Arte Le monde de demain, la série sur le groupe NTM et le Hip Hop
Après Suprêmes, le film sortie en 2021, la série de 6 épisodes sur Arte, Le monde de Demain retrace avec ferveur et fièvre la naissance de NTM, dans les années 90 où le Hip-Hop faisait ses premiers pas en France. Au-delà de l’éclosion du duo Joey Starr et Kool Shen la série de Katell Quillévéré et Hélier Cisternere retrace l’évolution explosive de la culture Hip-Hop sans oublier la graffeuse Lady V et le DJ Daniel Dee Nasty véritable introducteur du mouvement en France ébloui par les précurseurs américains de la Zulu nation.
Naissance d’un groupe unique
Retour en arrière au cœur de la cité Allende en Seine Saint-Denis, le petit Bruno Lopes alias Kool Shen joué par Anthony Bajon et Didier Morville alias Joey Starr (Melvin Boomer) sont le point de départ d’une aventure collective qui les dépasse. Tandis que Bruno, avec sa coupe mulet, rappelant une mode qui ne manque à personne, joue au football en espérant rejoindre un centre de formation (enfin son père l’espère vraiment lui). Didier, est plus occupé à voler des portefeuilles et des voitures en séchant les cours. Son père est l’image incarnée d’un tyran, faisant preuve d’une violence monstrueuse tant dans ses paroles que ses actes, n’hésitant pas à sortir sa ceinture pour montrer à son fils qui commande à la maison.
C’est par hasard que les deux gamins se retrouvent dans un show Hip-Hop qui va les bouleverser, les poussant à se mettre au break dance, assidus comme jamais, ils vont être piqués par une passion qui définira leur destin.
Une aventure collective filmée comme un bouillonnement culturel
« Les membres de NTM sont passés par la danse, le graff, puis le rap. Dee Nasty a été un pionnier. Suivre leur parcours permettait d’explorer le mouvement dans toutes ses dimensions, de reconstituer sa « grande histoire » – celle d’une génération, issue de milieux populaires, privée d’accès à la parole publique, qui s’est réapproprié une culture pour s’imposer » explique Hélier Cisterne, coréalisateur de la série avec Katel Quillévéré.
Une approche globale du mouvement
La série souligne que Kool Shen et JoeyStarr ont d’abord commencé par la danse, puis le graff, avant de devenir d’être des MC’s de haute voltige. Selon Katel Quillévéré, le casting « mêle acteurs professionnels, jeunes issus du hip-hop et personnes castées dans la rue. Ils ont appris à danser, rapper, graffer, scratcher… ».
Si le Hip-Hop est un milieu majoritairement dominé par les hommes depuis ses débuts, Lady V (Laika-Blanc Francard) fait un pied de nez à ce stéréotype. Elle laisse sa trace à coups de graffitis dans le quartier des Olympiades (berceau du street art parisien). « La série rend hommage à leur force, sans minimiser la misogynie du milieu, toujours d’actualité, et invite les filles à s’interroger sur ce qu’elles veulent vraiment » confie Katel Quillévéré.
Daniel, DJ Dee Nasty le précurseur
DJ Dee Nasty (Andranic Manet), le passionné de musique qui ramène la vague Hip-Hop dans l’Hexagone. C’est lui qui enregistre en 1984 « Paname city rappin’ », le premier disque de rap français. Les disquaires pensent alors que cette musique ne va pas faire long feu. Daniel raconte « pour la plupart des gens, la mode était déjà passée. Les magasins n’en vendaient plus, l’émission de télé H.I.P.H.O.P. s’est arrêtée… Mais on a trouvé la force de continuer, parce qu’on était une communauté ».
Afin de reconstituer l’aspect historique de la série, qui se déroule entre 1983 et 1989, la réalisatrice Katell Quillévéré raconte : « avec notre chef-opérateur Tom Harari, on s’est inspirés du cinéma social anglais des années 1980 (Alan Clarke, Ken Loach) et des photographies de Tom Wood, Nick Waplington et Richard Billingham. Nous avons constitué une large base d’archives, retrouvé des images, des sons, des détails sur les personnages et les décors réels de cette histoire ».
Un réalisme franc, décalé par rapport aux légendes
Réaliste, l’ambiance émergente des années 80 est minutieusement retranscrite, que ce soit à l’image ou au son. La série prend son temps – ce qui est plutôt une qualité – pour poser les bases et la dynamique d’une culture qui a mis du temps à exploser. Elle dégage bien la vérité des personnages, d’autant que les acteurs sont à la hauteur notamment Andranic Manet (Daniel) et Anthony Bajon (Kool Shen). Avec un point faible, s’il sait bien danser, Melvin Boomer n’arrive pas à transmettre le charisme et le magnétisme pour rendre vraiment crédible le Joey Starr qu’il est censé devenir. Comme circonstance atténuante, il faut remarquer qu’il n’est pas si facile d’incarner le bad boy, l’intéressé n’a d’ailleurs pas manque de se démarquer avec rudesse du résultat, alors qu’elle recevait en septembre, le Grand Prix du Série Mania de Lille !
La série importante sur notre histoire culturelle et sociétale se regarde avec plaisir et nostalgie pour les amateurs du Hip-Hop « old school ». Le rap s’est maintenant imposé comme le genre musical numéro 1 dans le pays, devenant notre variété française.
Citations recueillies par Jonathan Lennuyeux-Comnène.