Voyages
Au Château de La Motte Tilly, les légumes bios sont princiers
Auteur : Robert Mauss
Article publié le 22 janvier 2021
Coté cour, le château de la Motte Tilly situé entre Provins et Troyes reste fermé jusqu’à nouvel ordre. Coté jardin, son remarquable potager est toujours accessible chaque mercredi aux gourmets initiés. En soupe, en accompagnement ou simplement tel quel, les légumes bios de La Motte Tilly, savoureux, gouteux, et même pas chers, méritent les kilomètres hebdomadaires du journaliste de Singulars.
Petite plongée dans l’histoire
C’est un charmant château XVIIIème ornement d’une triste plaine entre Provins et Troyes, juste aux confins de la Seine et Marne et de l’Aube. Une colline plus loin, à une dizaine de kilomètres on perçoit nettement les volutes blanches de la centrale nucléaire de Nogent sur Seine. Plus loin, les pales des éoliennes tournent de manière erratique et foutent le paysage en l’air. Certes en 1754, les lignes à haute tension ne dérangeaient personne, et certainement pas l’abbé Joseph Marie Terray (1715-1778), contrôleur général des finances de Louis XV lorsqu’il demande à l’architecte François Nicolas Lancret (1717-1789) d’édifier le château et son parc à La Motte Tilly petit village des bords de Seine. Le château est construit sur les ruines d’une forteresse médiévale.
Du chateau au Domaine
Forcément perspicace, le lecteur de Singulars aura d’emblée compris que l’abbé Terray n’est pas Nicolas Fouquet et que le château de la Motte Tilly, petit bijou à la française et son parc bien ordonné, n’a rien à voir avec Vaux le Vicomte, ce bijou du patrimoine national.
Avant de parcourir les allées du château, achevons son histoire. Une suite de mariages fait que La Motte Tilly devient en 1910 la propriété d’un comte de Rohan Chabot, rejeton d’une des plus anciennes familles du pays. Le comte restaure le château en se basant sur une documentation d’époque. Le parc de 1 080 hectares profite d’un travail de paysager assez remarquable avec une succession de terrasse en pente douce jusqu’à une grande pièce d’eau, ce qui vaut au domaine d’être classé monument historique en 1946. Les promeneurs passent d’un parc rectiligne à la française aux délices d’un jardin anglo-chinois.
Les témoins affirment que les Rohan Chabot furent heureux et davantage au château jusqu’au décès en 1972 de la marquise de Maillé, la fille du comte. Sans héritier, la marquise lègue son domaine à la Caisse Nationale des Monuments Historiques, (désormais Centre des Monuments nationaux) à la condition expresse « que le château ne soit pas habité, mais simplement visité, et reste meublé tel qu’il est aujourd’hui pour que le visiteur, au-delà de la simple curiosité ait le sentiment d’une présence ». Joliment dit, et respecté encore aujourd’hui.
Un château de famille
Bien sûr, des visites guidées permettent de découvrir l’intérieur du bâtiment. Un château de facture classique, avec ses pièces en enfilade, « mais, souligne Franck Gérard, le responsable des Monuments Historiques présent à La Motte Tilly, la marquise de Maillé avait complètement restauré et modernisé le château. Les chambres ont chacune une salle de bain et le bâtiment profite du chauffage central. »
Le visiteur ne doit pas s’attendre aux fastes de Versailles. Mais il pourra savourer de jolis meubles dus au ciseau d’excellents ébénistes, d’une joilie bibliothéque et d’un cabinet de curiosités. Avant de profiter du parc et de ses avantages : l’orangerie où se donnent des concerts, les pièces d’eau où des cours de pêche sont organisés, un tilletum, rassemblant près de 80 tilleuls d’espèces différentes et le nec plus ultra du parc, le jardin potager, issu d’une heureux partenariat en 2018, avec l’association Chlorophylle.
Au fond du parc, un potager d’exception
Un petit panneau de bois indique au visiteur l’entrée de la plantation protégée par des murs hauts de trois mètres. L’entrée et libre et sous les yeux émerveillés de l’amoureux des cucurbitaceae, brassicacées, solanacées, amaranthaceae et autres apiacées sur plus d’un hectare, s’offre un potager d’exception.
