Culture

Les ‘Hollywood Nightmares’ sous le glamour de Raphaël Neal (Galerie Vu - Bec en l’air)

Auteur : Anne-Sophie Barreau
Article publié le 7 décembre 2024

(Artiste inspirant) En écho au livre éponyme publié par les éditions du Bec en l’air, la galerie VU’ présente jusqu’au 10 janvier « Hollywood Nightmares » du photographe Raphaël Neal. Plongée glaçante dans un âge d’or hollywoodien somptueusement reconstitué –  dans les images ciselées jusqu’au moindre détail, c’est toujours le même visage dissimulé sous l’épaisseur des fards – ressemblant davantage pour Anne-Sophie Barreau au Boulevard du crépuscule qu’aux Hommes préfèrent les blondes.

 

Raphaël Neal, All about Them, self-portrait London fébruary 2021, Hollywood Nightmares series photo © Raphaël Neal, agence VU’

Se déciller

Dans le film qui fait entrer le visiteur dans les coulisses de la réalisation de « Hollywood Nightmares », que la galerie VU’ présente jusqu’au 10 janvier 2025, Raphaël Neal se grime et peu à peu entre dans la peau, de celles et ceux, actrices et acteurs de l’âge d’or du cinéma hollywoodien, qui lui ont inspirés les autoportraits de la série. On voit notamment le soin extrême apporté au maquillage du visage, des yeux, et on songe alors qu’avec ce travail, le photographe n’a rien fait d’autre que se déciller.

Les deux visages de « Hollywood Nightmares ».

Raphaël Neal, Hollywood Nightmares series photo © Raphaël Neal agence VU’

Le premier, reconstitution aussi minutieuse que sophistiquée conformément aux codes hollywoodiens, à laquelle rien ne manque, ni les couleurs vives,  ni les robes de chambre en satin, ni les faux-cils et les paillettes, dit tout de la fascination, devine-t-on, de son auteur pour une esthétique qui nourrit la légende du 7ème art. Au verso des images, on imagine l’éblouissement initial, on voudrait savoir : où Raphaël Neal a-t-il vu ces films ? Quels sont ceux figurant dans son panthéon ? Le photographe est aussi acteur et a réalisé son premier long métrage, Fever, en 2014.

Au premier abord, « Hollywood Nightmares » a tout d’un magistral exercice d’admiration.    

Raphaël Neal, Petrol, 2022, Hollywood Nightmares series photo © Raphaël Neal agence VU’

Une légende noire

Au premier abord seulement, sinon pourquoi ces cauchemars (nightmares) ? Le regard se pose sur une main ou un avant-bras sanguinolents, et ce n’est plus la même histoire. Hollywood a du sang sur les mains (au sens propre). Cette légende noire a été jadis racontée avec brio par Kenneth Anger dans Hollywood Babylone. Chez Raphaël Neal, elle est d’autant plus poignante qu’elle se veut oublieuse d’elle-même, comme si rien, jamais, ne devait écorner la légende, pas même les violences et les humiliations subies.

Un miroir sans tain

Raphaël Neal, Hollywood Nightmares series photo © Raphaël Neal agence VU’

Les femmes – c’est en effet sous une identité féminine qu’apparaît le plus souvent le photographe, un travail sur le genre qu’il poursuit aujourd’hui – démentent, en effet, par leur attitude, un regard par exemple qui a tout du défi, l’horreur pourtant évidente qui se joue en coulisses. Quand bien même elles ont un bras en moins ou une bande autour du poignet qui ne laisse aucun doute sur l’envie d’en finir, elles ne perdent jamais de leur superbe.

Comme si Raphaël Neal jouait photographiquement une réinterprétation du Portrait de Dorian Gray, comme si derrière l’éternelle jeunesse, le sex appeal, le désirable, couvaient les dérèglements, la férocité et le prix à payer pour être gravé à jamais sur la pellicule, et qu’il venait nous le révéler.
Caroline Bénichou

Raphaël Neal, The Smoke screen, 2021, Hollywood Nightmares series photo © Raphael Neal, agence VU’

La démonstration n’en est que plus implacable

Y a-t-il industrie plus redoutable que celle capable de faire taire, en même temps qu’elle l’absorbe, la violence qu’elle abrite ? Dans le contexte post MeToo, la portée politique de ses « Hollywood Nightmares » n’échappe à personne. Décillé, le photographe, assurément, l’est, dans cet autoportrait – The smoke screen – où, bien qu’il revête une autre identité, il semble avant tout être lui-même.

Anne-Sophie Barreau

Pour suivre Raphael Neal

Le site de Raphaël Neal

Hollywood Nightmares

jusqu’au 10 janvier 2025, La Galerie VU’, Hôtel Paul Delaroche, 58 rue Saint Lazare, 75009 Paris – Tél. : +33 1 53 01 85 85

éditions du Bec en l’air, Texte Alice Zeniter, « Entre quête de beauté et nostalgie douce-amère, un hommage insolent à l’âge d’or du cinéma », 152 p. 32€

 

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