[Littérature & Voyage] Fantaisie vagabonde, en Bretagne avec Flaubert, de Thierry Dussard (Paulsen)
En prenant prétexte de refaire le périple de Gustave Flaubert avec son ami Maxime Du Camp en Bretagne en 1847, Thierry Dussard, journaliste contributeur de Singulars, livre un récit de voyage, très personnel, une ‘fantaisie’ pertinente, mêlant considérations littéraires, géographiques et historiques dans une langue incisive.
Vagabonder peut être un travail sérieux
Comme beaucoup de Français, Thierry Dussard n’en pouvait plus d’être ‘confinistérisé’. Ce Savoyard établi de longue date en Finistère, amoureux de bibliothèque et de vins prend le prétexte de la redécouverte du « Par les champs et par les grèves », livre écrit à quatre mains par Gustave Flaubert à l’issue d’un périple de 700 km en Bretagne avec son ami Maxime Du Camp pour refaire le parcours des « provinces de l’Ouest »
Et son road trip – plutôt son tro Breizh- passionnant et savoureux pour les amoureux autant de littérature que de Bretagne. La lecture s’enrichit autant de la personnalité de « Gust » tant Dussard il le rend familier, que de l’évolution des paysages bretons à plus de 170 années d’écart. Tout est croqué avec panache dans une langue alerte, alors que sa femme Chantal qui l’accompagne, les capte elle à l’écart à l’aquarelle.
Un terreau prolixe de mémoire et d’histoires
En 1847, Flaubert n’a que 25 ans, il n’est ni l’auteur de L’Education sentimentale ni Madame Bovary. Mais il est plein de rêves de voyages et jalouse son grand ami Maxime Du Camp qui connaît déjà la Turquie. C’est d’ailleurs avec lui que Gust partira plus tard en Egypte. En attendant l’Orient, les deux compères pipes et baluchons au vent décident de partir à pied, de Clisson pour remonter jusqu’ à Fougères, sans oublier Quimperlé, « venu au monde pour être un sujet d’aquarelle ». Comme eux, Dussard a vite choisi « entre le repli et le grand large ».
Légendes, sites, monts et merveilles, tout devient sujets cocasses, d’enivrements ou de déceptions, tout est objet de discussion entre les compères, et d’échanges entre deux générations d’écrivains voyageurs. Celui qui se définit lui-même comme un simple ‘écriturien’ tient le rythme face au Gust du gueuloir !
Parmi nombre réflexions stimulantes, prises au vol de la lecture : « Le bovarysme serait-il le kilomètre zéro du féminisme, le versant solaire du désir de s’élever au-dessus de sa condition, et la volonté de sortir des ornières d’un destin tout tracé ? »
Exerciter son esprit
Ce voyage initiatique en Bretagne de Gust s’avère « un élixir de littérature buissonnière, s’enthousiasme Dussard qui restitue à merveille les ressorts d’un auteur qui se cherche. C’est du brut de Flaubert, qui pétille tel un cidre breton, ou normand, on ne sait de quel tonneau. Voilà ‘la première chose que j’ai écrite péniblement’. De la Bretagne, il conserve un souvenir mitigé, et chardonne son récit de piques et d’épines. »
Au fil de la lecture, l’invitation de Flaubert à « exerciter » son esprit permet au journaliste de stimuler sa curiosité et sa capacité d’observation et d’enthousiasme. Sa bienvaillance tranche sur le fiel constant de Gust.
Les découvertes sur les contrées visitées, sur le work in process de l’écrivain voir l’intimité du couple Dussard sont autant « de grands départs » que d’ouvertures « à tous les ailleurs possibles ». Au point et c’est toute l’ambivalence de cette ‘fantaisie vagabonde’ qu’on ne sait plus si on voyage pour écrire ou on écrit pour voyager. « Livres et voyages sont intimement liés, conclut Dussard, ils préparent, accompagnent et prolongent, ou remplacent parfois nos chères évasions vagabondes ».
Tant que circuler et lire sont autorisés, ne nous privons pas de cette liberté et du plaisir de l’aventure et de l’action. Et de suivre @ThierryDussard dans ses pérégrinations.
#OlivierOlgan