Aliette de Laleu, Mozart était une femme, histoire de la musique classique au féminin (Stock)
Une « désinvisibilisation » exemplaire
Toutes les initiatives qui contribuent à « désinvisibiliser » les artistes femmes – de l’histoire des arts, de la peinture à la musique, de la photo au cinéma, trop souvent écrite par des hommes pour des hommes– sont utiles et nécessaires. En se multipliant – des livres aux festivals, des biographies aux expositions – ces « inclusions » ouvrent de nouvelles et passionnantes perspectives, permettent de sortir d’une ombre injuste des personnalités lumineuses.
Difficile à quantifier la cohorte d’artistes restées dans l’ombre
Cette « féminisation » de l’art en général et de la musique en particulier comme le montre Aliette de Laleu, dans son « Histoire de la musique classique au féminin« , « Mozart était une femme » (Stock – Flammarion Champs) ne fut ni linéaire, ni progressive, elle a connu des épiphanies et des reculs. Sans oublier le rapport très codifié à l’instrument, le violoncelle est indécent parce que joué jambes écartées, le clavecin ou la harpe avec les sonorités aiguës sont plus « féminines »…
Déconstruire des clichés tenaces
Des stars du baroque aux « révolutionnaires » du classique, des « guerrières romantiques » aux « modernes confiantes », toute une galerie de musiciennes accomplies et souvent reconnues à leur époque, derrière quelques noms qui ont échappés à l’ostracisme, pas forcément pour de bonnes raisons, Hildegarde de Bingen, Anna Magdalena, Pauline Viardot, Fanny Mendelssohn, Nadia Boulanger … que de destins artistiques et professionnels – musiciennes, chanteuses, ou compositrices – captent enfin la lumière pour leur art, à commencer par Maria Anna Mozart (dite Nannerl) compositrice prodige comme son frère qui aurait pu devenir aussi célèbre que son frère sans le poids des conventions sociales, … et encore l’histoire a retenu son nom à la marge , mais derrière elle combien de talents anonymes, …
Pour cette première synthèse volontairement grand public, difficile de les citer toutes, Franscesca Caccini, Elisabeth Jacquet de la Guerre, Hélène de Montgeroult, Louise Farrenc, Cécile Chaminade, Germanie Tailleferre, Marian Anderson , Ethel Smyth, … tout un « matrimoine » effacé que l’auteur attribue principalement à la musicologie du XX siècle.
La musicologie, qui naît au début du XXe siècle, se présente d’emblée comme une discipline très masculine, qui a mis spontanément au panthéon des noms d’hommes. C’est là que commence à s’écrire une certaine histoire, celle des grands compositeurs comme Bach, Beethoven, Mozart ou Schubert.
Les préjugés sont tenaces
Attention aux formules « jouer comme un homme » dans les commentaires du jeu pianistique, ou les « genres » de compositions. «Les compositrices sont bloquées dans ce dilemme : soit elles restent dans les genres «féminins» mal considérés soit elles affrontent comme Louise Farrenc des genres «masculins» comme la symphonie ou l’opéra, où elles sont aussi dénigrées car virilisées négativement, dépossédées de leur féminité. »
La chroniqueuse sur France Musique assume d’avoir posé une première pierre, dans son émission, elle poursuit le travail de retrouver les noms des musiciennes oubliées et de leurs œuvres avant d’aller chercher les partitions. Si cette réhabilitation exige des efforts considérables, elle est en marche. Si un équilibrage est en marche, les derniers chiffres officiels venus de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et du ministère de la Culture comptent moins de 5 % de compositrices programmées dans les festivals et les salles de spectacles en France. Sans oublier la double peine que les compositrices contemporaines pâtissent aussi de l’image élitiste de la musique. savante !
Il y a toujours des risques de régressions, le tenant du « patrimoine » se contentant que rarement du statu quo…
Olivier Olgan