Cinéma VOD-DVD : L’Ombre de Staline, The Gentlemen, La jeune fille au bracelet
L’Ombre de Staline (Mr. Jones en VO), de Agnieszka Holland (2020)
avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard, Joseph Mawle (2h21)
L’histoire de Gareth Jones, lanceur d’alerte avant l’heure a fasciné Agnieszka Holland, réalisatrice polonaise férue de drames historiques. Celle qui a collaboré avec Andrzej Wajda et Krzysztof Kieslowski, a notamment réalisé en 1990 “Europa Europa”, l’adaptation des mémoires de Salomon “Sally” Perel, jeune juif qui s’infiltra au milieu des nazis dans la Wehrmacht afin de survivre.
Gareth Jones (1905-1935) journaliste anglais a tenté de dénoncer l’extermination par la faim (appelée “Holodomor”), orchestrée par Staline en Ukraine et au Kouban au début des années 30. Son témoignage fut étouffé par les attaques des partis frères dans toute l’Europe. Aujourd’hui connue et reconnue cette famine aurait causée entre 2,6 et 5 millions de morts. Gareth Jones fut également le premier journaliste étranger à rencontrer Adolf Hitler, son article visionnaire de mise en garde à son sujet n’eut pas plus de considération… avant d’être kidnappé et assassiné en Mandchourie sur ordre.
Avec “L’Ombre de Staline” Agnieszka Holland non seulement met en lumière le combat largement méconnu d’un lanceur d’alerte, mais surtout aborde le sujet brûlant de la liberté de la presse, de la fabrication de fausses informations et de son corollaire le rôle des journalistes.
Sobrement incarné par James Norton (révélé par la série “Happy Valley”), Peter Sarsgaard et Vanessa Kirby), ce film est une révélation passionnante de bout en bout, pour qui ne connaît pas ou pas suffisamment cet abominable épisode de famine sciemment organisée et les tentatives pour le dénoncer. Il faut saluer Agnieszka Holland de s’être emparée de ce sujet. En honorant la mémoire de Gareth Jones elle souligne l’importance cruciale de la défense de la presse et de son indépendance, ce qui par les temps de fake news elles aussi orchestrées est de salubrité publique.
The Gentlemen, de Guy Ritchie (2020)
avec Matthew McConaughey, Charlie Hunnam, Hugh Grant, Michelle Dockery, Colin Farrell, Jeremy Strong, Eddie Marsan et Henry Golding (1h53)
Le 5 février 2020 Guy Ritchie, l’homme des adulés “Arnaques, Crimes & Botanique”* et “Snatch”*, des très estimables “Revolver” et “RockNRolla”, des convaincants “Sherlock Holmes” et du réussi “Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E” (à quand la suite?) revenait aux affaires avec le phénoménal, l’excellentissime, le sensationnel “ The Gentlemen”.
Doté d’un casting 48 carats avec en tête de dazibao l’oscarisé Matthew McConaughey, suivi de très près par un Charlie Hunnam dont la perfection flegmatique mériterait un Nobel, acoquinés aux savoureux et contre employés de génie Hugh Grant et Colin Farrell. N’oublions surtout pas de nommer haut et fort Michelle Dockery (vue dans l’excellente et très recommandée série western Netflix “Godless” ainsi que pour ceux qui suivent “Downton Abbey”), Jeremy Strong (“Detroit” et “Les 7 de Chicago”) et le soutier de la bande Eddie Marsan, ….
Un générique plus qu’éloquent, pourquoi faire me direz-vous? Suivre les tribulations d’un dealer de la meilleure marie-jeanne qui soit qui souhaite vendre son affaire, profiter de sa retraite et se consacrer à sa femme vénérée. Défection qui lâche sans filtre les cupides dans l’arène. De sa faconde de ‘Tarantino’ british, Guy Ritchie a taillé un scénario cousu main, semé de séquences jouissives qui nous promènent, balisées de répliques cartoonesques balancées par des acteurs au parfum. Le tout est saupoudré d’une BO aux petits oignons. Vous en redemanderez.
La jeune fille au bracelet, de Stéphane Demoustier (2020)
avec Mélissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastroanni, Anaïs Demoustier, Annie Mercier, Carlo Ferrante, et Pascal-Pierre Garbarini. (1h36)
Ce troisième long métrage de Stéphane Demoustier (frère de la comédienne Anaïs Demoustier) est le “remake” français du film argentin “Acusada” de Gonzalo Tobal qui suit le procès d’une jeune fille accusée d’un meurtre.
Âgée de 18 ans Lise porte depuis deux ans un bracelet électronique en attendant d’être jugée pour l’assassinat de sa meilleure amie. Lorsque arrive le procès, seul son père, Roschdy Zem d’une minéralité fissurée, qui assiste aux débats semble être concerné par ce qui arrive à sa fille. La mère, Chiara Mastroanni, à demi dénuée d’empathie, s’esquive prise par son travail. Entre chaque séquence de tribunal, la vie de famille paraît suivre son cours, sauf qu’elle se fissure peu à peu et qu’un doute s’instille. Lise, Mélissa Guers révélation du film, pleine de cette « malgraciosité » maussade qu’un ado peut dégager, est-elle vraiment ce que ses parents croient…. Sans aller plus loin dans l’intrigue au sens propre et au sens figuré, nous avons là un des très bons films français de l’année.
Une de ses premières qualités ést de présenter le fonctionnement de la justice au plus près de sa réalité; Pascal-Pierre Garbarini qui incarne le Président du Tribunal est magistrat de métier. Ce qui lui confère profondeur et empathie quand il interroge parents, famille (Lise a un petit frère) sur la nature des enfants. Mais connaissons-nous véritablement notre progéniture?
Le film aborde avec finesse le questionnement de nos mœurs qui reste dans notre société sujet à caution morale et à même d’entraver la fameuse présomption d’innocence. La sobriété exemplaire de l’interprétation ainsi que de la mise en scène, assure à ce film d’être une passionnante étude de comportements embarrassés par leurs principes. Il mérite une bien plus large découverte que celle qu’ont pu lui octroyer les salles de cinéma.
#CalistoDobson