Plantées selon une géométrie impeccable, les carrés de légumes se succèdent sur plus d’un hectare. Choux, pommes de terre, carottes, betteraves, salades, endives, radis … Jaune, vert, blanc, noir, orange, rouge, chaque légume expose ses couleurs dans le respect absolu des saisons. Bien sur le printemps et même l’été sont les saisons les plus favorables pour visiter La Motte Tilly et son potager. En plus des légumes, le visiteur profite alors de la floraison des ‘’petits fruits’’, ces baies rouges ou noires, croquantes et juteuses à souhait.
Le mercredi surtout arriver à l’heure d’ouverture !
L’hiver mérite également la visite. Surtout le mercredi matin quand le potager commercialise ses légumes dans un l’un des pavillons du château. David Fessard a toutes les raisons d’être fier du potager qu’il dirige. Ce paysagiste a redonné vie à un site laissé à l’abandon depuis des lustres. « Heureusement, nous avons trouvé les plans d’époque pour reconstituer le potager » explique-t-il.
Depuis trois ans, le potager produit des légumes aussi bio que bons. La preuve ? L’auteur de ces lignes pour qui bio rime avec bobo, ne peut plus s’en passer. Il ignorait jusqu’ici que les pommes de terre, légume terne par excellence, pouvaient être succulentes. D’ailleurs, il n’est pas le seul à faire la route. Il faut arriver tôt pour être certain d’être bien servi. Pas de pitié pour les retardataires. Le potager produit ce qu’il produit, et rien de plus.
La réputation locale des produits est telle que l’association Chlorophylle sert maintenant des restaurants renommés de la région, et organise des tournées de livraison dans les villages du coin.
Détail qui compte, les prix restent raisonnables : à peine plus élevés que dans les hypermarchés des environs mais autrement plus accessibles que sur les marchés parisiens longtemps fréquentés par le journaliste de Singulars. Comptez 25€ pour un gros panier suffisant pour nourrir deux personnes pendant une semaine.
Une œuvre sociale
David Fessard peut également se féliciter d’une activité qui emploie dix personnes. Le Centre des Monuments nationaux a passé un contrat avec Chlorophylle, association de réinsertion de personnes sans emploi pour cultiver le potager et entretenir le parc du château. Non seulement les jardiniers dirigés par David plantent les choux, les carottes et les navets, mais ils veillent aussi sur les tilleuls qui font la gloire du parc. Ils tondent les pelouses et taillent les haies.
Tout le monde y trouve son compte. A commencer par les employés de Chlorophylle, ces brisés de la vie qui retrouvent le gout du travail et une raison d’être. Selon David, les deux-tiers retrouvent du travail ou s’engagent dans des formations de longue durée.
La bande de David étend ses activités.
En projet, la plantation de pommiers et de poiriers le long du grand mur qui protège le domaine de La Motte Tilly. Et puis, il y a toujours du travail et les idées nouvelles : Des serres à restaurer. Des gosses à instruire des merveilles de la nature. Des expériences à partager avec la centaine de jardins-potagers du même genre qui existent en France. Des légumes et des herbes à préparer pour la saison qui vient.
Comme cet hiver aura bientôt passé son tour, j’avoue sans honte mon désir absolu de déguster la production du printemps : tomates, fèves, petits pois. Quitter temporairement les légumes du pot au feu pour accueillir le bouquet destiné aux navarins et aux salades des beaux jours.
Informations pratiques sur le Château de la Motte Tilly et son potager
Le site Château de la Motte Tilly
Adresse : 10 400 La Motte Tilly Départemental 951
Contact : Tel : 03 25 39 99 67 – Château-mottetilly@monuments-nationaux.fr
Si les visites du château sont arrêtées, les activités du potager sont toujours maintenues.
Horaires du parc et du potager :
Du 15 octobre au 14 avril, du mercredi au dimanche 10h à 17h
Du 15 avril au 15 octobre, du mercredi au dimanche 10h à 18h
Entrée gratuite
Visites du château : 8€, 6,50€ visites de groupe, gratuit pour les jeunes de moins de 26 ans.
Pêche sur réservation.
Résa : 03 25 39 99 67
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