BD, concert et essai : Il était une fois Beethoven, Penet, Orsenna, Demarquette, Dalberto
- Beethoven, Le prix de la liberté, Régis Penet, (avec Bande son) La Boite à Bulles 22€
- La passion de la fraternité, Beethoven, Erik Orsenna, éditions Stock/Fayard. 180 p., 19,50€
- Il était une fois la Neuvième, Concert 24 mai 2021 à 19h, Théâtre des Champs Elysées… avec le Trio Fidélio, Henri Demarquette violoncelle, Michel Dalberto piano et Erik Orsenna récitant
Si l’année Beethoven a été gâchée par la COVID, elle cristallise de jolies réussites ; comme cette BD signée de Régis Penet, Beethoven, Le prix de la liberté, l’essai savoureux voir espiègle d’ Erik Orsenna, La passion de la fraternité, qui se prolonge par un concert le 24 mai au TCE avec Henri Demarquette et Michel Dalberto. Elles ont un point commun: dépoussiérer la statue de Beethoven, pour en montrer l’humanité, le destin et la modernité.
Beethoven, Le prix de la liberté
Déjà auteur d’une adaptation en bande dessinée des pièces de théâtre, Antigone de Sophocle (Glénat ) et Lorenzaccio de Musset, Régis Penet sait mettre en scène les destins qui dépassent leur temps. Le scénariste précis, avec une culture nourrie d’ une documentations remarquable confirme et appuie le dessinateur inspiré. Son trait rigoureux, privilégiant les contrastes avec un noir et blanc épuré manie les cadres et les plans pour mieux cerner les personnalités de ses protagonistes, souvent déchirés entre le désir et le devoir.
Avec Beethoven, Le prix de la liberté, le récit est tenu par le jeune fils du prince Alois von Lichnowsky, Eduard. Nous sommes en 1806, il se lit d’amitié avec Beethoven qui vit sous la protection de son père, et ne pourra rien faire que les deux hommes iront presque aux mains. Beethoven refuse toute compromission à son mécène et protecteur qui exige qu’il joue devant les officiers français invité à dîner. L’épisode marque l’enfant qui assiste 20 ans plus tard à la création de la 9é symphonie. Et consiste une remarquable introduction pour mieux comprendre le destin de l’artiste romantique et la dimension héroïque de sa musique.
« Il veut, rappelle le pianiste François Frédéric Guy dans la préface, présent dans la bande son qui accompagne l’ouvrage, en tant que compositeur, contribuer à libérer l’humanité de son asservissement aux puissants, la rassembler au-delà des classes sociales grâce à une musique qui parle au cœur de chacun comme à l’humanité tout entière, et non pas à quelques-uns à travers la religion. »
La passion de la fraternité
Même ambition dans l’Ode d’Erik Orsenna dédié au « génie fraternel », l’écrivain n’a pas son pareil pour conter les ressorts d’une ville, d’une matière première (Soie, Papier, Sucre) ou d’un personnage historique (Le Nôtre, La Fontaine et Beaumarchais,…)
Portrait très personnel plus qu’une biographie, l’auteur renvoie volontiers vers ses sources, Brigitte et Jean Massin. Son récit est émaillé de considérations personnelles, de souvenirs, surtout des admirations (Vladimir Jankélévitch), de traits d’esprit et quelques petites piques. L’ancien conseiller à la culture de François Mitterrand connaît les arcanes du pouvoir et les tensions avec la création, voir les tentations de l’instrumentalisation. Beethoven incarne le refus de toute compromission, ne vise qu’une mission ; le destin de l’artiste. Ici la fraternité, « est un emboîtement de royaumes, écrit Erik Orsenna. De vrais royaumes, avec leurs territoires et leurs rêves, leurs musiques et leurs légendes, leurs héros et leurs traîtres. La vie de Beethoven peut se raconter du point de vue de toutes les fraternités. »
Au pas de charge, pour mieux faire vivre son personnage, Orsenna ne se refuse aucun effet, aucune liberté. Sa lecture est un cadeau, une friandise culturelle, aussi jubilatoire, qu’entrainante. Le lecteur fait d’un livre deux rencontres. A la manière de la Commedia del Arte, ou d’un Pierrot Le Fou (Godard) Orsenna l’apostrophe en souriant derrière ses moustaches : « Je suis sûr que nous allons tomber d’accord : même si ce livre a pour sujet principal la musique, ne lui laissons pas le monopole de la mélodie. Certains noms vous emportent loin dans les rêves, au cœur des palais et des fêtes. »
Le conteur est aussi un formidable passeur pour valoriser le pouvoir de la musique. Et de reprendre l’Ode de Victor Hugo : « L’infirmité de Beethoven ressemble à une trahison ; elle l’avait pris à l’endroit même où il semble qu’elle pouvait tuer son génie, et, chose admirable, elle avait vaincu l’organe, sans atteindre la faculté. Beethoven est une magnifique preuve de l’âme. Si jamais l’inadhérence de l’âme et du corps a éclaté, c’est dans Beethoven.»
Il était une fois la Neuvième
Aussi le concert du 24 mai, avec ses complices Michel Dalberto, piano et Henri Demarquette violoncelle, ce qu’il nomme le trio Fidelio vise à poursuivre l’accord musical, cette fraternité en musique.
La générosité étant de mise ne pouvait qu’être massive, le programme du 24 mai 2021 à 19h, Théâtre des Champs Elysées… :
- Beethoven Sonate op 102 n°2 (Allegro con brio)
- Sonate op 5 n°2 (Allegro molto piu tosto presto).
- Marche Funèbre extrait de la Symphonie « Eroic »
- Sonate « Clair de Lune » (Adagio sostenuto)
- Sonate op 69 n°3 (Adagio cantabile et Allegro vivace)
- Sonate op 102 n°1 (Andante et Allegro vivace)
- Sonate op 102 n°2 (Adagio con molto sentimento d’affetto)
- Symphonie n°9 Hymne à la joie