Voyages

A la découverte des « Routes de la Soie », plurielles, fascinantes et complexes

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 24 mai 2020

En attendant la réouverture des frontières physiques et des routes mythiques, c’est à un magnifique voyage sur les « Routes de la Soie » que convie l’équipe pluridisciplinaire rassemblée par Susan Whitfield. A la fois érudite, didactique et somptueusement illustrée, la somme éditée par Flammarion scrute l’impact des paysages sur les peuples et les cultures, à la lumière des dernières découvertes.

A tous ceux qui réduisent les impacts de la mondialisation à l’ère contemporaine, les « Routes de la Soie » rappellent que celle-ci est en œuvre depuis des millénaires. Elles « nous confrontent aux complexités du mondialisme contemporain qui se déploie à une vitesse fulgurante dans nos propres vies, écrit avec sagacité le metteur en scène américain Peter Sellars auteur enthousiaste de la préface. L’éternité et l’immensité de ces paysages ont produit des cultures riches de lumière intérieure et de libertés secrètes, d’audace métaphysique et d’un remarquable courage humain. »

Les routes de la soie, ce sont aussi celle des religions, ici le Monastère de Khor Virap, en Arménie, fondé au Ve siècle, devant le mont Ararat Photo © Robert Harding Alamy Stock Photo

Privilégier les paysages chargés d’histoire et de magie

La dynamique de cette époustouflante épopée humaine transcende drapeaux et États-nations, même si ces derniers ont toujours – encore aujourd’hui- de tenter d’en maitriser ou capter le cours par tous les moyens. Comprendre ses cultures composites, entrecroisées et acculturées – sans cesse en mouvement, exige des modes de compréhension interdisciplinaires et renouvelés. Le parti pris de cet ouvrage pluridisciplinaire consiste à investir – à contrecourant des approches habituelles – les paysages qui ont forgés cette « culture matérielle » si fascinante.
Au lieu d’un récit historique et chronologique, le parcours dirigé par Susan Whitfield est structuré par des « paysages » : la steppe, les montagnes et les hauts plateaux, les rivières et les plaines, les déserts et les oasis, ainsi que les mers. « Le ciel est commun à tous, précise Whitfield mais il est présenté avec les mers en raison de son rôle dans la navigation maritime » Chaque paysage , véritables façonniers des cultures et des civilisations se révèle par les artefacts qui dessinent les communautés, les acculturations et les esthétiques : « Aucun voyageur qui laisse libre ses intuitions ne niera le fait, rappelle le préfacier Sellars, que sur la terre des traditions anciennes, il aura vu d’innombrables endroits qui chantent, pour ainsi dire, la légende de leur passé ».

Ce manteau d’enfant doublé, illustre par les matières et les motifs qui le composent les échanges et les mélanges entre les cultures. Il confirme que la mode faisait partie intégrante des interactions entre la steppe et les autres paysages. © Cleveland Museum Images

Des réseaux commerciaux qui ont charriés bien d’autres choses que la soie

Pour ceux qui ont lu le passionnant livre chroniqué par Singulars de Peter Frankopan et son « histoire du cœur du monde (2017), dont cet ouvrage constitue l’indispensable complément illustré,  sa directrice Susan Whitfield n’a pas peur de provoquer en affirmant d’emblée qu’il « n’existe pas, à proprement parler, de « route de la soie », lui préférant la notion de « système interrégional de réseaux et autres interactions en Afro-Eurasie de 200 av. J.-C. à 1400 apr. J.-C. environ … » Mais les mythes et légendes charriées imposent une dénomination bien au-delà de son invention en 1877, désormais couramment utilisée – voir réactualisée – depuis le début du XXIe siècle.
La force de ces « routes » commerciales est d’avoir servi à tout acheminer et pas seulement celle des produits de luxe ; des articles manufacturés aux matières premières (soie, fil, tissus, épices, métas, pierres semi-précieuses comme le lapis-lazuli, …) sans oublier esclaves et patrimoine immatériel (idées, technologies, religions, monnaies, voir musiques …).

Reliquaires chrétiens (saints Étienne, Jacques et Nicolas), provenant du trésor de la cathédrale de Halberstadt, en Allemagne. Argent dor © Schütze Rodermann akg-images

Un remarquable effort pour illustrer l’effervescence des échanges

Chacune de ces traces et leurs logistiques est éclairée, fouillée et illustrée, avec un effort particulier à la cartographie, la photographie et l’art de cet espace aussi historique qu’imaginaire. S’appuyant sur les découvertes les plus récentes, cette somme malgré sa mise en page aérée donne le vertige par les savoirs évoqués. Il se referme à chaque fois en laissant libre cours aux mythes, aux rêves et à l’indispensable nuance face à cette complexité dont beaucoup d’aspects économiques, logistiques restent encore à creuser au sens propre et figuré.
Indispensable pour comprendre les enjeux géostratégiques d’hier et d’aujourd’hui.

La laure de Saint-Sabas (Mar Saba), un monastère chrétien fondé dans le désert entre Jérusalem et la mer Morte en 483. Photo Yevgenia Gorbulsky Alamy Stock Photo

Références bibliographiques

Susan Whitfield (dir.) Sur Les Routes de la Soie, Peuples, cultures et paysages. Flammarion, 2019. 48 p. 69€

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