Atlas historique de la Terre et de son usage par les humains, dir. Christian Grataloup (Les Arènes)

Les Arènes, 340 p., 29,90 € – accès aux cartes numérisées

Après l’Atlas historique mondial et de la France, et , l’équipe réunie par le géohistorien Christian Grataloup réussit le tour de force de dessiner en 300 cartes éclairantes une synthèse de l’évolution de la planète sous un angle pratique, celui « de son usage par les humains ». Autant dire matière à réflexions et responsabilité, le propos va bien au-delà des grandes étapes de la formation du globe et de nos civilisations pour cerner les enjeux les plus contemporains (anthropocène, épidémies, énergies, eau, climats,…). Les commentaires mêlent habilement géologie, géographie et histoire humaine pour un voyage vertigineux de 13,8 milliards d’années, où le destin de la Terre et des humains sont intimement liés.

Lutter contre l’amnésie

Vertigineux, cet ouvrage l’est à bien des égards; par son ambition, mettre en perspectives la disjonction nature/homme éclairée des savoirs géophysiques et biologiques et ceux sur les sociétés humaines les plus étayés, la profondeur historique insufflée aux défis et aux débats sociétaux actuels en réunissant les savoirs,  enfin, sa clarté, avec son système de double page, pour tirer parti de l’enchevêtrement des temporalité, ici le passé ne peut être mis en perspective qu’à partir du présent.  Inscrit dans la longue tradition des encyclopédies, une différence l’en distingue pourtant fondamentalement  « présentés sans nostalgie, ni illusions futuristes. On trouvera ni une humanité muée par un progrès continu, ni un monde aveugle courant à sa perte, mais des dossiers dans leurs longe temporalités » insiste Christian Grataloup dans son introduction. Cadrer large tel est la dynamique de la simultanéité des enjeux contemporains. La carte rappelle que nous sommes plus que jamais connectés au monde .

La force de l’infographie de l’Atlas historique de la Terre, dirigé par Christian Grataloup

Un renouvellement de l’esprit encyclopédique

On n’arrête pas de le discriminer pourtant l’objet papier favorise le recul au rythme d’un sujet par double page. Le principe de la double page autonome : elle permet à chacun de saisir de façon synthétique et simultanée un thème sans autre donnée que la carte et la notice. Le feuilletage aléatoire ou linéaire, permet un vagabondage et des rapprochements éclairants. même si le plan reste chronologique. Les neuf périodes choisies pour structurer l’atlas résume à la fois notre Histoire et le champs de possibles devant nous : du Big Bang à la planète Terre, du noyau à la stratosphère, une planète de la vie, l’animal humain, les domestications, la grande période agricole, la mondialisation des ressources, l’ère du carbone fossile, enfin, la planète saturée.

Créer des liens entre les territoires. Atlas historique de la Terre, Christian Grataloup

La planète saturée, le dernier chapitre défini de façon éclairante l’Anthropocène ; il cristallise les défis à relever (énergies nucléaires et renouvelables, guerres, déplacements humains, défis sanitaires, océan, eau, …  Les deux doubles pages, « La Terre, enjeu politique à l’échelle de l’humanité » et « Protéger la Terre » (celle des villes et des champs), certains les liront comme un départ de réflexions, d’autres comme une alerte à agir plus radicalement. La force du livre est de laisser chacun s’en emparer.

Se poser les questions pertinentes, Atlas historique de la Terre, Christian Grataloup, Les Arènes

La carte donne à voir les choses de façon synchrone.

Cette organisation par « plan » permet de synthétiser les repères chronologiques et la priorisation des enjeux. De cette histoire entre la nature et l’homme, le lecteur peut faire la part des choses entre les phénomènes géologiques et naturels – de la tectonique des plaques aux ouragans – et l’impact « des usages par les humaines » – énergies, eau, forêts, vieillissement ou déplacements des populations… L’émergence de l’anthropocène s ‘impose aussi bien dans « une réalité stratigraphique » (une double page dans la série « Histoire des sciences » autre nouveauté d l’ouvrage  lui est dédiée) que par la multiplication des impacts de la présence humaine.

Le curieux peut prolonger ou partager ses connaissances sur écran.
Comme pour les atlas précédents (Monde, et France) les cartes sont désormais toutes accessibles sur écran ou pdf sur le site de l’histoire. L’éditeur a sa chaîne YouTube Les Arènes du savoir sur laquelle de petits films animés visent d’autres publics.

Sortir du cadre, via l’Atlas historique de la Terre, dirigé par Christian Grataloup, Les Arènes

Mettre en scène un récit en images

Le retour à la « planisphère » dans toutes ses dimensions facilite une approche holistique en s’appuyant sur la force des visuels (cartes, infographies) et la précision de courts textes balayant les frontières entre les disciplines, pour mieux cerner les forces qui contribuent à façonner notre planète… depuis 13,8 milliards d’années. Fidèle à sa démarche d’être à la croisée de nombreuses sciences sociales, déjà éprouvée par les atlas historiques de la France et du monde,  l’équipe pluridisciplinaires réunie par le géo-historien Christian Grataloup transcende les vieilles notions de la géographie et de l’histoire pour une dimension spatiale de la planète et de ses territoires – et historiques des écosystèmes naturels ou sociaux.

Changer de perspectives sur l’anthropocène avec l’Atlas historique de la Terre, dirigé par Christian Grataloup, Les Arènes

L’invitation au voyage est vertigineuse, scandée par l’apparition de la vie,  l’émergence et la disparition des sociétés humaines et de l’impact des activités humaines sur la planète, mais aussi des questions plus décalées, comme la double page s’interrogeant sur « Une vie meilleure ?  » en associant les grandes innovations (machines, ou vaccins) le destin de notre espérance de vie ….

A chacun de se forger à son récit national, à partir d’un récit planétaire, en toute connaissance de causes d’une vision de l’histoire de la Terre grâce à l’ensemble des dimensions géopolitiques et environnementales associées. Il est temps sortir d’une mémoire de moineau, et de donner une perspective à l’histoire : cet Atlas nous y incite. En prenant le recul nécessaire.

#Olivier Olgan