculptures. L’exposition au Centre culturel canadien illustre à la fois la richesse d’une coopérative artistique unique au monde et le regard d’un duo de collectionneurs franco-suisse Claude Baud et Michel Jacot qui a contribué, depuis des décennies, à faire connaitre la culture inuit du Canada.

De façon significative, le terme « esquimau » (qui parle un langage étrange), a été remplacé par le mot « Inuit » (pluriel de Inuk : homme). Des hommes soucieux de revendiquer leur culture et de proclamer leur langue, sans passer par les mots des « rapaces à la peau blanche », selon l’expression de l’écrivain et critique d’art Michel Butor. Car les peuples premiers de l’Arctique n’ont pas attendu les trappeurs, ni les marchands d’art, pour fabriquer des outils qui illustrent un savoir-faire et un sens esthétique sophistiqués. Lire plus par Thierry Dussart

Jusqu’au 17 janvier 2025Centre culturel canadien, 130 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008, du lundi au vendredi, de 10h à 18 h, entrée libre

Pitloosie Saila, Hibou faisant sa cour, 1985 – Kenojuk Ashevak, Hibou évoluant, 2000 – La visite, 2002, Collection Claude Bud et Michel Jacot photo ©  WBEC, Kinngit, Nunvut

Zombis, La mort n’est pas une fin ? (Musée du Quai Branly)

Personnage bizango, début XXème siècle, Haïti, photo Baptiste Le Guay

Mourir et s’en revenir d’outre-tombe hante les sociétés de toutes les époques et de toutes les géographies. Chevauchant entre deux mondes, celui des morts et des vivants, provenant initialement du passé colonial et esclavagiste d’Haïti, le « zombie » influence notre imaginaire à travers le cinéma fantastique. Démêlant le mythe et la réalité, l’exposition et son catalogue édité par Gallimard interrogent à la racine ces rituels et croyances de cet « entre deux » insaisissable qui touchent à l’insondable. C’est l’occasion de plonger dans une réalité polymorphe à l’orée du concevable éclairé par Philippe Charlier, le commissaire général.

« Ils ont certainement été popularisés grâce à la pop-culture et à l’industrie cinématographique (Baron Samedi apparaît par exemple de façon très iconique dans l’épisode de James Bond « Live and let die » !).
Mais ce sont avant tout, et loin de toute caricature, les divinités tutélaires des défunts et du territoire des morts (cimetière et autre monde). Nul zombi ne peut être fait sans leur assentiment. Nulle sépulture ne peut être ouverte sans leur consentement. Leur position est donc essentielle pour assurer la perméabilité (relative) entre le monde des vivants et celui des morts »

Philippe Charlier, commissaire principal

Lire plus par  Baptiste Le Guay 

jusqu’au 16 février 2025,  Musée du Quai Branly, 37 rue du quai Branly, Paris 7.
Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h sauf Lundi.

Wilfrid Daleus (1949-2017), Veillée vaudou dans un péristyle, 1988 (Zombis, Musée du Quai Branly) photo Baptiste Le Guay

Tituba, qui pour nous protéger ? (Palais de Tokyo)

Vue de trois œuvres de Monika Emmanuelle Kazi, Tituba, qui pour nous protéger ?, Palais de Tokyo photo Aurélien Mole

Tissant des liens interactifs entre création plastique et littéraire, cette méditation radicale – et dérangeante  – sur les relations entre deuil, mémoire, migration et ancestralité constitue une véritable défi à notre zone de confort dont on ne sort pas indemne. Confrontant des pratiques diverses (sculpture, film, photographie, peinture, installation…), onze artistes d’horizons aussi ( France, Grande-Bretagne et l’Amérique du Nord) témoignent à leur manière de la protection spirituelle et d’amis imaginaires que jouent nos défunts, nos souvenirs, nos mythes, nos rêves et l’invisible dans nos quotidiens.

œuvres de Naomi Lulendo, Tituba, qui pour nous protéger ?, Palais de Tokyo – photo : Aurélien Mole

Leur trajectoire diasporique caribéenne et africaine offre des récits qui se déploient à une échelle à la fois intime et collective, transgénérationnelle et historique mais également symbolique et matérielle.

Le point de départ est le roman et le personnage éponyme de « Moi, Tituba, sorcière noire de Salem » (1986) de Maryse Condé qui redéfinit la figure de la sorcière, invoquée comme une figure protectrice. Tituba était une femme noire originaire  de l’île de la Barbade dans la Caraïbe. Vendue comme esclave aux États-Unis au 17e siècle, elle maîtrise le pouvoir et les mystères surnaturels des plantes. Accusée de sorcellerie, cette dernière se retrouve au cœur d’un procès de sorcières à Salem.  

Les artistes invités – Naudline Pierre, Abigail Lucien, Rhea Dillon, Miryam Charles, Monika Emmanuelle Kazi, Naomi Lulendo, Inès Di Folco Jemni, Liz Johnson Artur, Tanoa Sasraku, Claire Zaniolo et Massabielle Brun –  nous interpellent  en levant les questions sur ce qui constitue notre identité : peut-on encore faire confiance à l’Histoire ? Alors après Tituba, qui pour nous protéger ?
Jusqu’au 5 janvier 2025 , Palais de Tokyo, 13, avenue du Président Wilson 75116 Paris, Ouvert 12h-22h

œuvres de Tanoa Sasraku, Inès Di Folco Jemni, Tituba, qui pour nous protéger ?, Palais de Tokyo – photo : Aurélien Mole

L’Or des Ming, Fastes et beautés de la Chine impériale (musée Guimet)

Si l’or a toujours fasciné les civilisations, la cour impériale des Ming (1368-1644) lui confère une importance symbolique précise notamment dans la parure des femmes de l’élite, tant en termes d’ostentation que d’élévation sociale.  Si peu d’objets nous sont parvenus, le musée Guimet grâce aux prêts du musée des Beaux-arts de Quijiang (Xi’an, Chine) et un catalogue somptueux (In Fine) lève le mystère de ces pièces délicates aux significations codifiées et ouvrir l’intimité des palais  et des demeures privées de l’aristocratie chinoise au zénith de luxe.

Ces objets, employés lors de riches banquets, permettaient aux hôtes de faire étalage de leur richesse et du prestige attaché à leur statut. L’éclat de ces vases et récipients d’or y était souvent mis en valeur par les tables, consoles, plateaux et autres supports de laque rouge sur lesquels ils étaient disposés.
Hélène Gascuel, et Arnaud Bertrand, commissaires

Lire plus par  Baptiste Le Guay 

Jusqu’au 13 janvier 2025Musée Guimet, 6 place Iéna, Paris 16, Métro Iéna.

Epingles à cheveux à décor de dragon, dynastie Ming (1368-1644), filigrane d’or serti de rubis, photo Baptiste Le Guay