Un parfait inconnu: James Mangold et Timothée Chalamet respectent Bob Dylan
À 8 ans, tante Simone m’offrit mon premier 45 tours.
C’était « De ville en ville » de Claude François, j’ai adoré ! Et à 18, je m’enfermais dans ma chambre, casque sur la tête que je remplissais à ras bord de Brel, Brassens Ferré… je déborde d’eux encore aujourd’hui ! La musique anglo-saxonne, comme le vaste monde, m’a totalement échappée.
De toute façon, j’aime pas les voyages, je parle pas anglais, j’ai peur en avion, je suis toujours très inquiet lorsqu’on me sert un plat que je ne connais pas, il me faut deux oreillers, un dur et un mou pour dormir, en face d’étrangers, je ne sais jamais quoi dire, j’ai très vite l’air d’un con, je préfère retrouver ce que j’ai connu que de découvrir, ce que j’ignore. Le boulet ! Tu m’étonnes qu’on m’ait jamais demandé en mariage !
Une pochette de disque percutante
Sauf qu’un jour, en fin d’adolescence, je suis tombé chez un disquaire d’occas, sur cette pochette ! Un homme et une femme à peine sortis de l’enfance au bras l’un de l’autre.
Elle, blonde, tête contre son épaule à lui, se serrant amoureusement contre lui, lui les épaules hautes, les mains dans les poches de son jean, comme frileux, songeur, le regard au sol, elle tout sourire, aimante, amoureuse, et puis la ville autour, ses immeubles crades, ses bagnoles mal garées, la neige fondue… plus rien !
Plus rien n’existe, qu’eux ! Qu’eux deux !
Je n’arrive pas à décoller mon regard de cette photo ! Ils marchent, en bulle, dans une ville en route, ils marchent heureux confiant dans la chance inouïe d’aimer ! Inouïe d’aimer ! C’est ce que cette extraordinaire et simple photo dit. Cette photo représentait l’amour à venir ! La vie nous dira autre chose… Mais à l’époque, ce sont les photos que j’écoutais ! J’achète le disque, j’écoute et je tombe sur cette voix incroyable !
La voix de Dylan ! Son son… Cette voix qui traîne des pieds, dix mètres derrière !
Puis, cette voix désertique, caillouteuse, poussiéreuse, « Rockailleuse », qui au son de l’harmonica, semble descendre des montagnes arides. Sur d’autres chemins, elle croise un jour, une autre voix… celle de Joan Baez ! Une voix limpide, pure et claire comme de l’eau de roche, cristalline, une voix transparente qui ne te descend pas dans tes profondeurs mais t’élève aux étoiles.
Plus différents, c’est difficile, mieux assemblés, je n’en ai jamais vu !
De 1962 à 1965, du folkeux en rocker
Le film se concentre sur la période très courte trois années où une nouvelle naissance se fera au forceps ! À travers le passage entre ces deux musiques, ce sont deux Amériques qui s’opposent, l’une traditionnelle, rurale, porteuse de messages de justice, de paix, de solidarité, d’amour, c’est le Folk et l’autre qui émerge au milieu des années 60, va envahir les autres continents, plus individualiste, plus auto-centrée, électrique, plus violente aussi, …c’est le Rock
Dylan bascule… et l’Amérique chavire !
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Un parfait inconnu, Bob Dylan de James Mangold photo Macall Polay Courtesy of Searchlight Pictures – 2024 Searchlight Pictures All Rights Reserved
Ce qui est remarquable dans ce film, c’est que James Mangold (déjà auteut de Walk the line sur Johhny Cash) tourne autour du chanteur sans chercher à percer le mystère de l’homme ! Dylan le beau ténébreux reste un parfait inconnu. Et c’est très bien ainsi.
Interpréter Bob Dylan c’était casse-gueule ! Timothée Chalamet, qui a su saisir ce regard en dessous le mettant au-dessus de la mêlée, et reproduire cette voix exceptionnelle, a plus que largement rempli le contrat !
Et il n’y a pas que moi qui l’affirme…
Le film est tiré du livre Dylan Goes Electric d’Elijah Wald, paru en 2015. C’est un récit fantastique des événements du début des années 60 qui ont conduit au fiasco de Newport.
Après avoir vu le film, lisez le livre.”
Bob Dylan, tweet du 4 décembre 2024
Un parfait inconnu, réalisé par James Mangold, écrit par James Mangold et Jay Cocks, Directeur de la photographie Phedon Papamichael, Costumes Arianne Phillips, Producteur musical exécutif Nick Baxter
Inspiré par le livre Dylan Goes Electric d’Elijah Wald
Avec Timothée Chalamet (Bob Dylan), Monica Barbaro (Joan Baez), Edward Norton (Pete Seeger), Elle Fanning (Sylvie Russo), Boyd Holbrook (Johnny Cash), et Scoot McNairy (Dan Fogler).
À écouter
- Les influences new-yorkaises d’un parfait inconnu, Bob Dylan (France Inter)
- Bob Dylan, l’inattendu, un podcast France Inter en 9 épisodes par Michka Assayas