Littérature Le Grand Jabadao de Jean-Luc Coatalem (Le Dilettante)
Ecrivain-voyageur, celui que l’on surnomme « le gecko breton », Jean-Luc Coatalem s’essaie dans le roman policier, façon tonton flingueur. Le Grand Jabadao, son dernier récit nous transporte au fin fond du Finistère, et dans les coulisses du marché de l’art à la poursuite d’une toile inconnue de Gauguin. Un roman noir décomplexé pavé d’intentions littéraires.
Le gecko breton
Ce journaliste tout terrain se montre aussi à l’aise dans les grands hôtels que dans les gites les plus inconfortables, à l’instar du reptile capable de marcher la tête en bas et dans les positions les plus invraisemblables. Son journal, Géo, l’envoie deux ou trois fois par an aux antipodes.
Autant dire à l’autre bout de lui-même, tant Jean-Luc Coatalem est partagé entre les îles du Pacifique, et le sud-est asiatique. D’où ce surnom de gecko breton, qui signe ses origines celtes et son goût de l’exotisme.
Gauguin et Segalen, ses compagnons de route
Fils d’un lieutenant-colonel du génie, Coatalem a toujours bourlingué, au gré des affectations familiales, puis des reportages. Tahiti, Madagascar, il a trempé son pied dans tous les océans, et sa plume dans une vingtaine de romans. Mission au Paraguay, Le Dernier roi d’Angkor, et autres Beaux Horizons jalonnent un itinéraire qui donnerait le tournis à tous les Argos et Ulysse de la terre. Mais Gauguin et Segalen sont ses vrais compagnons de route qui balisent depuis toujours son horizon.
Une existence dopée de mille aventures
De ce double fanal, Coatalem a tiré deux livres : « Je suis dans les mers du sud » (Grasset, 2001), destination finale du génie de Pont-Aven, ainsi que « Mes pas vont ailleurs » (Stock, 2017), un récit épique sur les traces de Victor Segalen. L’un a été récompensé par le Prix des Deux Magots, et l’autre couronné par le Femina Essai. Quant à son dernier opus en mode majeur, La Part du fils, il a récolté les 10 000 euros du Grand Prix Jean Giono, après avoir raté Goncourt et Renaudot. Voilà ce qu’on appelle un homme de lettres, qui s’est construit « une existence dopée de mille aventures, loin des répétitions et de l’usure ».
Un roman noir pavé d’intentions littéraires
Toujours, l’écriture le taraude, comme un besoin de dire, et de “renaître au narcotique des latitudes”, dit-il joliment. Quitte à changer de registre et à plonger dans un roman noir, pavé d’intentions littéraires, il publie aujourd’hui Le Grand Jabadao. Ou les péripéties d’un galeriste parisien embarqué en Bretagne sur la piste d’une toile érotique, d’un peintre de Pont-Aven ou du Pouldu. Seul indice, la signature du tableau tient en trois lettres, « Pgo ». Les deux lascars propriétaires de ce trésor potentiel ont planqué leur butin dans une cabane sur une île de la rade de Brest, où il va falloir le dénicher.
Vêtue d’une robe en faux galuchat
Le frère de Jean-Luc Coatalem tient une galerie d’art dans le Faubourg Saint-Honoré, l’auteur connaît donc les coulisses et se régale à croquer des personnages dignes du Simenon des “Demoiselles de Concarneau”. On y croise le détective Frank Luduc, fumeur de cigares Panter Mignon, et une jeune femme originaire des Balkans vêtue d’une robe en faux galuchat. gecko breton.
Bref, on n’est pas forcé pour écrire de “s’asseoir et de saigner”, selon la formule d’Hemingway, on peut aussi se marrer. A 62 ans, il est devenu Ecrivain de Marine, un club de bourlingueurs à la plume iodée, et Coatalem entend bien décliner la fiction sur tous les tons, « ce formidable accélérateur de particules de la réalité« .
Parmi les derniers titres de Jean-Luc Coatalem : Le gouverneur d’Antipodia (Le Dilettante, 2012), Nouilles froides à Pyongyang (Grasset, 2013), récit de voyage hallucinant en Corée du Nord, Fortune de mer (Stock, 2015), Mes pas vont ailleurs (Stock, 2017), consacré à l’écrivain Victor Segalen, Sur les traces de Paul Gauguin (Grasset, 2017, reprise de « Je suis dans les mers du Sud ») et La part du fils (Stock, 2019, finaliste au Renaudot et au Goncourt).