Vins & spirits
Assignan, rareté rurale et viticole, devenue destination internationale
Auteur : Christian Goutorbe
Article publié le 18 mai 2018 à 10 h 23 min – Mis à jour le 31 mai 2018 à 0 h 26 min
La toute première cathédrale viticole languedocienne est une bouteille couchée au milieu des vignes. Elle est sortie de l’imaginaire d’un architecte belge, Lionel Jadot, grâce à un couple d’entrepreneurs Marc et Tine Verstraete. Depuis, Assignan, entre Béziers et Carcassonne est une rareté rurale et viticole, devenue destination internationale.
Un geste architectural audacieux
Entre Saint Jean-de-Minervois réputé pour son Vin Doux Naturel de petite altitude et Saint Chinian, appellation reconnue, voici donc la « nouvelle bouteille du domaine Château Castigno ». C’est un chai, dans le concept de la cave au milieu des vignes. La conception et la réalisation de cette « cathédrale couchée » du vin sont signées de l’artiste-architecte belge Lionel Jadot. Cet autodidacte (c’est ainsi qu’il s’auto-définit) est passé par l’histoire de l’art et le design de sièges avant de s’adonner à sa passion, l’architecture. Il s’était déjà fait remarquer en signant « Rural » l’ambassade gastronomique parisienne de Marc Veyrat. « C’est un geste architectural parfaitement intégré dans le paysage avec pour ligne d’horizon les vallons du parc naturel du Haut Languedoc. Pour ce chantier, nous avons utilisé de nombreux matériaux de récupération, dont c’est la deuxième vie » explique le créateur qui a su convaincre Marc et Tine Verstraete de faire sortir de terre cette bouteille qui permettra de recueillir le raisin, de faire le vin, de le stocker et de le laisser vieillir dans un caveau enterré au design épuré.
Pour solliciter les sens et les papilles des visiteurs
« L’étude que nous a présentée Lionel Jadot était de loin la plus séduisante » rappelle Marc Verstraete. Cette bouteille était vraiment une bonne idée. C’est un projet qui nous a pris cinq ans. Je dois avouer que le résultat est à la hauteur de nos souhaits. Lorsque de retour d’Uruguay, où nous vivons le reste de l’année, nous avons découvert le chai, j’avoue que nous avons eu, ma femme et moi, les larmes aux yeux ». Avec Tine, ils exploitent le domaine viticole de Château Castigno depuis dix ans après avoir eu un véritable coup de foudre pour cette bâtisse décatie, ce château du bout du monde et dont personne ne voulait à cause de son isolement. « Nous venions de faire le tour du monde pour trouver le vignoble dont nous rêvions. poursuit Marc Nous avions à peu près visité tout ce qui était disponible en Bourgogne, en Provence, dans le Bordelais, en Espagne, en Italie et même en Nouvelle-Zélande. Et puis il y a eu la route, cette route qui conduit à Castigno. Là, instinctivement, j’ai compris que ce lieu était pour nous, que la poésie de l’endroit parlait déjà à Tine. Dans la voiture, je lui ai pincé très fort la cuisse pour qu’elle n’exprime pas l’enthousiasme qu’elle ressentait déjà ». Pour ne pas altérer la capacité de négociation ! « C’est justement cet isolement qui nous a conquis. A perte de vue, depuis le château pas une seule maison, pas même un bâtiment. C’est ce que nous recherchions. D’être seuls après avoir passé la majeure partie de notre vie au milieu de beaucoup de monde, en permanence » ajoute-t-il.
Toujours à Assignan, dix ans après la foudre sur la route de Castigno
Les Verstraete sont des esthètes hyperactifs et mécènes fortunés, après avoir revendu leur réussite industrielle européenne en Belgique. Depuis, ils ont quasiment abandonné la Belgique pour devenir citoyens uruguayens et développer Assignan.
Du château de Castigno, ils ont fait un petit chef d’œuvre d’art contemporain et de déco, la dévorante passion de Tine. Et cette passion-là, poussée à permanente ébullition, a fini par déborder, comme le lait sur le feu, sur le bourg voisin : Assignan, 130 âmes à l’époque, village engourdi entre Béziers et Carcassonne dont ils ont racheté, les unes après les autres, les maisons aux volets fermés, pour les rénover. « C’est une complète métamorphose qui s’est opérée en l’espace de cinq années. La voirie a été refaite et les voitures ont été virées du cœur du village. C’est un total changement de destination d’un village » s’exclame cet habitant qui a vu sous ses yeux, Cendrillon se transforme en princesse du tourisme international, pour accueillir à bras ouverts et séduire les visiteurs passionnés d’oenotourisme, sensibles à l’harmonie des lieux et au luxe rural. Ils ont ouvert sur place trois restaurants, un hôtel de 26 chambres et des gîtes. Plus un spa, une galerie d’art contemporain, une épicerie fine, là où pendant plus de vingt ans, on se ravitaillait auprès d’un marchand ambulant qui passait une fois par semaine. Plus une « wine school », une école du vin pour découvrir les subtilités papillaires des flacons de Castigno, le cru qui se pousse du col parmi les belles signatures de l’appellation Saint Chinian. Tout ça…
Un restaurant gastronomique en perspective
Mais pas de signal pour les téléphones portables. Sauf deux ou trois positions acrobatiques tout prés du boulodrome. De quoi proposer une cure digital détox. « Au départ, on cherchait un tout petit domaine de deux ou trois hectares pour vinifier quelques milliers de bouteilles seulement. Et on se retrouve à gérer un domaine de 130 hectares. Plus un hôtel et trois restaurants. C’est quand même beaucoup » s’exclame Tine avec une pointe d’ironie. Les deux néo-uruguayens jurent qu’ils vont s’arrêter là. Mais on les croit à moitié quand on entend leurs tempéraments. « Notre objectif désormais, c’est d’installer ici et durablement un grand restaurant gastronomique » souffle Tine, poussée dans ses retranchements. Et là, pour le coup, c’est un nouveau chantier immense qui s’ouvre devant Château Castigno. Comme un nouveau défi pour rendre compte de l’harmonie de vivre à Assignan, dans le sillage de Château Castigno.
Le paradoxe belge
Ce n’est pas le « French paradoxe », c’est le « Belge paradoxe d’Assignan ». Les Verstraete sont réservés et n’aiment pas forcément être pris en photo. Mais ils ont quand même réussi, par trois artistes interposés, à convaincre les habitants du village, les viticulteurs du cru et les acteurs de la destination à poser pour une exposition de plus de cent trente clichés disséminés dans le village et dans la campagne comme autant d’étapes sur le chemin défoncé de Château Castigno et surtout de son chai magistral, recouvert d’écailles de liège. « Ces écorces, comme on peut les découvrir quand on récolte le liège en Espagne et surtout au Portugal, c’était pour nous comme une évidence pour habiller notre chai. Il n’y avait pas meilleure couverture de l’édifice pour parler de vin dans ce paysage grandiose » explique Tine qui a eu l’idée de ce revêtement nature dans une ambiance de viticulture biologique et respectueuse de l’environnement.
Ce que l’on trouve à Assignan
Les expériences villageoises de « destination Castigno ».
La maison « Castigno » propose 26 solutions de logement à Assignan (Hérault) dans le cadre d’un hôtel éclaté dans tout le village au gré des restaurations. Décoration subtile et mise en valeur du patrimoine local dans les suites Prestige installées dans d’anciennes écuries (à partir de 290 €) la nuit. A l’entrée, du village, l’ancien logement des vendangeurs est devenu la maison des amis. Chambre pour deux à partir de 170 € la nuit. Ou bien maison d’amis pour se loger en famille (à partir de 1900 € la semaine).
-Trois restaurants permettent de conjuguer bistronomie à base de produits locaux et convivialité toujours dans l’esprit déco. La « Petite Table » est en mode Tapas. « La Table » propose des plats traditionnels. Thaï, restaurant exotique complète l’offre dans le sillage immédiat de la place du village, théâtre de toutes les centralités.
-Destination Castigno propose une série très complète de découverte du terroir : pique-nique musical en pleine nature, randonnées en vélo à assistance électrique agrémentées d’un repas vigneron servi au milieu des vieilles vignes du domaine.
-Séance formation à la fabrication de pain, studio de céramique, massages au coucher du soleil, cueillette des herbes aromatiques avec les chefs complètent l’offre d’expériences villageoises.
Evènements : festival de Musique Classique dans le village à la mi-juillet. (du 11 au 15 en 2018).
-Tribu : trois photographes ont été invités pour fixer l’instant des acteurs de Château Castigno. Ces « toiles » de portraits et d’images de chai sont accrochées dans le village et disséminées en mode land art dans le paysage (jusqu’en septembre prochain).
-Destination Castigno à Assignan (Hérault) prés de Saint Chinian. A 30 minutes de Béziers et de Narbonne. A 45 minutes de Carcassonne.
Adresse : Château Castigno à Assignan (34360). 04 67 24 26 41.
La passion du vin selon Castigno…
Les Verstraete sont arrivés à Assignan par la pure passion du vin. En dix ans, ils ont réussi à construire une gamme pertinente de neuf cuvées, essentiellement en AOC Saint Chinian pour les 40 hectares actuellement en production : rouges, blancs, rosés et pétillants. Les plus réputés sont Château Castigno en rouge (grenache, syrah, carignan) et en blanc (roussane, grenache).
Tarifs : entre 25 et 27 euros selon les points de vente. La destination dispose d’une wine School où l’on s’initie à la dégustation (Sur rendez-vous).
La collection des vins de Château Castigno est dirigée par Paul Bonno responsable oenotourisme à Castignon, expert en vinification et en bonne humeur. Natif de Fronton, il vinifie aussi pour lui à Collioure. Et il est aujourd’hui le maître de toutes les cérémonies dans la fameuse cathédrale-chai de Castigno. En attendant une fort prometteuse future récolte 2018 sur les parcelles actuellement en production dans le sillage du Château du XIIème siècle.
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